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HARVARD
COLLEGE
LIBRARY
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CAENET DE CAMPAGNE
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
PAR
LIEUTENANT RENÉ NICOLAS
DE L'ARMÉE FRANÇAISE
EDITED BY
EDWARD MANLEY
BNGUBWOOD BIQH BCHOOL, CHICAGO
BENJ. H. SANBORN & CO.
CHICAGO NEW YORK BOSTON
Copyright, 1919
By BENJ. h. SANBORN & CO.
PREFACE
The Carnet de Campagne by Lieutenant René Nicolas
of the French Army first appeared in the Atlantic
Monthly (January-March, 1917) under the title The
LieiUenant^s Stary. The translation was by Miss Kath-
arine Babbitt. This narrative was received with
enthusiasm by the readers of the Atlantic, and was the
subject of much favorable comment. It was subse-
quently pubUshed in book form by the Houghton
MifBin Co. under the title "Campaign Diary of a
French Officer."
The Carnet de Campagne is Lieutenant Nicolas' diary
or fieldbook. It covers the period from February to
June, 1915; and gives a straightforward, soldierly
account of his part in the war — with related incidents
— from the time he appeared at the front in Cham-
pagne to the days when he was recovering from a
wound received before fourth-line German trenches.
Because of the unusual character of the Carnet the
question arose whether the book could not be used in
the original for reading material in French classes.
Examination of the manuscript showed that the French
had much excellence — it is easy, simple, and free
from dialect and coUoquialisms. Hence its appearance
in this form.
The Carnet abounds in stirring incidents of trench lif e
and delightful pictures of days ofif duty. Though writ-
ten at odd moments in dugouts or cantonments, when
• • •
m
jy PREFACE
the author had little opportunity or incHnation for
revising it, and though at times literally punctuated by
bursting shells, it bas an admirable literary form. Of
the value of its subject-matter there can be no doubt.
Students who hâve completed the éléments of, "mili-
tary" French will find the Carnet de Campagne an aid
and inspiration in continuing their study. Others may
find it as satisfactory as the orthodox love story or
comedy.
The editor is under obligations, which he hereby
acknowledges, to the Houghton Mifflin Co. for their
kind permission to use Lieutenant Nicolas' manuscript,
also to Miss Babbitt for much valuable assistance in
making it available and in getting it transcribed with
a degree of correctness.
A list of irregular vérbs, with the more important
tense-forms, has been added to make the student's
work easier. This also helps to harmonize the book
with the better class of beginning books in "military
French," which consistently emphasize the study of
the verb.
Easy Exercises are added, which some teachers may
find useful in case they are too much occupied with
other work to make their own.
E. M.
Janvmy, 1919
CONTENTS
PREFAC3D iiî
Introduction • Kathairine BabbiU viî
Avant-Propos 1
Carnet de Campagne:
I. L'arrivée dans la zone des armées; impressions gé-
nérales de Tarrière-front 5
II. La marche vers la tranchée 18
III. Description de la tranchée; la vie en première ligne;
bombardement; attaque allemande 27
IV. Au repos; la vie au cantonnement et au bivouac . . 44
V. La boue, la tranchée, les cadavres; prise d'une tranchée
allemande; en seconde ligne; retour en première
ligne; la relève; le défilé devant le drapeau .... 53
VI. Au cantonnement; en quatrième ligne; les corvées;
visite à l'artillerie 73
VII. En première ligne; le canon de tranchée; la mine; prise
d'une tranchée boche; les grenades; à la côte 181;
en seconde ligne; nos derniers joiu» en Champagne 88
VIII. Un mois loin des tranchées 102
IX. Avant la grande offensive; Artois, 1-8 mai 1915 . . 117
X. L'attaque; la blessure 136
XI. L'évacuation; le train sanitaire; l'hôpital 149
Exercises 159
Irregxtlar Verbs Used in this Book 185
vocabulary 204
V
INTRODUCTION
When in 1917 Lieutenant Nicolas was given his
final discharge from the French army, his country
decorated him with the much-coveted médaille mili-
taire. In the citation which accompanied it, Marshal
Jofifre characterized him as "un officier intelligent,
énergique et courageux"
If among the many narratives that hâve corne to
us from the battle Une in the last four years, thèse
campaign notes of a very young French officer still
seem worthy of attention, it is because he has been
able to put into his writing some of the same qualities
for which Marshal Joffre praised hhn as a soldier —
inteUigence, energy, and courage. His diary was not,
of course, written for publication. The form in which
it stands is the first outpouring of an intense expérience-
The style is simple and unadorned, but its simplicity
is unmistakably that of a trained and gifted mind.
We hâve in the diary the description of a short
campaign — barely three months in ail — during
which, as Lieutenant Nicolas bitterly complains, his
régiment took part in only one big offensive. Never-
theless, the final impression is not that of a small
corner of the great struggle, nor yet of a séries of
detached incidents. To an unusual degree his account
présents a rounded picture of the war, and makes
very real to us the life of the men at the front with
its suffering and its rewards, its ''long, hard hours and
few splendid moments."
vu
Viii CARNET DE CAMPAGNE
. But this is not ail. We are looking upon France
today with a vision so changed that it is almost as iî
we saw her with understanding eyes for the first time.
This is a great gain, and for no smaU part of it we are
indebted to the letters and notebooks of her superb
fighting men — touching documents some of them, pain-
fully scrawled, misspelled, hàlting in expression. But
peasant and f actory-hand and the élite of the univer-
sities bring the same message of the superior intelli-
gence, the indomitable energy, and the unquenchable
courage of France in her dévotion to honor and duty.
Katharike Babbitt.
Fcarmingtorij ConnecHcuif
NovembeTf 1918.
The foUowing letter f rom Lieutenant Nicolas describ-
ing the ceremony of décoration at the Grand Palais is
of more than personal interest. And it will présent
him to his readers more successfuUy than any words
of mine could do. K. B.
Paris, Feb. 6th, 1917.
My dear Marraine and Ally:
I should like to sing a hyinn of joy and praise to
America! At last you are our allies, openly, as you
hâve so long been at heart. At last has corne the
officiai consécration of ail the friendship and helpful-
ness America has never wearied in showing us. Ger-
many has received a slap fuU in the face, and for us it
marks the beginning of the terrible but victorious end.
But in bringing it about, I shall hâve no share. My
INTRODUCTION ix
country bas just given me my final discharge from her
service, and before sending me eut from under the
flag, bas made me a gift beautiful beyond my dreams —
tbe médaille militaire. I am profoundly grateful. But
you would not believe bow cbildisb I am. I find
myself standing before tbe glass gazing at tbe splendid
silver medal witb its green and yellow ribbon. I keep
caressing it and fondling it, and even now as I write,
witb eacb motion I feel it swinging on my breast,
beside its bumble little sister, tbe croix de guerre.
Do you want me to tell you about tbat first Tburs-
day in February? Snow and bitter cold made tbem
transfer tbe ceremony of présentation from tbe
Invalides to tbe Grand Palais. So you may picture us
in tbe great glassed-in bail wbere tbe salon used to be
beld. A grayisb ligbt, tbe galleries black witb people,
among tbem my motber and Miss D., on tbe
floor tbose wbo were to be decoratéd, almost ail
wounded, some seated, tbe crippled, tbe blind, one
man witb bis face partly gone. Officers burry to and
fro, forming us in ranks. It is very cold. Suddenly
a joyous burst of bugles fiUs tbe Grand Palais, and
witb music and fiags tbe guards of bonor file to tbeir
places. Varions societies of vétérans foUow, eacb witb
its standard, scbool cbildren, pbotograpbers, and a
wbole group of people in mourning — tbe widows,
motbers, orpbans of dead beroes, wbo bave come to
receive tbeir croix. Ail form in Une. I taJk witb an
officer wbo fougbt at Verdun, or nod and smile to my
motber. I try to discover Miss D., but witbout success.
X CARNET DE CAMPAGNE
The bugles sound again. Attention! We stand
rigidly erect. That bugle call goes through and
through you. Then the swelling notes of the Mar-
seillaise fill the hall to the very roof. The gênerai who
is to decorate us arrives, passes before us, passes bef ore
the flag, saintes. A change in our position brings me
in full sight of my mother, whom I scarcely dare look
at, for I do not feel very sure of myself in the face of
the flood of émotion that keeps threatening to carry
me off my feet. I fix my mind on the scène around me.
In front of us stretches the long gallery; near by are
troops with guns at rest, bands, flags, staff-officers,
General Cousin, and then — a little table on which lie
the bright medals.
The gênerai steps out from the group. He is a
small man in a Ught blue uniform. He unsheathes his
sabre and gives in a clear voice the order to présent
arms. Ail around us rises high a gleaming barrier of
bayonets. "Play the ruffle," commands the gênerai.
The drum-major lifts his bâton, and drums and bugles
resound. It is beautiful. It is almost tragic. The
âourish dies down and the ceremony of décoration
begins. First come the croix d'honneur. The gênerai
walks down the Une of officers in front of my row, and
after reading the citations, embraces each man and
touches his shoulder with the flat of his sabre. Soon
he comes to my row. I see him pinning the silver
medal on the men near me. Beside him is the officer
who carnes the medals and reads the names. I glance
at my mother. She is leaning forward with her hand-
INTRODUCTION xi
kerchief pressed to her lips. It is the turn of the man
next to me. It is my turn. My sensations, so clear
up to that moment, become confused. A mist rises
before my eyes, I do not hear distinctly . I am conscious
of a light, quick touch on my coat. Something is fas-
tened there — something I do not dare to look at. A
clasp of the hand, and it is over. I cannot seem to move
— can hardly think. At last I turn toward my mother,
but see only her handkerchief which is before her eyes.
Shall I confess that I wept? I foUowed my comrades
to a place a little f arther on, and then I dared to touch
and look at my medal. It is so beautiful, my dear
Marraine, so very beautiful, and I am happy.
The ceremony was a long one. While the bands
played, the gênerai passed between the rows of soldiers,
and his grave and imiform gesture was like a religions
rite. When the last poilu had received his cross, it
was the turn of the families of the honored dead.
Women in black reverently received the Uttle boxes
containing the sacred mémentos of the heroism of
their dead. One tall old man opened the box, took out
the cross, and after lifting it to his lips, gave it to his
three little grandchildren, who kissed it one after the
other, weeping.
Once more the stirring notes of the bugles. It is
ail over. And to the music of Sambre et Meuse troops
and flags filed before the newly decorated soldiers,
the gênerai passed along our front, saluting, and I saw
my mother, her face transfigured, stretching out her
arms to me from the gallery.
CARNET DE CAMPAGNE*
AVANT-PROPOS
Durant les longues heures oisives que l'on passe
dans la tranchée ou à l'arrière du front, les soldats
presque tous écrivent leur carnet de route. Et le
mince carnet qu'ils ont sur eux sans cesse est leur plus
grand ami. C'est le confident de leurs peines et de s
leur joie, de leur héroïsme et de leur abattement,
qu'ils décrivent naïvement. C'est le reflet de leur âme.
Pour moi j'ai essayé de noter le plus objectivement
possible les événements que j'ai traversés. J'ai
* Carnet de Campagne: fiddbooh; there is a similar use of
the adjective phrase in English. We say either an iron rod or
a rod oj iron. The latter is like the French phrase introduced
by de. The French does not imitate the form, an iron rod.
Compare also médecin de campagne, country dodor. A de
phrase is the customary way of using a hoim to modify another.
1. l'on: the P has no meaning whatever. ''Toutefois, pour
rharmonie, il vaut mieux se servir de VoUy que de on^ après
ainsi, si, où, et, et après que suivi d'im c dur. Exemples: Si
Von vient, de préférence k: ai on vient. Il faut que Von com-
mence, de préférence à: il faut gu*on commence. On n'emploie
pas Ton devant le, la, les. On ne dit pas: si Von les entend;
mais si on les entend."
8. carnet: books. If the object mentioned is a property or
quality of each of a group or class, the French uses the singu-
lar.
4. sans cesse: the only other use of the noun cesse in this
book is in the expression avoir de cesse, to stop,
1
2 CARNET DE CAMPAGNE
accumulé le plus de détails pittoresques, le plus d'im-
pressions suggestives. Mais comme de juste mon
moiy s'il n'est pas le centre du monde, est du moins
le centre de ce journal, écrit sur le front sans la moindre
6 pensée de publication.
Venu en Amérique, j'ai pu juger de l'intérêt que
prennent à la guerre européenne les citoyens du
Nouveau-Monde. Ils ne se contentent pas d'aider
de tout leur cœur et de tous leurs moyens à soulager
10 les infortunes que la guerre fait naître. Ils veulent
savoir exactement comment "cela se passe là-bas."
Et les nombreuses questions que l'on m'a posées, et
l'attention que l'on prêtait à mes récits de guerre, sont
mon excuse de publier ce carnet de route. Peut-être
16 ceux qui le lisent y trouveront-ils des renseignements
capables de les intéresser et de satisfaire leur soif de
connaître.
Je n'étais pas soldat au moment où la guerre a
éclaté. J'ai été appelé dès le début d'août, et j'ai
20 fait mes classes comme fantassin. Puis mes titres
universitaires et un examen me permirent d'être
affecté à un cours d'élèves-officiers. A l'issue de ce
cours je fus nommé aspirant et partis sur le front.
A part quelques omissions, ce livre reproduit
25 exactement les notes que j'ai prises sur le front,
sans y rien changer. C'est un reflet fidèle de la
vie à la guerre; seuls les deux derniers chapitres ont
été écrits assez longtemps après les événements
qu'ils racontent. Le lecteur comprendra pourquoi.
19. août: August, 1914.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 3
Aussi la forme n'est pas toujours soignée — allez donc
polir des phrases au bruit de la mitraille. Mais cet
ouvrage est un ouvrage vrai, vécu, et intensément
vécu, et c'est ce qui fait le peu de valeur qu'il a.
R.N.
Paris, 1916
CARNET DE CAMPAGNE
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
FÉVRIER — MAI 1915
Chapitre I
L'arrivée dans la zone des armées; impressions générales de
Tarrière-front.
12 février. Dans le train qui, enfin, nous emporte
vers la guerre. Mes compagnons dorment, fatigués
de la nuit sans sommeil et de ce voyage interminable, s
Moi, je suis tout à la joie d'aller me battre. J'aurais
pu accepter d'être interprète dans l'état-major, mais
c'est de la vie active, intense qu'il me faut — la grande
et folle activité des batailles. Mon enthousiasme du
début de la guerre ne m'a pas abandonné, il s'est lo
augmenté encore de la longue attente à laquelle j'ai
été condamné dans ces camps d'instruction où j'ai dû
apprendre à être soldat, puis à être officier. Mais
sitôt parue ma nomination au grade d'aspirant, j'ai
demandé et obtenu de partir. Je me fais des illusions 15
peut-être — la guerre n'est peut-être pas aussi eni-
vrante — qui sait?
6. voyage: can this word mean a trip by train? in a motor
car? at sea? How does it differ from the English word voyage?
6. interminable: do troop trains run rapidly?
6. me battre : a customary military expression meaning tofight.
In the third person (the one most frequently met in reading)
se battre is used.
6 CARNET DE CAMPAGNE
Mais je suis tout heureux — maintenant la tristesse
de mes adieux avec ma mère est dissipée — elle avait
été atténuée déjà par le triomphe de notre départ de
cette petite ville blanche de neige, traversée musique
6 en tête, Marseillaise aux lèvres et dans le cœur, au
milieu des hourrahs de la population.
Nous traversons maintenant d'admirables campa-
gnes. Jamais cette vallée de la Saône que j'ai par-
courue si souvent ne m'avait paru si belle, et malgré
10 soi on pense à la "doulce France" et qu'elle vaut bien
la peine que l'on meure pour elle.
Mourir, non. Je suis bien sûr de n'être pas tué à la
guerre; je suis sûr de pouvoir faire mon devoir jusqu'au
2. elle: what is its antécédent?
4. musique: fînd two meanings for this word. Which one
ifl used hère?
6. Marseillaise: the French national hymn. It was made in
1792 by Rouget de Lisle for the (French) Army of the Rhine.
At that time De Lisle was an officer of the garrison at Strasburg.
He was asked to write the words and music for a war song in
honor of the volunteers who were marching to battle from the
city. He wrote the words, but for the music he adapted the
Credo of the Mass from a composition written in 1776 by Holz-
mann, Kapellmeister to the Elector of the Palatinate. Later,
some Marseilles troops returning home by the way of Paris sang
it in Paris. From this it received its name (La Marseillaise).
For a full accoimt see an article by Karl Blind in the Nine-
ieenth CerUury, July, 1901, No. 283, page 93.
10. doulce: old form for douce. The phraae is quoted from
the old French epic Chanson de Roland.
11. que . • .*meure: subjunctive présent. Ton: see note to
page 1, line 1.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
8 CARNET DE CAMPAGNE
bout, et une fois ma tâche remplie, de revenir à ma
mère et à ma vie.
13 février. Nous venons de débarquer. J'écris
dans la chaleur douce d*une chambre que des paysans
5 ont mise à ma disposition.
Ce matin, à Taube brumeuse d'un février glacial,
notre train s'est arrêté au milieu d'une plaine vaste,
grisâtre et boueuse, dont quelques bosquets seuls
rompaient la monotonie. Le clairon, sonnant la
10 marche de notre régiment, nous donna aussi le signal
du débarquement. Aussitôt les hommes, la tête
alourdie de sommeil, tout engourdis de ces deux jours
de voyage, sortirent. Je courus aux wagons de ma
section, je fis aligner mes soldats et former les faisceaux
15 en attendant les ordres. Des corvées furent instituées
immédiatement pour chercher les vivres, pour débar-
quer les voitures.
Mais où étions-nous? Seul le commandant con-
naissait notre itinéraire par avance, car il doit être
20 tenu secret. Nous ne savions que très vaguement
que nous allions en Champagne. La gare portait un
nom à moi inconnu — Cuperly. Je cherchai sur ma
3. venons de débarquer: hâve just detrained. The idiom
venir de îs not diffîcult after several exsunples. See Exercises.
21. Champagne: a district in France east of Paris. It con-
sists of four of the 87 departments which form France. It is not
now a political division any more than New England is.
22. Cuperly: a town east of Paris and about half way to
Verdun. The Ueutenant had corne from southeastem France up
the Saône Valley and then west to Cuperly.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 9
carte et je trouvai que ce village était en plein camp
de Châlons, à quelques kilomètres au sud des villages
de Perthes et des Hurlus dont il avait été si souvent
question dans les derniers communiqués. Nous allons
donc être lancés en pleine offensive — quelle joie!
A la hâte je griffonnai pour ma mère une carte et un
employé du train me promit de s'en charger.
Notre attention, en cette aube glaciale, fut attirée
par un convoi de ravitaillement dont les gros autobus
passaient, avec des allures de fantômes, dans le brouil- 10
lard de la route, et par un grondement sourd, roule-
ment prolongé de tonnerre — c'était le canon.
"Sac au dos! Rompez les faisceaux! A droite par
uatre ! En avant, marche ! "
Et le bataillon se mit en marche, siir une route 15
défoncée, boueuse, couverte d'une boue liquide, sale,
grise, qui semble inonder tout le pays. Un convoi
d'artillerie que nous croisâmes nous éclaboussa da-
vantage. Il faisait froid.
A l'entrée du village, à deux kilomètres plus loin, 20
on fit halte. C'est là que l'on devait manger. Vite
je m'occupai de l'installation des cuisines de ma section;
deux honmies par escouade allèrent chercher du bois,
1. camp (d'instruction), ''celui où une troupe s'instruit par
des manœuvres: le camp de Châlons est un camp d'instruction.''
2. Chfllons: capital df the department of the Marne, per-
haps 105 miles east of Paris, and not far from Metz and Verdim.
It was near Châlons that AttUa was defeated in' 451 a.d.
2. kilomètres: the kilometer is quite generally used in conti-
nental Europe to measure distances from places to places. It is
.62 of a mile — three-fif ths for rapid computation of distance.
10 CARNET DE CAMPAGNE
et bientôt les foyers joyeusement flambèrent. On
retira de dessus les sacs des ustensiles de cuisine;
les provisions de café et de sucre nous foiirnirent
bientôt un "jus" très apprécié dans Thumidité de ce
5 matin d'hiver. Je donnai ordre de faire cuire du
bœuf de conserve arrosé de vin, et ce fut im vrai
régal. Pour nous, les officiers et chefs de sections,
pendant que nos soldats repus prenaient du repos,
nous acceptâmes Tinvitation d'officiers d'artillerie qui
10 nous souhaitèrent la bienvenue avec quelques bouteilles
de Champagne. La gaieté allait grand train, quand
le clairon retentit. Il fallait se remettre en route —
pour où? mystère toujours.
On marcha deux heures sur la route glissante, et l'on
15 parvint à la Cheppe. C'est là que nous devions nous
établir, en attendant le retour de la brigade qui était
aux tranchées. On prit possession de nos cantonne-
ments — ma section fut logée confortablement dans
une vaste grange, bien fournie de paille, et j'élus
20 domicile au milieu de mes poilus. J'aime mieux être
en contact plus étroit avec eux; je veux les connaître
tous, et en faire mes amis si possible. Au moment du
départ j'ai pu leur procurer bien des objets superflus
qu'ils désiraient et ce soir ils sont venus m'inviter à
25 dîner; l'un d'eux, le "débrouillard" de la troisième
escouade, avait su gagner une vieille paysanne, qui lui
2. de cuisine: see note to de campagne, page 1.
4. "jus": written with quotation marks by the author to
indicate that this îs not the conventional word for coffee. By
many it is miscalled '^lang."
D'UN OFFICIER FRANÇAIS H
avait donné deux poulets. Mes braves gens exigèrent
que je leur en fisse les honneurs. J'ai accepté avec
grand plaisir. Puis on a causé très familièrement.
Je leur ai fait part de ma joie d'être au front et je leur
ai surtout dit l'espoir que je fondais sur eux. 5
"Avec vous, mon aspirant, nous irons partout,"
dit un caporal, et tous applaudirent. Cela m'a fait
très grand plaisir.
Et puis quel bel accueil nous avons reçu des paysans!
Ma vieille hôtesse voulait absolument me donner sa 10
chambre, mais je lui ai dit que je préférais donmr sur
la paille avec mes hommes. Mais du moins j'use de
sa salle, bien chauffée, où j'écris ces lignes de mon
journal, après avoir écrit à tous les miens.
Mais demain? De quoi demain sera-t-il fait? Le 15
canon tonne très fort — on doit attaquer cette nuit.
Et moi, je vais dormir. Mais mon tour viendra
bientôt, j'espère.
14 février. Le canon qui formidablement retentit
toute la nuit m'empêcha de dormir, pourtant j'étais 20
bien, enfoui dans mon lit de paille, à côté de mon cher
ami Henri. Nous sommes heureux d'être ensemble à
la guerre après avoir été ensemble au collège.
Je suis de garde ce matin avec ma section. Le poste
de police est à un carrefour, et la consigne consiste, 25
outre la police du village, à régler les mouvements des
3. familièrement: Jredy or vnthotU constrairU.
28. collège in France ranks immediately below a university.
26. police: what two meanings does this word hâve hère?
12 CARNET DE CAMPAGNE
convois qui passent perpétuellement. Quel train
d'enfer! pas une minute où il ne passe quelque chose.
Un grand train de munitions, des canons lourds traînés
par des tracteurs automobiles, un régiment d'infanterie
6 qui revient des tranchées, tout boueux, mais triom-
phant. Les poilus rayonnent, on les entoiu^e, ils
donnent des détails: bonnes nouvelles, on se bat ferme,
mais "ils prennent quelque chose, les Boches !"^-
Et puis ce sont nos vieux autobus de Paris, trans-
10 formés en voitures à viande. Quelques-uns ont encore
leur écriteau : "Madeleine — Bastille," "Neuilly — Hôtel
8. prennent quelque chose: the reader may please to trans-
late by some such colloquial expression as ''the Boches are
catching it."
8. Boches: the term primarily means bowling bail. It is
applied to the Germans by the French because the heads of
many of the Germans look round like a bail. This roundness
is emphasized by the gênerai custom of keeping the hair eut
short and wearing it pompadoiur. (C/. the "Roimdheads" of
Cromwell's time.) There are other explanations of the word.
9. autobus de Paris: huge trucks comfortably fitted up for
passengers inside and on top. Hère we again hâve the adjective
'phrase with de. See first note, page 1.
11. Madeleine (église de la): one of the principal churches
in Paris. This écriteau indicates the route followed by the
omnibus.
11. Bastille: a médiéval prison in Paris. In conséquence of
the confinement in it of so many victims of royal absolutism and
whim its name came to stand for unrestricted tyranny. It was
destroyed in 1789 by the Paris mob. The day of its fall
(14 July) is the French national holiday.
11. Neuilly (-sur-Seine): a suburb of Paris near the Bois
de Boulogne. Hôtel de Ville: City Hall.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 13
de Ville/' "Clichy — Odéon." Un autre, ô ironie,
nous annonce qu'il est "Complet," et ce sont de
grands bœufs qui 1-oecupent. ô autobus de Paris,
vous faites votre devoir aussi, vaillamment, comme tout
en France; vous oubliez votre luxueuse existence de 5
bourgeois parisiens, et vous pataugez dans la boue
champenoise, acceptant ces misères pour le salut de
votre pays. Vous avez droit au respect, autobus
fangeux et sales, car vous faites votre devoir.
Je suis sorti un moment. Le village est à peu près 10
intact: la mitraille ne l'atteint pas, il est hors de portée
des canons. Les habitants sont des paysans ou des
réfugiés des régions envahies. Tous s'occupent des
soldats: beaucoup ont ouvert de petites boutiques et
vendent des vivres, du linge, des objets de nécessité. 15
Les marchands de vin sont peu nombreux, et la vente des
liqueurs est sévèrement réglementée: il faut une auto-
risation que donnent les officiers désireux d'améliorer
l'ordinaire de leur troupe. Mais l'intendance est géné-
reuse et chaque soldat reçoit un demi-litre de vin par jour. 20
Nous avons une "popote" — c'est-à-dire une cui-
sine spéciale. Nous mangeons chez un paysan qui
nous a prêté son appartement. Mon cuisinier a servi
dans les grands hôtels de Nice. Il est excellent et il
1. Clichy: a suburb of Paxis.
1. Odéon: a name given to the second Théâtre-Français.
21. Nous: the officers.
24. Nice: a port on the Mediterranean at the extrême south-
east of France. On account of its mild climate it is much fre-
quented in the colder seasons by invalids and members of the
leisure class.
14 CARNET DE CAMPAGNE
vient de m'apporter au poste un gigot des plus savou-
reux.
Temps toujours maussade. J'ai tiré de ma cantine
(coffre d'officier) mon vieux Rabelais, et j'occupe mes
6 loisirs à me délecter au récit des expéditions de Pi-
croçole. J'ai apporté quelques livres, faciles à manier,
surtout nos grands classiques, que j'ai trop négligés
ces dernières années. Je veux garder ma vie intel-
lectuelle.
10 16 février. Bruit de bataille au loin — toujours le
va-et-vient perpétuel des convois.
Ce soir le bataillon a fait une manœuvre: il ne faut
pas laisser les hommes désœuvrés. Il est vrai que
chacun brûle d'agir; c'est ennuyeux d'être si près de
16 la guerre et de n'en connaître que l'écho. Après le
souper je suis allé me promener avec mon ami. Cré-
puscule des plaines de Champagne; calme absolu.
1. vient de: see note to page 8, line 3.
1. au poste: see page 11, line 24.
4. Rabelais: a French writer (1483-1553), author of Gar-
gantua and also Pantagruel. '^£Us works are characterized by
a powerfully picturesque vocabulary and style, coarseness,
scepticism, strange ideas, a keenly critical spirit, a deep love of
humanity, a passion for justice, and the cultivation of scientific
knowledge." Rabelais was a physician and professor of anat-
omy. He was a pioneer in the use of the cadaver in médical
instruction, for which he was punished.
6. Picrocole: a character in Gargantua, a comedy type of
conqueror.
7. nos grands classiques: earlier French authors such as
Rabelais, Boileau, Montaigne, Racine, Molière, etc.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 16
Il est bon de vibrer un peu en unison avec cette nature
indifférente à nos gestes humains, cela nous les fait
oublier un peu. Et ce silence, ce calme, cette lune
ronde et froide, aux reflets pâles sur la boue et sur les
ornières dans quoi elle met comme un rayon d'acier, 5
rendirent plus intime notre causerie de vieux amis
instruits.
•
17 février. Le régiment revient aujourd'hui des
tranchées. Contact plus étroit avec les pa3rsans, qui
sont adorables d'affabilité. Ils nous contèrent leurs 10
misères, comment les Boches avaient occupé le village,
qu'ils ont respecté cependant, car ils comptaient s'y
installer pour longtemps. Et puis le défilé ininter-
rompu des Allemands qui criaient partout que les
portes de Paris leur étaient ouvertes; enfin le retour 15
de ces mêmes Boches, penauds, fuyant devant
l'irrésistible poussée de notre victoire de la Marne.
Et ces braves gens étaient fous de joie quand ils
virent derrière l'ennemi en fuite revenir les Français,
clairon en tête — toute la patrie qui leur faisait 20
retour. #
Nous avons eu une revue de vivres et d'équipement.
Chaque soldat a douze biscuits, deux boîtes de "singe"
(bœuf en conserve), du café, du sucre, du bouillon en
cubes — sans compter les provisions individuelles, qui 25
sont abondantes. Les vivres de réserve sont sacrés:
on n'y touche que sur ordre exprès. Chacun a aussi
150 cartouches. Tout cela fut examiné, complété.
Nous sommes donc prêts, l'enthousiasme, la volonté
16 CARNET DE CAMPAGNE
et la joie de la bataille, et tous les détails matériels
sont présents. Nous partirons bientôt pour le feu.
19 février. Nous devons aller rejoindre autre part
le régiment: notre bataillon est disloqué et nous allons
6 aller combler les vides que les dernières batailles ont
faits. J'espère que je pourrai rester avec mes hommes.
C'est mon vœu le plus ardent.
20 février. Ce matin nous avons quitté la Cheppe
pour S. S. Temps sec, paysage toujours morne, plaine
10 inculte, boueuse, quelques arbres seulement. A Suip-
pes, première vraie impression de guerre: la ville est à
moitié démolie — le château et les usines sont des
ruines lamentables. Nous sonunes en pleine des-
truction. Et le canon au loin tonne. Un obus est
16 tombé avec grand fracas et un panache magnifique
de terre soulevé, comme nous étions près de la voie
ferrée. Les Boches visent beaucoup cette voie, mais
une "marmite" ne peut arrêter cet immense trafic.
Que de wagons, de garages, que de marchandises
20 entassées! les trains ne discontinuent pas.
On arriva enfiit à S. S. et Ton prit contact avec
notre nouveau régiment. Je fais partie de la onzième
compagnie, et j'ai la deuxième section: je garde mes
9. S. S.: perhaps military prudence at the time of writing
suggested that the name (Somme Suippe) be net given in full.
9. Temps, etc.; see page 3, Unes 2-3.
16. voie ferrée: ' 'double ligne de rails parallèles, que suivent
les trains."
19. garages: see vocabulary.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS ' 17
hommes. Les officiers nous ont reçus aimablement.
Nous arrivons en pleine activité, au bon moment, et
le travail ne nous manquera pas.
21 février. Le village est à moitié en ruines.
L'église, transformée en hôpital, a son clocher voilé 5
aux regards ennemis par im revêtement de branchages,
et de loin les avions doivent le confondre avec les
arbres voisins. — Non loin de là une installation de '
douches qui fut la bienvenue, car la boue nous avait
assez crottés. lo
Le cimetière, en plein champ, est très peuplé de
petites croix de bois. Ce soir j'ai vu enterrer un
officier: un petit cercueil accompagné par quelques
hommes à peine — le régiment dut être aux tranchées.
Un prêtre-soldat, la médaille militaire sur la poitrine, is
bénissait.
Nous n'avons pas de nouvelles de rien ni de personne
— pas de journaux — les lettres ne sont pas encore
arrivées. Irai-je donc à la tranchée sans que j'aie
reçu une lettre? Cela m'eût fait plaisir, mais je n'ai 20
pas besoin d'encouragement. Demain enfin nous
partons pour les tranchées.
Chapitre II
La marche vers la tranchée.
23 février. Ça y est. Je viens d'être sacré poilu,
je viens de recevoir un magnifique baptême du feu et
vraiment les Boches m'ont fait honneur. Mais
6 puisque ce journal doit être Timage fidèle de ma
campagne, il faut que je regarde un peu en arrière et
que je suive chronologiquement les événements nom-
breux qui s'écoulèrent ces derniers jours.
C'est donc il y a trois jours que nous sommes venus
10 aux tranchées. L'ordre parut le matin. Le capitaine
nous fit appeler et nous montra notre emplacement
respectif, sur un plan de nos lignes de défense. Notre
secteur s'étendait à l'est de Perthes-les-Hurlus, face
au nord. Puis, après que nous chefs de section, nous
15 eûmes reçu les instructions dernières, la compagnie
se réunit et le capitaine fit un petit speech. La plupart
d'entre nous étions des jeunes, non encore allés au
feu, ou bien blessés du début de la guerre; nous
n'aurions pas, pour notre premier séjour en première
20 ligne, le spectacle total de la guerre; notre tranchée
sera propre et bien faite, nous n'aurons pas à attaquer
2. Je viens d'être sacré poilu: Fve just heen initiated (and
am) a real French soldier, "Sacrer: conférer un certain carac-
tère au moyen de cérémonies religieuses. Charlemagne fut
sacré empereur par le pape Léon." For viens de see note to
page 8, line 3. poilu is explained on page 46, Unes 25 ff.
18
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
20 CARNET DE CAMPAGNE
et les Allemands certainement auront le bon goût de
ne pas trop nous ennuyer. Ces prédictions furent
démenties par Thistoire des événements.
Le départ devait avoir lieu à dix-sept heures. C'est
5 la nuit qu'ont lieu les relèves et les mouvements de
troupes, pour être cachés aux yeux de l'ennemi et
n'être pas troublés par un bombardement malvenu.
La journée fut consacrée aux préparatifs. J'ai donné
ordre d'aller à la douche, puis chacun garnit sa musette
10 (petit sac) et rempUt son bidon; grande quantité de
boîtes de conserves furent achetées, du chocolat, du
lait condensé, des cigarettes. On débarrassa les sacs
des objets inutiles que l'on laissa dans une chambre
du cantonnement. Et comme le froid était vif, on
16 distribua des cache-nez, et de chauds passe-montagnes
tricotés par les mains pieuses des femmes de France
ou d'Amérique. On revêtit alors le costume "poilu"
— capote les pans baissés, doubles leggins aux jambes,
4. dix-sept heures: seventeen o^dock. The French hâve tried
the plan of abolishing a.m. and p.h. Under this System they
nnmber the hours consecutively from 1 a.m. to midnight. So
17 heures is 5 p.m.
5. la nuit: a question might arise regarding the darkness at
5 P.M. The date at the beginning of this chapter is 25 February,
at which time the period of daylight is as short in the latitude
of Paris as it is at Winnipeg. In this degree of darkness troops
could be moved with comparative safety — so far as airplanes
were concemed. ^
18. capote: diminutive of cape {doak with hood); ''manteau
à capuchon. Redingote (long^kirted cocU) à Tusage des soldats;
la capote est la tenue (uniforme, habit) de campagne de Tinf anterie
française sauf les zouaves et les turcos.''
DTN OFFICIER FRANÇAIS 21 .
cartouchières pleines à éclater, musettes et bidons
montrant leur panse pleine aux côtés, et par-dessus,
la frange d'un long cache-nez peut-être trois fois en-
roulé autour du cou, et sur la bouche, d'où sortait la
pipe traditionnelle. Enfin im bâton fantaisistement 5
sculpté pour aider la marche dans des terrains boueux.
De bonne heure on mangea. A seize heures je fis
rappel de mes hommes. Je m'assurai qu'il ne man-
quait rien, ni vivres, ni outils, ni pièces d'équipement,
et que. les fusils étaient propres. Je donnai mes 10
instructions aux cuisiniers (deux par section), qui
devaient rester à la butte des Hurlus. Tout était
bien. La compagnie se réunit sur la route, on fit un
appel général. A côté, les trois autres compagnies
du bataillon faisaient de même. Quand tout fut 15
prêt, le commandant siffla et les compagnies se mirent
en route.
On défila d'abord au pas et l'arme sur l'épaule, dans
le village. Mais dès que l'on eut dépassé le cimetière
on commanda: "L'arme à la bretelle — pas de route!" 20
Et ce fut l'ascension vers l'ennemi.
La route était épouvantable: elle était défoncée par
les convois nombreux et couverte d'une boue affreuse,
gluante, dans laquelle on avait peine à avancer et où
l'on glissait souvent. On enviait les sapeurs du 35
génie qui, avec leurs fils barbelés et leurs gros outils,
18. au pas: in siep; (marcher) au pas et l'arme sur l'épaule:
to march ai oUerUion.
20. pas de route: ''pas non cadencé {in timé) que les troupes
peuvent prendre d'une étape à Fautre.'*
/'
22 CARNET DE CAMPAGNE
allaient vers le feu aussi, mais dans le petit chemin de
fer Decauville, qui longeait notre route et qui sert au
ravitaillement et aux blessés.
Longtemi)6 on marcha. Après une heure on fit la
5 halte régl^nentaire à l'orée d'un petit bois d'où l'on,
découvrait la très jolie vue de la plaine avec les quel-
ques villages clairsemés et en ruines.
Brusquement une détonation formidable, tout à
côté de nous, nous fit tressaillir désagréablement.
10 C'était, me dit le capitaine, ime pièce lourde à vingt
mètres de là. Je r^ardai et ne vis rien. D'ailleurs,
d^urant tout notre trajet, je ne rajs apercevoir une
seule pièce d'artillerie. A partir œce moment, tout
près de nous tirèrent des canons, ou bien les grosses
15 pièces, ou bien nos 75, dont la détonation sèche vibre
longtemps dans les oreilles. Quand la nuit fut tombée,
on apercevait bien une Bptite langue de feu rouge,
mais rien qui pût déceler la présence d'un canon.
Puisque ceux qui passent à côté d'eux ne les voient
20 pas, pensai-je, à plus forte raison les avions ennemis.
Mais si l'on ne voyait pas les canons, on voyait fort
bien les artilleurs — ceux du moins qui n'étaient pas
occupés de leurs pièces. Ceux-ci fumaient la pipe au
seuil de leur porte: car ces messieurs ont des maisons
25 très dissimulées sous les arbres; ils s'élèvent des huttes
en terre battue, soigneusement recouvertes de gazon
et de branchages, et semblables à ces fourmiUères
géantes que l'on voit dans les Uvres d'histoire naturelle,
ou aux habitations de ces villages hottentots que l'on
30 nous montre dans les albums de voyage. Des escaliers
DTN OFFICIER FRANÇAIS 23
semblaient pénétrer profondément dans la terre, et mi
coup d'œil que je risquai en passant m'assura que
cette architecture simple abritait un intérieur con-
fortable et moderne.
.On marchait toujours — toujours dans ime boue qui s
crottait les chaussures et qui constellait le bas des
capotes de petites taches grisâtres, leur donnant
l'aspect de ces linges ornés de broderies précieuses
que l'on met sur les autels des églises. — Car dessus
nos têtes on entendait le sifSement de nos obus qui lo
nous précédaient chez les loches, et tout près les
détonations des canons qui partaient. Ceci ne dut
pas plaire aux messieurs de Teutonie, car brusquement
un gros bourdonnement, sans cesse grossissant, venait
droit vers nous, qui rentrions la tête dans les épaules, 15
et allait éclater 200 mètres plus loin. La première
impression est un peu désagréable, car on a la sensation
très nette que la masse grognante arrive tout droit
sur nous — et rapidement passe dans l'esprit la revue
des blessures horribles dont nous avions lu ou entendu 20
parler — des hommes projetés en mille morceaux, ou
éventrés, etc. — toutes choses peu souhaitables pour
soi-même. Un autre, puis un autre sifflement ana-
logue: les têtes se baissent — un certain malaise que
l'on s'efforce en vain de cacher sous un sourire — nos 25
nerfs ne sont pas encore habitués.
"Ligne d'escouade par un!" commande le capitaine,
et la colonne par quatre se transforme en quatre
12. ne dut pas plaire: muât hâve displeased,
18. Teutonie: word made on the plan of Germania.
24 CARNET DE CAMPAGNE
longues files très distantes et avançant sans parler.
Quelques obus encore, inoffensifs, mais conune les
Français semblaient se fâcher et que les détonations
aboyaient de plus en plus, les Allemands trouvèrent
5 que la plaisanterie avait assez duré, et plus rien ne
nous vint faire battre le cœur. Et pourtant on
baissait la tête à chaque obus qui passait trop près —
les projectiles français et allemands se confondaient.
Notre oreille n'était pas habituée encore aux différentes
10 sonorités, et nous nous mettions à rire chaque fois que
Ton avait eu un peu d'émotion pour rien.
Nous passâmes par-dessus toute une ligne de tran-
chées, quatre ou cinq, les unes derrière les autres,
parfaitement établies — et qu'on utiliserait en cas de
15 la nécessité de se replier en arrière. Le commande-
ment prend ses précautions.
Après une nouvelle pause le bataillon s'installa en
lignes de sections par quatre, les faisceaux furent
formés. On était arrivé aux cuisines, dissimulées
20 dans un petit ravin et très profondément enterrées.
Les marmites et les plats furent retirés de dessus les
sacs et remis aux cuisiniers. Puis on distribua du
pain, des conserves, du vin — le café devait être apporté
dès le matin dans la tranchée.
26 On se remit en route. Il était près de vingt et ime
heures. Encore ime colline à escalader et nous serions
dans les boyaux.
Le bataillon s'était disloqué: deux compagnies
seulement devaient occuper ce secteur, les deux autres
1. et avançant: see page 3, Unes 2-3.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 25
devaient aller plus à Test. — Brusquement, en pente
douce, on entra dans le boyau, un par un, et l'on se
mit à marcher entre ces deux murs de terre où Ton
était tout à fait à Tabri. On avait peine à croire que
l'on était arrivé près de Pennemi: la nuit était noire, 5
calme; le canon se taisait; seules quelques balles perdues
faisaient entendre par-dessus nos têtes un bruit pareil
à de la soie qu'on froisse. Une pluie fine se mit à
tomber. Après 500 mètres environ de marche, on
commanda halte. On était arrivé. 10
"Le chef de la deuxième section," cria une voix
dans l'obscurité.
Je me présentai.
C'était le guide, appartenant aux troupes que nous
allions relever et qui devait me conduire à mon em- 15
placement. Je reçus du chef de la section que je
remplaçais les instructions relatives au secteur: les
deux demi-sections séparées — deux sentinelles avancées
— l'ennemi à 150 mètres — secteur calme: pas de
pertes durant les quatre jours qu'il avait passés là. 20
Mais les Allemands veillent toujours, et il faut prendre
garde de montrer la tête.
Muni de ces renseignements, je dis au sergent qui
m'accompagnait d'aller faire avancer mes honmies; à
mesure que mes soldats s'avançaient de la droite, 25
ceux que nous remplacions s'écoulaient par la gauche.
Bientôt je fus le seul maître du terrain. La garde
fut instituée rapidement; une escouade en fut chargée:
deux sentinelles doubles, relevées toutes les heures,
22. de: notto, *
26 CARNET DE CAMPAGNE
installées dans des trous d'obus en avant de la tranchée
au milieu des fils de fer.
La nuit fut très calme, je la passai éveillé — nul
d'ailleurs ne voulut dormir sans connaître l'endroit, et
5 puis le voisinage inmiédiat de l'ennemi silencieux
impressionne un peu. Au petit-jour la surveillance
dut redoubler; car c'est le moment critique, beaucoup
d'attaques par surprise ayant lieu, paraît-il, un peu
avant le lever du soleil. Â six heiures du matin,
10 l'homme de liaison du capitaine vînt me demander le
compte rendu des événements de la nuit: j'ai dû
répondre qu'il ne s'était rien passé.
Peu après arriva le café, réconfortant, presque
chaud encore. Puis le jour se leva, froid, gris, brumeux.
15 Avec lui je pus enfin prendre connaissance de mon
domaine.
Chapitre III
Description de la tranchée; la vie en première ligne; bombar-
dement; attaque allemande.
J'inspecte mon domaine; il n'est pas très long à
parcourir. J'ai bien 120 mètres environ, occupés par
mes soixante honmies. Ma tranchée se compose du 5
boyau et de deux grands saillants contenant chacun
une demi-section, soit deux escouades.
Un petit boyau contourné conduit à mon abri, qui
est assez profondément creusé dans le sol, à deux
mètres environ. Il est confortable, il contient un 10
sonmiier à moitié défoncé que les Allemands, jadis
propriétaires de cette tranchée, avaient déménagé
du village de Perthes. Une grande étagère faite de
trois planches superposées supporte quelques vieilles
boîtes de conserves, et les objets que j'ai tirés de ma 15
musette. Deux ou trois bâtons fichés dans le mur
servent de porte-manteaux. L'ameublement est com-
plété par un escabeau de bois provenant du village,
et d'un brasero où brûle du charbon de bois. Dans
un coin une caisse de cartouches et quelques fusées 20^
éclairantes. y^
Ce domaine n'est point trop mal, il est presque
luxueux. Les abris de mes soldats sont des caves
très vastes où quinze hommes peuvent tenir très à
l'aise; de la paille empêche l'humidité de la teiTe 25
champenoise d'être trop désagréable, et de vieilles
baïonnettes hors d'usage fichées dans les parois servent
27
28 CARNET DE CAMPAGNE
à suspendre bidons et musettes. Cependant, comme
le froid était assez vif, j'ai fait confectionner des
braseros. De vieilles gamelles qui traînaient furent
percées à coup de baïonnettes, et j'ai fait venir du
6 charbon de bois des cuisines.
La vie était donc assez tolérable. On se sentait
assez en sécurité. Les créneaux étaient bien abrités;
et l'on pouvait tirer confortablement — les mitrail-
leuses étaient toujom^ prêtes à faire feu; et en somme
10 les Allemands d'en face ne semblaient pas méchants.
Tout ce que l'on voyait, c'étaient de longues bandes
blanches qui rayaient la campagne devant nous, des
lignes blanches, nombreuses, enchevêtrées, et beau-
coup de fils de fer devant. C'était tout. Rien qui
15 remuât, rien qui eût l'air humain. Seulement de
ci de là une sorte de loque bleuâtre figée contre la
terre et semblant faire corps avec elle, un cadavre.
Assez peu de cadavres devant nous. Seulement à
l'ouest, à notre gauche, bien plus haut que nous,
20 devant le fantôme d'un bois, on voyait beaucoup de
ces petits paquets inertes devant les fils de fer —
témoignages d'attaques récentes.
Aussi le paysage d'en face présentait des caractères
peu intéressants — des fils de fer, de la terre remuée
25 des bois déchiquetés, des morts. Et l'ennemi était
en face, environ à 150 mètres. Je m'en aperçus
d'ailleurs bien vite et je l'échappai belle. A un moment
donné, de très bonne heure encore, je m'avançai dans
le boyau qui formait la limite est de ma tranchée.
30 Une large échancrure s'ouvrait, d'où l'on découvrait
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
30 CAUNET DE CAMPAGNE
bien mieux la vue d'en face; à gauche le village en
ruines, en face le labyrinthe des tranchées, des bois
déchiquetés. . . . Soudain, mû par je ne sais quel
instinct, je me tournai un peu, et quatre ou cinq
5 balles qui m'étaient très certainement destinées
siflBlèrent dans ma fenêtre; Tune même éràfla ma
jumelle. Assez ému, je quittai cet endroit dangereux,
mais bientôt je me mis à en rire et j'aurais bien
aimé faire savoir aux Boches qu'ils m'avaient manqué.
10 Mais je fus plus prudent dès lors.
D'ailleurs tout était silencieux; quelques obus
passaient de temps à autre bien haut au-dessus de
nos têtes, et allaient éclater si loin qu'on n'entendait
pas la détonation.
15 Le service était simple: les sentinelles, inutiles
durant le jour, étaient remplacées par deux guetteurs
par demi-section qui de la tranchée même observaient
à travers les créneaux. Les hommes dans leurs
abris se chauffaient, fiunaient tranquillement leurs
20 pipes, dormaient, mangeaient, lisaient, jouaient aux
cartes. ... Si c'est cela la guerre, pensaient maints
^(f entre eux, c'est assez supportable. Cela ne devait
pas durer.
A neuf heures l'homme de liaison vint me faire
25 savoir que le commandant de la compagnie désirait
me voir; Je me rendis à son poste de commandement,
situé en deuxième ligne. Des ordres venaient d'arriver :
une attaque française devait avoir lieu siu* les tranchées
boches au nord et à l'est de Perthes, et nous devions
30 la soutenir.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 31
Voici en quoi consistait cette attaque: la ligne de
feu était loin d'être une ligne droite; les vicissitudes
des combats précédents avaient voulu que les tranchées
allemandes fissent un saillant dans les tranchées
françaises; il s'agissait de détruire ce saillant. Notre 5
rôle à nous était de donner le change et à ime heure
fixée, de faire le plus de bruit possible avec fusils et
mitrailleuses pour attirer toute l'attention sur nous,
alors qu'on attaquerait ailleurs. Je retournai donc à
ma tranchée et donnai aux hommes les instructions 10
nécessaires. Vers dix heures, tout à coup quatre
détonations presque simultanées nous firent sursauter;
c'était ime batterie de 75 placée peut-être à 200 mètres
derrière nous. Rapides les obus passèrent en sifflant
au-dessus de nos têtes et allèrent soulever quatre 15
panaches noirs dans la tranchée d'en face. Ce fut
le conunencement du bombardement. Il fut très
violent. Au début on baissait la tête, puis on
s'habitua et l'on se fit l'oreille au bruit des canons
français. Des obus passaient avec une vitesse folle 20
et éclataient presque aussitôt que partis; d'autres
prenaient tout leur temps, notre Rimalho surtout,
surnommé "la charrette" et qui semble prendre l'air
avant d'aller conter son histoire aux Boches — et
son histoire est généralement terrible. 25
13. 75: French light fieldpiece having a caliber of about three
inches. 75 means 75 millimeters. Larger guns are called 220,
420, etc.
22. Rimalho: a heavier gun. like coït, remington, krupp,
shrapnel, armstrong, etc., it is named after the inventor.
32 . CARNET DE CAMPAGNE
Posté à un créneau, je regardais, la jumelle aux yeux,
les effets du bombardement. Toutes les tranchées
allemandes, à perte de vue, furent couvertes d'explo-
sions sans cesse renaissantes. On eût dit des lignes
6 ininterrompues de volcans. Et ce bruit, et ces pana-
ches superbes nous grisaient véritablement. Les
Boches à leur tour se mirent à répondre et, méprisants
pour les fantassins, leurs obus se mettaient en quête
des artilleurs et des canons, et éclataient loin à Tarrière.
10 Le concert devint assourdissant. On se sentait
vraiment sous une voûte de fer, invisible mais hurlante.
Et au milieu de tout ce tintamarre, deux alouettes
voletaient, joyeuses et folles, au-dessus de la tranchée,
et mêlaient leur chant de vie à la voix sourde des
15 engins de mort.
Je réunis dans ma "cagna" (abri) mes deux sergents
et mes quatre caporaux quand on apporta de nouveaux
ordres. Nous avions à tirer pendant quatre minutes
exactement, de midi une à midi cinq. Je fis mettre
20 une certaine quantité de cartouches à côté de chaque
créneau pour que chaque soldat pût tirer le plus grand
nombre de coups possible, sans perdre de temps. Les
fusils furent vérifiés.
Le bombardement croissait et Ton ne distinguait
25 plus les coups les uns des autres. C'était un roulement
ininterrompu, le tir d'efficacité, que les Allemands
appellent trommélfeuer — feu roulant. Une demi-
heure durant ce fut un assourdissement affolant; on
avait la sensation que la tête s'enflait, tant ce bruit
30 était infernal. Malgré tout, grande était la satis-
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
34 CARNET DE CAMPAGNE
faction de penser que les Boches avaient à endurer,
outre le bruit, les effets très meurtriers de. nos pièces.
Nous étions en somme en meilleure posture qu'eux.
 midi tout le monde était à son poste, et je me plaçai
5 moi-même avec la seconde deminsection. J'avais
soigneusement réglé ma montre sur Theure que, tous
les jours, on téléphone à midi et à minuit aux différents
postes de commandement, â midi une l'artillerie
allongea son tir; c'était le moment, je si£9ai; immédiate-
10 ment la fusillade crépita, les mitrailleuses firent en-
tendre leur hachement régulier. A midi cinq, im autre
coup de sifflet: "Cessez le feu!"
J'avais à peine sifflé qu'ime demi-douzaine de 77
boches s'abattirent en plein vers notre tranchée;
16 comme on n'avait plus rien à faire, on rentra, sauf les
guetteurs, chacim dans son abri. — Nous fûmes af-
freusement bombardés; car à ces six obus succédèrent
six autres, puis six autres. Nous ne nous attendions
pas trop à cela et la surprise fut assez désagréable;
20 vraiment nous avions bien rempli notre mission, nous
avions attiré sur nous leur attention et leurs obus;
deux heures durant nous fûmes marmites; et les obus
nous donnaient toujours la sensation de venir droit sur
nous — et malgré soi on se faisait petit, on rentrait la
26 tête dans les épaules, on mesurait des yeux la pro-
fondeur ^de l'abri. Le mien était assez sûr, j'y restai
quelque temps avec mes deux sergents, qui n^étaient
pas extrêmement rassurés non plus. La situation est
12. 77: a light fieldpiece similar to the French 75.
28. non plus: eUher,
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 35
stupide en effet, le rôle est purement passif et il est
désagréable à une intelligence humaine de sentir venir,
sans y pouvoir rien contre, de la matière brutale ca-
pable de Panéantir. Plusieurs obus tombèrent près de
chez moi; un même tomba en plein sur le petit boyau 5
qui amenait dans mon poste, mais les éclats furent
arrêtés par le serpentement du boyau. Sans cela
j'avais leur visite.
Mais je ne pouvais pas laisser mes hommes ainsi.
J'allai dans les divers abris; serrés les uns contre les 10
autres, mes soldats, peu habitués comme moi à ces
sortes de distraction, auraient peut-être préféré être
ailleurs; mais ils n'avaient eu aucun mal, et ils furent
contents de me voir. A leur contact, moi-même, je
repris mon rôle de chef, et en affectant de ne pas avoir 15
peur, je suis arrivé à ne pas avoir peur (vérification
de la théorie de l'émotion de W. James). Je leur ai
conté des blagues (jokes) et tout de suite cela alla
mieux. Puis j'allai me faire du thé sur mon brasero.
Les obus pleuvaient toujours, et conmie jusqu'alors 20
ils n'avaient pas fait de mal, nul ne s'en souciait
davantage. Ils tombaient plutôt devant la tranchée
dans les réseaux de fils de fer. Cela me donna à
réfléchir, et avec le lieutenant mitrailleur j'observai
3. de la may be omitted.
17. W. James: William James (1842-1910), American psychol-
ogist, physician, and professor in Harvard University. He wrote
a psychology in which he treated the subject from the physical
point of view. After 1902 his attention was mainly given to a
body of philosophical doctrines which he called pragmatism.
36 CARNET DE CAMPAGNE
la situation. Les Boches avaient abîmé le parapet
de la tranchée, écroulé en quelques endroits, et les
fils de fer étaient assez bouleversés. S'amuseraient-ils
à nous attaquer? Je fis doubler le nombre des guet-
5 teurs et donnai Tordre que, dès que le bombardement
se ralentirait, tout le monde courût à son créneau. . . .
Je me demandais quelle était au juste la situation,
j'ignorais le résultat de Tattaque de flanc. J'envoyais
cependant prévenir le capitaine et les chefs de section
10 d'à côté, quand, à la jmnelle, j'aperçus des pointes de
baïonnettes qui dépassaient çà et là la tranchée ennemie,
trahies par le soleil qui les faisait briller. "Tout le
monde aux créneaux!" criai-je, et malgré les obus qui
pleuvaient toujours, mais toujours inoffensifs, tous
15 coururent à leur poste. Quelques hommes furent
couverts de terre par des explosions, im fut renversé
même par le souffle d'un obus, mais personne ne fut
atteint. . . .
Brusquement émergèrent des tranchées allemandes,
20 comme des diables sortant de leurs boîtes, des fantas-
sins hurlants et qui coururent vers nous avec de grands
gestes ... ils étaient en rangs serrés, trois hommes
en profondeur, je crois.' C'était donc un plaisir de tirer
dans le tas; je m'armai vite d'un fusil qui traînait et
25 tirai comme tout le monde, les mitrailleuses donnèrent
aussitôt, et une minute à peine après c'était la fuite
20. boîtes: perhaps an allusion to a toy known as jack-in-a-
box.
21. et: perfectly proper in French. Not to be imitated in
English.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS ' . 37
de nos assaillants, qui avaient laissé bien des leurs sur
le terrain. A 50 mètres de nous une quarantaine de
Boches étaient couchés à plat ventre, conûne attendant
Tordre de se relever — la mitrailleuse avait bien
travaillé. L'attaque était donc brisée, mais chacim 6
resta à son poste. Des blessés se traînaient lamen-
tablement jusque chez eux, d'autres hurlaient. Per-
sonne ne songea à tirer sur eux. . . .
Alors, quand le danger fut passé, vint Témotion.
J'eus un peu peur pendant quelques minutes, mais lo
la joie d'avoir échappé à un danger réel, et d'avoir
fait bonne besogne, nous rendit très heureux. "Vous
êtes dé vrais poilus," dis-je à mes soldats — et l'on
allimia de bonnes pipes dont la fimiée bleuâtre monta
vers le dieu des armées comme un encens de recon- is
naissance.
Quand tout fut rentré dans l'ordre, je courus chez
le capitaine faire mon rapport: il fut très content, me
féUcita et me chargea de féliciter mes hommes. Notre
baptême du feu avait été de toute première classe, 20
et l'on s'était assez bien comporté. De tout ce bom-
bardement la compagnie avait eu trois blessés seule-
ment. Quant à l'attaque française, elle avait réussi
à s'emparer du point nord extrême de la ligne allemande.
Le reste de l'après-midi fut calme. Quelques 25
marmites dépitées nous furent envoyées: nous eûmes
2. quarantaine: the ending -aine gives an indefinite mean-
ing. For example: dizaine, ten or twdoe; vingtaine, a score;
quarantaine, two score, nearly fifty.
23. l'attaque: see page 30, Une 28.
38 ' CARNET DE CAMPAGNE
par contre le spectacle émouvant d'une splendide
reconnaissance d'aéroplanes. Six avions français dis-
posés en arc de cercle allèrent survoler les tranchées
allemandes; de temps à autre l'un d'eux laissait tomber
5 une sorte de flamme éclatante dans le crépuscule
obscur — signal pour l'artillerie. Les obus faisaient
autour de nos oiseaux une multitude de petits flocons
blancs qui dans l'air calme demeuraient longtemps.
Mais sans y prendre garde, les avions continuaient
10 leur vol orgueilleux et assuré et il nous semblait, à
nous pauvres fantassins enterrés, que ces aéros portaient
dans l'air toute notre fierté de Français et toute notre
volonté de vaincre. — Nous étions tous ravis et un
peu émus.
15 Puis lentement la nuit tomba. L'ordre arriva
d'envoyer deux hommes par escouade, avec des toiles de
tente, pour aller, sous les ordres d'im caporal "de jour"
(de service) jusqu'aux cuisines, chercher les vivres.
On prit alors ses dispositions pour la nuit; les sen-
20 tinelles furent placées en avant des tranchées; il fut
décidé qu'une escouade par demi-section veillerait aux
créneaux, en cas d'un retour offensif de l'ennemi. Un
peu plus tard, vers dix ou onze heures, il s'agit d'aller
remplacer les fils de fer. La corvée en apporta un
25 grand nombre, de ces réseaux Brun qui se plient et
12. de Français: as Frenchmen*
23. dix heures: from hère on the author lapses into the old
style of reckoning time.
26. réseanz Brun: Brun erUanglements. Brun is a proper
name, probably the name of the inventor of the entanglements.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 39
se déplient comme un accordéon, qui sont très com-
pliqués et que Ton pose en les fichant à terre avec des
sortes de fourches. J'ai voulu diriger moi-même les
travaux. Avec six honmies j 'ai rampé assez loin — à 25
ou 30 mètres environ de la tranchée. Sans un mot le 5
travail s'avança, on plaça six rangs de fils de fer les
uns derrière les autres et, en avant, de forts chevaux
de frise. Nous étions donc en plein terrain découvert,
près des cadavres boches — mais rien ne nous inquiéta;
nous entendions les gémissements de blessés, et une 10
certaine agitation, qui prouvait qu'on venait les
ramasser. Mais nous ne cherchâmes en rien à les en
empêcher, bien que des vieux déjà dans la guerre
m'aient conté qu'après les attaques, les Allemands
tiraillent sans cesse pour empêcher ou gêner le travail is
des brancardiers. . . .
4 Rentrant, nous eûmes la récompense du souper: des
boîtes de sardines, de la viande rôtie, du riz. Les
braseros chauffèrent notre menu, et puis je me reposai
un peu. Mes deux sergents se partagèrent le reste de 20
la nuit — et ce fut une joie très vive que de dormir bien
au chaud dans ma couverture, les pieds contre mon
brasero. Mon revolver me gênait un peu, mais il est
défendu, en première ligne, de quitter son équipement.
A quatre heures du matin tout le monde était debout. 25
Le café arriva, toujours le bienvenu. La journée fut
assez calme; il n'y eut pas d'attaque, mais les positions
allemandes furent quand même gratifiées d'un copieux
14. aient: subjunctive with bien que.
21. que: omit.
40 CARNET DE CAMPAGNE
bombardement. Pour nous, on ne nous inquiéta pas,
et nous pûmes dormir tout notre soûl.
La seule sensation vraiment gênante était de ne
pouvoir se laver; nous étions assez sales, couverts de
6 boue; — et puis il nous manquait quelque chose, on
était mal éveillé, mal dispos. L'habitude aplanira ces
petits ennuis-là, j'espère.
Je me suis fait apporter im bidon d'eau — on ne
reçoit guère dans la tranchée que du vin et du café.
10 Et l'après-midi, tout étant calme, j'avais prié le chef
de la section voisine de venir un peu chez moi. Je
décidai pour le régaler de faire du chocolat. Ma
gamelle reçut un peu de cette eau précieuse, et avec
piété j'y versai du chocolat et du sucre. Elle mijotait
15 doucement sur mon brasero, et j'allais y verser du
lait condensé quand on m'appela du dehors. C'était
mon ordonnance qui venait voir si je n'avais pas
besoin de lui. Je le fis entrer et je l'invitai. 'Mais
voilà qu'une stupide batterie de 77 se mit à ce moment
20 précis à nous envoyer ses six obus, et deux éclatèrent
si près que mon brave "tampon" en trébucha d'émo-
tion, chut et entraîna dans sa chute brasero, gamelle,
et ce chocolat qui allait être prêt et dont nous escomp-
tions tant de joie. Le pauvre homme .était désolé, moi
25 j'ai ri, mais un peu jaune. A ce moment-là j'ai détesté
davantage les Allemands.
La nuit vint de bonne heure encore; mais ma pro-
«
20. six obus: one from each gun. A battery ordinarily con»
sists of six giiiis or a slîghtly smaller nmnber.
27. de bonne heure: see note to page 20, Une 5.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 41
vision de bougies s'épuisait. Je voulais ménager ma
lampe électrique — et pourtant il fallait bien avoir
de la lumière. Alors j'ai songé que nous devions
avoir des sardines pour souper. J'ai eu l'idée d'aller
en réquisitionner l'huile et de la verser dans une s
vieille boîte de comed beef. Je coupai ime rondelle
de bouchon, et une vieille ficelle trempée dans de
l'huile fut passée au travers. J'allumai et ce fut ime
veilleuse, comme celles qui brûlent dans les églises.
La flamme était im peu puante, un peu jaune, mais lo
suffisante. D'ailleurs je dis au cuisinier de m'apporter
de la graisse de mouton; je la fis fondre sur mon brasero
dans une vieille boîte de conserves, ime ficelle servit
de mèche, et cette chandelle primitive fut satisfaisante.
J'en donnai d'ailleurs le secret à mes poilus. 15
Grand événement cette nuit-là. D'abord il se mit
à neiger, puis j'étais vers une heure du matin à causer
avec le mitrailleur quand une sentinelle au dehors se
mit à tirer. En même temps retentissait une voix
dans la nuit: "Kamerad, Kamerad!" Vite je lançai 20
une fusée éclairante, et le magnésium me fit voir un
soldat boche qui rampait vers nous avec un grand
bruit de ferraille. Je criai à la sentinelle de le laisser
venir et je lui criai à lui-même, en allemand, d'avancer.
. . . Il apparut sur le parapet et sauta dans la tranchée. 25
Je le fis conduire à mon poste de conmiandement et
là, revolver au poing, je lui ordonnai de se déséquiper.
2. lampe électrique: .^AZi^^.
6. vieille boite de comed beef: empty comedrbeef hox. See
first note, page 1.
42 CARNET DE CAMPAGNE
Il n'avait d'anne que sa baïonnette et les cartouches
de son ceintiut)n. Mais il était chargé de bidons.
Je l'interrogeai, en allemand. C'était un grand et
fort gaillard de Bavarois qui en avait assez de la guerre
5 et que le bombardement d'aujourd'hui, absolument
terrible, dit-il, avait décidé à s'enfuir. Il se fit désigner
pour une corvée d'eau, puis s'enfuit vers nous. Il
n'avait pas mangé, notre bombardement ayant em-
péché le ravitaillement. Je lui donnai du pain et du
10 chocolat, en attendant l'arrivée du souper. Je le
gardai jusqu'au matin, pour obtenir de lui certains
renseignements qu'il me donna, surtout sur la dé-
moralisation que notre artillerie porte dans les tranchées
d'en face. Il me dit que l'attaque de la veille leiu:
15 avait coûté beaucoup de monde, et aussi il nous indiqua,
sur ma requête absolue, et d'ailleurs sans trop se faire
prier, les emplacements de leurs mitrailleuses et de
certain petit canon-révolver qui nous agaçait le plus.
Je communiquai ces renseignements à l'artillerie qui
20 en tira profit, car depuis lors le canon-révolver s'est tu.
Je gardai de cet honune le ceinturon et les bidons, que
je distribuai à mes hommes, et qui étaient assez beaux
— et surtout la conviction que notre moral est bien
supérieur au leur. Au matin notre Boche fut expédié
25 chez le conmiandant; heureux il était d'avoir fini la
guerre.
Peu après, ma section passa en seconde Ugne, aux
abris. Car siu: quatre sections de la compagnie trois
seulement sont en première Ugne, une se trouve en
30 renforts, chaque jour on change, et mon toiu: était
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 43
venu. Bien à faire, abris profonds. — C'est là que
j'ai écrit cette longue partie de mon carnet de campagne.
28 février. J'ai pu me laver avec de la neige, je
suis tout heureux d'être net, et je me sens très dispos.
La fin de la journée d'hier n'a pas été calme; à 5
quatre heures im billet nous a prévenus qu'une contre-
attaque allemande semblait prochaine. On reconmian-
dait la vigilance, le sang-froid; il fallait défendre nos
positions, coûte que coûte. En cas d'attaque la section
de renforts, donc la mienne, doit aller en première 10
ligne soutenir les points attaqués. J'allai vérifier les
emplacements où j'aurais à me poster en cas d'alerte;
puis j'y conduisis mes hommes pour qu'il n'y eût pas
de désordre, le cas échéant.
La contre-attaque ne vint pas; nous fûmes très is
bombardés, mais j'eus la chance d'être bien abrité,
car je ne perdis personne — d'ailleurs les obus ne nous
produisaient guère d'impression. On vint nous an-
noncer que nous serions relevés à deux heures du
matin — nouvelle accueillie avec joie, car malgré tout 20
on a eu des émotions, des fatigues, et peu de sonmieil.
En attendant, ma section doit aller débarrasser un
peu les boyaux de la neige qui les obstrue. Et puis
ce sera le retour à l'arrière. . • •
Chapitre IV
Au repos; la vie au cantonnement et au bivouac.
3 mars. Grande désillusion en arrivant au canton-
nement: pas de lettres. Voilà pourtant vingt jours
que je suis parti. ...
5 Nous sommes encore à S. S., dans le même canton-
nement, sauf que j'ai une chambre que je partage
avec mon sergent et ami H.; les honmies sont bien
installés, et ont beaucoup de paille. Moi, je suis
content d'avoir une espèce de home.
10 On nous a relevés à deux heures du matin. La
route fut longue et pénible, dans la neige. Aux
Hurlus le bataillon se reforma, on fit Tappel près d'un
bois où se trouvait masquée une batterie géante:
quatre canons de 220 se dressaient formidables sous
15 leur vêtement de feuillage. Il se trouva que les
pertes étaient très légères, peut-être vingt hommes
en tout manquaient. Dans ma section tous étaient
présents.
Après quoi on se mit en marche dans la neige. La
20 fatigue de la tranchée et celle de la marche firent qu'à
peine arrivés et déséquipés, tous se jetèrent sur la
paille et dormirent quelques heures.
4. parti: meaning that letters should hâve corne in three
weeks.
11. Aux: does the word les appear in aux?
19. quoi: if you translate, do hot translate by a relative
pronoun.
44
D'UN OFnCIBR FRANÇAIS
I
I
11
!
1
I
46 CARNET DE CAMPAGNE
Je m'éveillai à neuf heures, courus à la douche,
changeai de linge, et ragaillardi et dispos, je m'occupai
de ma section. La matinée fut laissée libre, et beau-
coup dormirent longuement. L'après-midi fut con-
5 sacré aux nettoyages des habits et des armes, et tous
passèrent à la douche. Pour moi, j'explorai un peu
le village; le trafic de la gare surtout m'intéressait.
Je causai avec quelques officiers d'état-major; ils ne
me donnèrent que peu de renseignements. Mais l'un
10 d'eux me passa le "Matin," que je lus avec avidité.
Malgré tout, je suis las, j'ai sommeil, et je suis
ennuyé de n'avoir pas reçu de lettres. Il me semble
que c'eût été une récompense après le gros effort
précédent.
15 4 mars. Ce matiji, lever à huit heures, revue d'armes
et d'habillement — formalité vite remplie; du reste les
hommes comprennent que leur fusil est leur meilleur
ami, et ils en prennent grand soin; de plus, contraire-
ment à ce qu'écrivent certains journaux sur le "poilu,"
20 le soldat n'aime pas être sale; il ne se complaît pas
dans sa boue et sa saleté, il en souffre au contraire.
Ce qui en est cause, c'est la fausse étymologie qu'on
donne au mot poilu. Il ne vient pas de ce que le
soldat est hirsute et mal rasé, non; le mot est vieux.
26 Sous le Premier Empire c'étaient les grognards de la
garde avec le bonnet à poil; ces soldats étant les
1-6. It would seem that the oflâcers and the men used the
showers at différent times, the officers having the precedence.
26. Premier Empire: 1804-1815. Napoléon I was the emperor.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 47
meilleurs de Napoléon, on appela "brave à trois
poils'* quelqu'un dont la bravoure était digne d'un
grenadier. Aujourd'hui on dit poilu — c'est-à-dire
seulement: bon soldat.
Notre popote d'officiers est très bien installée. Nous 5
allons organiser ime caisse et ferons de l'extra pendant
le repos. Mon cuisinier est une vraie bénédiction.
Enfin cet après-midi le vaguemestre nous annonça
que nos relations avec l'arrière étaient ouvertes. Il
apporta un stack de lettres; j'en eus pour ma part 10
trente-deux. Joie, joie, pleurs de joiel comme disait
Pascal, en des circonstances, d'ailleurs, sensiblement
différentes.
Je passai la veillée chez l'officier interprète, à qui je
me suis présenté, lui offrant mon concours, s'il en pou- is
vait avoir besoin, pour des traductions de documents.
Il fut charmant, m'offrit du Champagne et me montra
des lettres, carnets de route, etc., boches qui en disaient
long sur leur moral.
Demain nous partons pour aller bivouaquer dans un 20
petit bois près de la Cheppe.
La neige est fondue, il fait beau — presque printemps.
6 mars. Sous^ la tente.
Le régiment tout entier, bataillon par bataillon, est 25
rassemblé dans ce bois. Nous avons défilé, musique en
tête, drapeau déployé dans le village de B.-le-Château,
12. Pascal (Biaise, 1623-1662) "illustre mathématicien, phy-
sicien iphysicist) et philosophe français.''
18. boches modifies lettres and carnets de route.
27. B(ussy)-le-Château. See note, page 16, Une 9.
48 CARNET DE CAMPAGNE
puis vers dix heures nous sommes arrivés en ce bois.
Des écriteaux placés sur des arbres indiquaient l'em-
placement des compagnies; celles-ci * furent disposées
en ligne déployée, les sections à côté les imes des
6 autres, et ainsi on en détermina la place; les escouades
de ma section s'installèrent. Six par six, les hommes
se mirent à monter leurs tentes; chaque soldat porte
sur son sac ime toile de tente imperméable dans la-
quelle il enveloppe sa couverture; quatre de ces toiles
10 forment la tente proprement dite, les deux autres
servent à fermer les issues de chaque côté. Pour
moi, je partageai la mienne avec mes sergents et mon
ordonnance. On nous distribua de la paille, et l'ins-
tallation fut parfaite.
15 Ce fut le repos absolu — rien à faire, seulement à
respirer dans ces bois odorants de sapins, à se promener,
à chasser. Il y a ime multitude de lapins par ici; et
on organisa des battues qui améliorèrent singulière-
ment l'ordinaire. Un seul rassemblement de la com-
20 pagnie par jour, histoire de faire un appel et de lire
les ordres. Mais il ne fallait pas trop s'éloigner,
pour être prêt en cas d'alerte. La musique du régi-
ment qui répétait ses morceaux nous fournit d'agré-
ables concerts. Évidemment le répertoire n'a rien
25 d'extraordinairement choisi, mais les sélections des
opéras les plus connus, les polkas d'Offenbach, les
26. Offenbach (Jaques, 1819-1880), a composer, bom in
Cologne but naturalized a Frenchman. He wrote the music
for many light opéras — La Grande Duchesse, Barbe-Bleu,
Orphée aux Enfers, etc.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 49
soli de flûte, font grand plaisir dans cette région si
peu civilisée. Il n'y a que les marches militaires qui
soient vraiment très belles, Sambre et Meuse siutout,
quand toute la musique et les «clairons donnent en-
semble. 6
Vie charmante de plein air et de campagne; le soir,
quand le froid tombe, on fait de grands feux et autour,
on fume et devise joyeusement. Notre moral est
excellent. Le vin que les corvées vont chercher au
village, le repos, ce feu pétillant, la conscience du lo
devoir rempli, tout cela met de la gaieté dans tous
les cœurs. J'ai écrit beaucoup de lettres; j'avais tant
à répondre. Et j'ai relu avec délices mon Don Qui-
chotte. ...
•
7 mars, dimanche. Messe à la Cheppe, village où is
fut notre premier cantonnement, petite église pleine
de soldats, quelques paysannes en deuil; un très vieux
prêtre qui a parlé des morts avec ime sublime simplicité.
Je suis allé faire visite à mes anciens hôtes, qui furent
tout heureux de me revoir. La pluie fit hâter mon 20
retour, et déjà les chemins étaient défoncés; il fallait
marcher à travers champs; en arrivant au bivouac
j'avais sous les souliers des semelles de quatre cm. de
boue.
Le reste du temps, passe sous la tente, à causer, lire, 25
fumer.
13. Don Quichotte: ''héros et titre de l'œuvre la plus sensée
(qui a du bon sens) et en même temps la plus bouffonne (œmic)
qu'ait jamais produite le génie de l'homme, par Michel Cervantes
I-téss]." (1547-1616.)
50 CARNET DE CAMPAGNE
8 mars. Nous repartons pour le feu ce soir, finis le
calme et la vie rustique. Mais c'est de grand cœur
quand même que Ton retourne aux tranchées. Il
parait que le secteur n'est plus le même. Un ordre
5 du jour nous a appris que les dernières attaques avaient
permis de prendre tout le système de défenses alle-
mandes devant notre ancienne tranchée, devenue
maintenant troisième ou quatrième ligne. Nous devons
aller occuper des portions nouvellement conquises.
10 Soir. Nous faisons étape; il est impossible d'aller
d'une seule traite jusqu'aux premières lignes avec
cette boue. Partis un peu après midi, nous avons
marché dans la boue gluante, et très fatigante. Et la
pluie continue toujours, glaciale et monotone. Dans
15 quel état vont être nos tranchées?
Nous cantonnons dans une sorte de petit village de
huttes en terre et en bois, très dissimulé par les arbres
à la vue des canons, et où l'on est à peu près confortable-
ment. J'ai pour moi seul une petite "cahute" où je
20 peux faire du feu, et qui contient une Utière d'aiguilles
de sapin. J'y suis au chaud, mon ordonnance l'habite
avec moi. Mais on entend la pluie qui créigte sur la
toiture. C'est demain que nous retournons aux
tranchées; le canon tonne assez fort, on doit se battre.
25 9 mars. Il pleut toujours; le sol est^ détrempé .
Notre cantonnement s'appelle Cabane-Puits parce q\?en
temps de paix il contenait un puits et une cabane;
celle-ci abrite maintenant le général de notre brigade.
Quant au puits, il a été aménagé par le génie, et c'est
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 51
lui qui fournit d'eau un très vaste secteur; perpétuelle-
ment des corvées d'eau font queue pour obtenir la
précieuse liquide qui ne coule qu'en assez mince filet.
C'est là aussi qu'est la grande gare de ravitaillement.
Le petit chemin de fer qui part de S. S. aboutit au haut 5
du bois qui nous abrite, et l'on y a construit de vastes
hangars, toujours dissimulés sous le feuillage, où l'on
dépose toutes sortes de denrées: vins, conserves, pain,
viande, paille — tout ce dont ont besoin les deux
régiments de la brigade qui occupe ce secteur. Aussï^ 10
un trafic très agité a lieu, et j'ai assisté à l'arrivée d'un
train, au débarquement et à l'enmiagasinement des
marchandises. J'ai vu aussi tout un train de mimi-
tions d'artillerie que l'on dépose dans des caves très
abritées. 15
On a exposé huit ou dix mitrailleuses boches cap-
turées dans les derniers combats, nos mitrailleurs en
étudient le systèine et moi-même, j'en ai observé le
mécanisme; à l'occasion il faut savoir se servir des
engins ennemis pour pouvoir, le cas échéant, s'en 20
servir contre eux. ^
Une centaine de prisonniers pâles, hâves, disparais-
sant sous la boue qui leur couvrait visage et vêtements,
sont passés aussi, l'air accablé. Les affaires vont donc
bien pour nous. Quelques blessés passèrent aussi, les 25
uns à pied, d'autres traînés par les brancardiers dans
de petits véhicules très suspendus et sur lesquels les
éclopés n'ont pas à souffrir trop des cahots de ces
chemins détrempés.
11. assisté à: be sure to hâve the correct meaning for this.
52 CARNET DE CAMPAGNE
Soir. Dans quelques heures nous allons aux tran-
chées. Ordre de s'équiper légèrement; on laissera les
sacs à la c6te ISl, sous la garde du plus ancien de
chaque section. Les tranchées que nous allons occuper
i ne sont pas luxueuses, paratt-il, et nos sacs nous gêne-
raient.
On nous a donné une grande provision de grenades.
Il pleut toujours.
3. cAte 181: the miljtary authorities frequently number the
hilla along a given front.
Fna DB Fer Barbelés
Chapitre V
La boue, la tranchée, les cadavres; prise d'xine tranchée alle-
mande; en seconde ligne; retour en première ligne; la relève;
le défilé devant le drapeau.
15 mars. Nous sommes rentrés hier au cantonne-
ment. Pendant ces cinq jours, les plus terribles que 5
j'ai passés, je n'ai pas eu une minute de tranquillité
physique ou morale pour écrire une seule ligne de mon
journal. J'ai eu, je crois, toute la lyre des émotions
que peut fournir la guerre: bombardement, attaque,
contre-attaque — situation toujours critique, longs et lo
pénibles mouvements dans les boyaux, et par-dessus
tout, Tennemi terrible, bien plus terrible que les Boches,
la boue. Car les Boches ont leurs instants de répit,
la boue est là, perpétuelle, implacable — la boue qui
empêche de marcher, la boue qui glace, qui englue, 15
qui alourdit, qui pétrifie, qui désespère. Cinq jours
à barboter jusqu'aux cuisses dans l'horrible pâte gluante.
Cela commença dès que l'on eut quitté Cabane-Puits.
Mais là c'était tolérahlo: ^op s'engluait, on glissait, on
pataugeait, on s'éclaBoussait — mais ce n'était rien. 20
C'est à partir de l'instant où l'on pénétra dans les
boyaux que ce fut terrible. Les sacs avaient été
laissés côte 181 dans les abris souterrains, donc on
n*était pas alourdi par ce fardeau. La craie de Cham-
pagne se mêle rapidement à l'eau et forme une pâte 2&
28. côte 181: see last note.
53
54 CARNET DE CAMPAGNE
molle dans laquelle on s'enfonçait jusqu'au ventre.
Et il fallait marcherjC^^-à-dire retirer avec beaucoup
d'effort sa jambe engluée pour la replonger dans cette
fange, et la retirer ensuite — et cela durant cinq kilo-
5 mètres. Au début l'effort était conscient, puis au
bout de la première heure, c'était automatiquement
que s'opéraient ces mouvements; on avait seulement
une sensation sourde de douleur et de courbature dans
tout le corps. A plusieurs reprises, ayant mal placé
10 ma jambe, j'ai dû avoir recours à l'homme qui marchait
derrière moi, pour pouvoir la retirer. Un lieutenant
laissa sa chaussure dans la boue; il était littéralement
pris, comme une alouette à la glu, et les efforts déses-
pérés qu'il fit amenèrent son pied déchaussé. D'ailleurs
15 on s'en amusa beaucoup. Chose terrible, on releva le
cadavre d'un soldat qui s'était asphjrxié dans la boue;
il était tombé seul et n'avait pu se dégager — enlise-^
ment horrible. Ce fut le premier cadavre que je vis
de près, dans cette nuit d'efforts douloureux, et j'en
20 eus grande émotion.
Et puis les moindres obstacles interrompaient la
marche et mettaient des distances longues à franchir
entre les premiers qui les avaient franchis et ceux qui
restaient en deçà: un fil téléphonique qui se détachait
25 des parois qui s'effritaient, un homme qui ne pouvait
plus avancer, une corvée que l'on rencontrait. Alors
c'étaient des arrêts, des courses — les uns s'arrêtant
pour attendre les autres, ceux-ci essayant de se hâter
pour rejoindre ceux-là. Une marche régulière était
30 impossible.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
56 CARNET DE CAMPAGNE
Au bout de trois heures de marche on arriva au
village de Perthes — lamentable fantôme de village;
quelques murs déchiquetés, des granges qui s'écroulaient
conmie des avalanches, et une église debout encore je
5 ne sais par quel miracle, bien que toute délabrée. Â
ce moment il fallut s'arrêter dans le boyau, les Boches
envoyaient des shrapnells. On se blottit contre la
paroi et la fatigue était telle que quelques minutes je
dormis, debout, appuyé sur mon bâton. La sensation
10 que l'on marchait me réveilla, et ce fut encore cette
avance lente, automatique et si pénible. — Il pleuvait,
une pluie glaciale qui malgré mon imperméable ruis-
selait dans mon cou et sur ma poitrine. Quelques
balles perdues grognaient au-dessus de nos têtes. Oh,
15 quand arriverions-nous enfin!
Le jour se leva, grisâtre. Il y avait plus de six heures
que nous marchions. Quelques obus éclatèrent. Cela
dura longtemps encore. Â la fin on s'arrêta. J'allai
avec le guide inspecter mon nouveau domaine. L'abo-
20 minable chose que cette tranchée, un charnier — des
morts, des morts partout. Nous étions dans un boyau
que l'on venait de prendre, et qu'on avait hâtivement
réparé pour le rendre habitable. 'J'étais mal à mon
aise, et j'écoutai cependant les explications du chef que
25 je remplaçais. Il fallait faire très attention — le
boyau était pris d'enfilade. Ah, ils ne s'étaient guère
amusés, nos prédécesseurs. Ils avaient eu près de
vingt tués ou blessés. Cela promettait. J'allai cher-
cher mes hommes et auparavant je les prévins de ce
ao qu'était notre secteur, afin qu'ils n'aient pas la même
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 57
surprise désagréable que moi. Ce n'était guère en-
courageant que de voir tous ces morts, mais déjà la
souffrance de la boue avait émoussé nos sensibilités.
Ma tranchée donc formait une pointe dans la tran-
chée boche. C'était un ancien boyau de communica- s
tion allemand qu'on n'avait pu conquérir en entier.
Le système général de notre compagnie avait la
forme d'un H. Au point extrême le boyau courant
vers la tranchée boche était fermé par un éboulement
et des sacs de terre. Devant nous, le reste du boyau lo
était vide jusqu'à la tranchée allemande, perpen-
diculaire à notre secteur et située à peine à 20 ou 25
mètres au delà. A cette extrémité du boyau se trouvait
le poste d'écoute, et une mitrailleuse empêchait les
Allemands de faire un pas dans le boyau; il est probable i&
aussi qu'une de leurs mitrailleuses était prête à nous
arroser à la moindre tentative. Ainsi la situation
était loin d'être plaisante: nous étions pris d'enfilade
et tout le long du jour grenades, balles, obus, mines,
s'engouffraient dans notre position. Il fallait prendre 2a
garde: deux guetteurs furent tués à leur poste d'obser-
vation; je décidai de nous servir de périscope; trois
successivement furent brisés par les balles. La situa-
tion était dure. Je fis changer la disposition du
créneau de guet que je fis aussi petit que possible. Je 25
m'y plaçai moi-même quelques minutes; rassurés un
peu, mes hommes de garde firent leur service sans
broncher, à côté des cadavres de leurs camarades,
atteints tous deux à l'œi]#^ Les Allemands ont des
chevalets de pointage sur lesquels ils fixent les fusils ao
58 CARNET DE CAMPAGNE
et les pointent sur un créneau à l'aide d'une jumelle.
Et dès lors il n'y a plus qu'à ty-er — tous les coups
portent. Mais j'ai mis ordre à cela.
Cependant les obus s'engouffraient toujours et les
s grenades. Il fallait prendre des précautions et rester
aussi près que possible de la paroi. Les obus étaient
peu dangereux quand ils tombaient dans la boue, car
ou bien ils n'éclatèrent pas, ou bien l'explosion n'était
pas très forte. Mais quand ils passaient le long du
10 boyau pour aller tomber plus loin, là ils étaient meur-
triers.
La nuit tomba de bonne heure. Alors les ordres
vinrent: il fallait dans l'obscurité creuser une tranchée
parallèle de départ^ joignait les dieux extrémités de
15 notre position. On devait partir en même temps des
deux boyaux, et les travailleurs devaient se rencontrer
avant le jour. Dès lors on apporta pelles et pioches
et le travail commença.' On creusa de la tranchée
même, travaillant plus avant à même que la nouvelle
20 tranchée s'avançait. Ainsi on ne s'exposait pas trop.
Le travail avança rapidement. La tranchée ne devait
être profonde que d'un mètre, et la terre était très
facile à creuser. Mais les Boches envoyèrent des
grenades, et je reçus pour ma part un petit éclat près
25 de l'œil droit. Je mis un emplâtre et restai à mon
poste. A trois heures du matin les équipes se rencon-
trèrent.
Le ravitaillement se fit très mal. Les cuisiniers
avaient à faire dans les boyaux embourbés le long et
8. bien may be omitted.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 59
dur trajet qui nous avait coûté tant d'efforts. Ainsi
ils ne nous apportèrent que du café froid, de la viande
toute couverte de terre et des légumes qu'il fallut
jeter. Seul le vin arriva intact. J'avais pris la
précaution de le faire mettre dans des bidons her- s
métiquement bouchés — ceux-là même que portait
le Boche qui était venu se rendre — et bien que les
hommes de corvée fussent tombés plusieurs fois, soit
en glissant, soit culbutés par les souffles d'obus, le
"pinard" arriva intact, pour notre plus grande joie, lo
Chacun heureusement était largement muni de boîtes
de conserves.
Au matin, après une nuit sans sommeil, et bien que
la fatigue, le danger, le travail et la boue nous aient
im peu déprimés, arriva l'ordre d'attaquer. Cet is
ordre fut d'abord malvenu: on était las. Mais je
montrai à mes hommes que notre situation était trop
piteuse et qu'il s'agissait de l'améliorer. Nous avions
tout intérêt à aller en face, on serait certainement
mieux; et puis l'attaque ne serait pas dangereux: en 2a.
effet on s'élancerait à l'assaut de la tranchée creusée
la nuit précédente, au moment où les Boches ne s'y
attendraient pas; et il y aurait si peu de terrain à
parcourir qu'on n'aurait pas grand mal. D'ailleurs
c'était le devoir et j'étais certain que mes poilus 25
tiendraient la promesse qu'ils m'avaient faite de me
suivre partout où j'irais.
C'est à deux heures que nous devions aller nous
installer — toute la compagnie — dans la parallèle
7. le Boche: see page 41, Unes 16 ff.
60 CARNET DE CAMPAGNE
de départ, à deux heures dix que nous devions aller
ià l'assaut.
Mais il y eut de Timprévu et les Allemands nous
donnèrent l'occasion de prendre leur tranchée presque
5 sans pertes pour nous, avec bien du mal pour eux.
Vers onze heures, alors que notre bombardement
était à peine conmiencé, nos mitrailleuses brusquement
se mirent à crépiter, tous les fusils partirent aux cré-
neaux. C'étaient les Boches qui attaquaient. Ils
10 convoitaient cette tranchée creusée pendant la nuit
et voulaient de là donner l'assaut à notre ligne —
exactement ce que nous voulions faire à la leur. Ils
vinrent en force, mais les mitrailleuses eurent le temps
de leur faucher beaucoup de monde avant que les
16 premiers ne parvinssent à la parallèle. La boue les
empêchait de marcher vite et ces pauvres diables
étaient tragiques dans leurs efforts de se hâter et de se
décoller les pieds. Trois vagues successives partirent.
La mitrailleuse qui se trouvait à l'extrémité de mon
20 boyau fut vite déplacée et prit d'enfilade notre parallèle
pleine de Boches, en les tuant presque tous. C'était
horrible et magnifique. Mais d'autres arrivaient.
Alors je commandai: "Baïonnette au canon! En
avant, en avant!" et je m'élançai contre les assaillants.
26 Toute la compagnie suivit mon exemple et se précipita
en avant. Serait-ce le corps-à-corps? Des grenades
meurtrières abîmèrent le premier rang, et devant notre
23. Btdonnette au canon: fix hayonets. Canon means gun
barrel.
27. rang: of the Germans.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 61
air résolu les autres hésitèrent, puis tournèrent pied.
On leur jeta des grenades, déchargeant les fusils presque
à bout portant — toujours en s'empêtrant dans la
boue ou en trébuchant contre les morts. Mais
l'occasion était trop bonne; on les suivit presque s
chez eux. Leur artillerie et leurs mitrailleuses ne
pouvaient tirer sous peine d'atteindre des leurs.
A peine étaient-ils arrivés dans leurs tranchées — le
temps de leur lancer quelques bonnes grenades — et
nous y étions aussi. J'eus la sensation d'être visé et lo
je déchargeai mon revolver à bout portant dans la
tête d'un oberleutnant à monocle — tout cela auto-
matiquement, par réflexe. Je saisis un autre ennemi
par la gorge et avec la crosse de mon revolver je lui
frappai sur le visage. Il tomba comme une masse. 15
Mais le corps-à-corps ne dura pas. Les soixante
soldats qui restaient se rendirent vite.
Vite, vite je commandai de "retourner la tranchée."
C'est-à-dire de percer quelques créneaux et de pointer
les mitrailleuses allemandes que nous avions là, vers 20
les tranchées ennemies. On boucha les boyaux, on
établit les communications avec l'arrière, et les prison-
niers s'écoulèrent par mon ancienne tranchée, redeve-
nue boyau. Nous nous préparâmes alors à recevoir la
contre-attaque: des réseaux de fils de fer furent apportés 25
et on les fixa avec des moyens de fortune. Les Alle-
6. chez eux: to their trench, ne pouvaient tirer: pas may be
omitted with pouvoir, savoir, cesser, and oser.
26. avec . . . fortune: that is, they used whatever happened
to be at hand in the wreckage of the battlefield.
62 CARNET DE CAMPAGNE
mands nous envoyèrent le "tir de représailles," qui
abîma sérieusement notre tranchée conquise, mais
fit peu de mal.
J'avais perdu en tout neuf hommes, dont cinq blessés.
6 Les Allemands avaient été gentiment joués. Vers
onze heures un quart nous étions dans nos nouvelles
positions. Ces événements avaient très peu duré.
Le corps-à-corps ne fut pas très dur — juste le temps
de me laisser tuer deux Allemands.
10 La situation malgré tout était peu drôle: les cadavres
boches étaient très nombreux — nos grenades avaient
bien travaillé — mais ils furent de suite noyés dans la
boue; quand on marchait, on les enterrait davantage,
et littéralement le sol de la tranchée était couvert de
15 morts. Cela nous formait tapis et la marche dans la
boue était moins pénible. Nous étions tous radieux,
sous la boue qui nous couvrait. Notre élan avait été
spontané et très beau. Le commandant se déclara
très satisfait. La contre-attaque pouvait venir —
20 nous nous sentions prêts à tout supporter, et les obus
nous faisaient rire. Chacun prit quelques trophées:
moi, j'emportai de mon oberleutnant le revolver, la
jumelle, et le porte-feuille, dont je me proposai de
déchiffrer les papiers pour les remettre à l'état-
25 major.
La nuit vint, insensiblement. Il faisait un froid
mordant, la pluie, qui avait cessé, se remit à tomber;
on s'était bien enveloppé dans sa couverture, la toile
18. commandant: what does this word mean?
28. toile de tente: see page 48, Unes 8-11.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
64 CARNET DE CAMPAGNE
de tente sur la tête, et Ton semblait des capucins.
Personne ne pouvait dormir, personne ne le devait;
mais pourtant, comme à grand'peine je parcourais ma
tranchée, je vis plusieurs honunes, le fusil en joue dans
5 leurs créneaux et qui dormaient. Pour les faire tenir
éveillés je fis tirer des feux de salve, des feux au com-
mandement. Le bombardement fut très intense cette
nuit-là, mais il visait surtout nos secondes lignes.
Cela promettait une contre-attaque pour le lendeniain.
10 A minuit on vint me prévenir que nous serions relevés
à deux heures du matin: jeie chez tout le monde, on
allait enfin pouvoir dormir. Vite on plia couvertures
et toiles de tente. Mais on dut attendre très long-
temps, dans la pluie qui tombait, sous les obus qui
15 pleuvaient aussi. Ce n'est qu'au petit-jour qu'on
nous vint remplacer. Et recommença alors la marche
longue, drastique, dans la boue des boyaux. On mit
près de deux heures pour arriver à Perthes. Là nous
apprîmes que nous n'allions pas au repos, mais en
20 renforts, en troisième ligne, dans les abris bUndès de
la côte 200. Alors on ne marcha plus dans les boyaux,
car c'était trop pénible, mais sur la route presque à
découvert. Un assez haut parapet nous protégeait
contre les balles et la vue de l'ennemi, lequel était à
25 peu près à sept kilomètres au nord. Mais il fallut
marcher courbés en deux par bonds rapides, alternatives
de courses et d'arrêts. Naturellement nous eûmes
1. capucins: ''Religieux de Tordre de Saint-François; à Paris,
avant la Révolution (1789), les capucins étaient chargés d'étein-
dre (put oui) les incendies {fires)"
.D'UN OFFICIER FRANÇAIS 65
quelques obus, mais les Boches ne nous avaient pas
aperçus et nous ne fûmes pas trop inquiétés. A un
arrêt, juste à côté de moi était allongé sur la route un
cadavre, couché sur le ventre et avec ime pipe à la
bouche. Il n'avait pas dû souffrir. s
Après 500 mètres sur la route on dut reprendre le
boyau, c'est-à-dire se remettre à barboter. A im
moment donné il fallait enjamber un gros obus boche
qui était tombé sans éclater en plein boyau — dange-
reux engin qu'un rien peut faire exploser. Je me lo
demande comment nous avons pu marcher encore
ime heure, car il semblait à tout instant que nous
étions à bout de forces. Le ravitaillement n'avait pu
arriver, et nous n'avions rien à boire. Quelques-uns
souffraient tellement de la soif qu'ils prenaient dans is
leur main l'eau bourbeuse qui stagnait dans le boyau et
qu'ils l'aspiraient avec délices. Moi, j'avais un flacon
d'alcool de menthe et j'en bus une gorgée qui me
rafraîchit. La fatigue était telle qu'on finissait par
ne plus rien voir ni sentir. On marchait les yeux 20
fermés, quelques-uns dormaient en marchant. Enfin
OB arriva.
Ces abris étaient une espèce de caverne, creusée à
flanc de coteau, de grandes galeries bien étayées de
planches et dont l'entrée était soigneusement pro- 25
tégée par un vrai rempart de sacs de terre. Sitôt
arrivés on se coucha — et l'on dormit, on dormit.
On dormit malgré les gros obus allemands qui
tombaient tout près, avec un vacarme affreux, malgré
10. tin rien: a trifle or the slighieat thing.
66 CARNET DE CAMPAGNE
une balïterie française qui tout près de là, invisible,
tirait sans cesse, malgré la soif qui nous tenaillait.
On ne se réveilla que quand le ravitaillement arriva
et apporta les lettres et les vivres. Tous réclamèrent
6 d'abord les lettres — on avait besoin de Ure quelques
mots d'affection — bien plus que de manger. J'eus
pour ma part cinq lettres, que je lus avec volupté.
Je reçus aussi un coUs renfermant des œufs que ma
petite marraine avait eu la fantaisie de m'envoyer de
10 Lorraine — et ils furent un rafraîchissement mer-
veilleux. Puis on mangea, et on dormit, on dormit.
Malgré tout on n'est pas totalement des brutes,
puisqu'on a tant de joie à recevoir des lettres. Nous
avons tué des hommes, sous peine d'être tués nous-
■
15 mêmes, et puis parce que c'était le devoir. Mais ces
luttes que nous avions soutenues s'étaient passées dans
une sorte d'ivresse, ivresse d'action, d'enthousiasme
— et de souffrance aussi. J'ai tué deux Boches, et
j'en suis fier — mais je n'ai pourtant pas l'âme d'un
20 assassin.
A huit heures du soir on téléphona au chef de batail-
lon que deux compagnies devaient se rendre aux
tranchées. Toutes les troupes étaient harassées, toutes
avaient eu dur labeur; on tira au sort — onzième et
25 douzième. Il fallait donc repartir.
J'allai donc faire lever mes hommes. Ils étaient
fatigués, ils grognèrent un peu — mais ils obéirent
9. petite: why is this word used hère?
19. fier: the adjective hère. How does it differ in proniincîa-
tion from the verb fier?
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 67
philosophiquement, et se rééquipèrent, replièrent leurs
couvertures. A neuf heures on se remit en route et
Ton fit en sens inverse le chemin parcouru le matin:
boyau, route, le village, le boyau encore et la boue,
la boue encore — encore — encore. Il y eut des 5
erreurs, une dislocation due à la lenteur avec quoi
Ton marchait et à la rapidité avec quoi dans l'embarras
de la pâte gluante les distances s'élargissaient. Une
section s'égara, il fallut retourner. Puis on rencontra
des troupes relevées qui venaient en sens inverse de 10
nous. Ce boyau n'était pas large, on se mêlait, se
confondait, se heurtait.
L'ordre rétabli, on s'avança vers les tranchées. La
nuit était pleine du vacarme d'une bataille — Içs
mitrailleuses faisaient entendre au loin leur bruit 15
régulier de machine à coudre, la fusillade son grésil-
lement de friture.
Quelques balles sifflèrent au-dessus de nos têtes;
j'entendis un homme brisé de fatigue dire: "Je voudrais
bien qu'une de ces balles soit pour moi." Je le grondai 20
doucement, mais c'était la lassitude qui lui avait
arraché ce cri. Il s'était conduit en brave la veille,
au moment de l'attaque.
On arriva dans une tranchée vide, une seconde
ligne que nous devions occuper et défendre en cas de 25
besoin. Mais ce n'était pas le voisinage immédiat de
l'ennemi; on y pouvait être relativement tranquille.
On dormit, assis dans la boue, ou au fond d'abris dont
16. la fusillade (faisait entendre) son grésillement de friture.
21. lui: /rom him; arracher is followed by à.
68 CARNET DE CAMPAGNE
la terre friable se désagrégeait et tombait en fines
parcelles glacées.
On dormit le reste de la nuit. On passa la jomnée
presque inmiobile, las, à attendre le moment de partir.
5 Nous étions ignoblement sales, de la boue sur les
vêtements, sur la peau: on s'enlevait la crotte de la
figure et des mains avec un couteau; les cheveux
enamêlés de boue faisaient une étrange matière qui
donnait du souci pour le nettoyage futur.
10 Nous eûmes quelques obus — quelques blessés —
mais nous étions indifférents à toutes choses, et Ton
ne se dérangeait pas — on ne faisait pas aux "mar-
mites" l'honneur de faire attention à elles.
Nous étions fatigués physiquement, mais le moral
15 était intact, et Ton riait. Chacun évoquait le souvenir
de ses hauts faits, lors de l'attaque. On se vantait
un peu, mais tous étaient si contents d'avoir "bien
travaillé." Et si les Boches avaient fait un assaut
contre nous, on les aurait bien reçus. D'ailleurs ils
20 ne s'y hasardèrent point.
Le soir, vers huit heures, l'ordre de la relève arriva,
accueilU avec un contentement mêlé d'ennui, car
chacun envisageait sans sourire du tout la perspective
des boyaux à parcourir. Et lentement, au prix de
25 mille difficultés et de mille fatigues, on les reparcourut,
ces boyaux fangeux. Nous étions de purs auto-
mates — la notion du temps disparaissait — on
n'avait plus la notion des choses. Il me semblait
qu'une pendule devait avoir la même conscience que
30 nous, alors.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
ConriffU InUmaiional FSm Stniet
NOTOK EUBLÂMB SacbA
70 CARNET DE CAMPAGNE
On arriva côte 181 — enfin la terre ferme. Mais là
de grands trous d'obus étaient pleins d'eau. Beau-
coup s'enfoncèrent dans ces entonnoirs, et on les aidait
à en sortir avec la crosse des fusils. De gros obus
6 tombèrent. On prit l'ordre dispersé pour franchir les
500™ qui nous séparaient des cuisines.
Là un café chaud nous attendait, mais on ne put le
boire, les obus pleuvaient trop pour qu'on pût s'arrêter.
Et c'est beaucoup plus loin, quand le café fut froid,
10 que nous pûmes enfin nous réconforter. Les Alle-r
mands bombardaient toujours: on ne put s'établir à
Cabane-Puits; l'ordre vint d'aller cantonner à B.-le-
Château. Douze kilomètres à faire encore!
La longue colonne du régiment serpenta pendant
15 quatre heures la plaine boueuse; les haltes furent
nombreuses, la fatigue était immense. Les sacs que
l'on avait repris pesaient lourdement sur les épaules
*— à certains moments des soldats exténués quittaient
les rangs et se couchaient sur la route, dormant, sac
20 au dos. On était à bout de forces vraiment quand le
coq du clocher nous apparut au détour de la route.
Les retardataires eurent le temps de rejoindre, car on
fit une longue halte. Puis on entra dans le village.
Pouvait-on défiler au pas, l'arme sur l'épaule, dans
26 notre état de harassement?
Oui, on le put, et ce fut sublime.
Le colonel, avant de nous rendre au repos, voulut
nous faire défiler devant notre drapeau, notre cher
drapeau noirci et déchiré par les batailles. Nous
30 avions mérité cet honneur, et il nous fit tout oublier.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 71
Notre emblème sacré, avec couleurs si belles, avait
en lui toutes les âmes de tous ces soldats gris et boueux
qui avaient tant souffert pour sa gloire. Et pour la
première fois Tâme de la France tout entière sembla
vivre pour moi dans cet étendard tricolore. Cette 5
étoffe, nous avions durement pâti pour elle, pour elle
quelques braves étaient tombés, pour elle on avait
accepté de grand cœur lés journées de peine et de
fatigue qui venaient de s'écouler. Et suprême ré-
compense, nous avions le droit en revenant, portant lo
sur nous les preuves du devoir accompli en cette saleté
qui nous recouvrait tous, nous avions le droit de faire,
en défilant devant notre drapeau, un inmaense et joyeux
acte de foi en la patrie. Tous les hommes sentirent
la sublime magnificence de cette minute; et au son 15
étincelant du chant du départ, de cet hymne qui nous
dit qu'il faut vivre et mourir pour notre République,
ces soldats éreintés, fourbus, couverts de boue, dis-
paraissant sous la crotte, n'ayant plus figure humaine,
défilèrent devant le drapeau en lui présentant les 20
armes, conmae jamais ils n'avaient dû le faire.
Et moi aussi. En les voyant si grands et si ma-
gnifiques, mes soldats, raidis en présentant leurs armes,
mettant dans ce salut toute la force qui leur restait —
en saluant de mon sabre nos trois couleurs qui flot- 25
talent fièrement, comme si elles étaient fières de
11. en la patrie: en followed by the definite article is corn-
paratively rare.
16. hymne ''n'est féminin que quand il s'applique à un chant
d'église."
72 CARNET DE CAMPAGNE
nous, j'ai été si ému que dans la boue qui couvrait
mon visage, des larmes ont dû couler. Je suis heureux,
je bénis tout ce que j'ai eu à souffrir, puisque ces souf-
frances m'ont valu cette minute-là, la plus belle que
6 j'aie vécue. —
Chapitre VI
Au cantonnement; en quatrième ligne; les corvées; visite à
TartiUerie.
Et puis ce fut le repos. Je n'ai pas voulu me coucher
sans être lavé; un soldat employé aux douches dut me
frotter le corps avec une brosse de chiendent. La 6
traîtresse de boue avait su se glisser partout. On
eut deux jours pour se reposer, se nettoyer — nettoyer
les vêtements et les armes. Liberté entière laissée
aux hommes.
Je suis bien logé; j'ai même un vrai lit avec des lo
draps, que je partage avec mon ami H. Joie immense,
frénétique que de se déshabiller, de se coucher entre
des draps. Volupté inconnue depuis un mois — et
quel mois!
Ce matin, exercice; peu intéressant, mais la théorie 15
veut que les honunes ne doivent pas demeurer inactifs.
J'ai proposé d'instituer des jeux, et on approuva.
Les manœuvres du temps de paix offrent peu d'agré-
ment pour ceux qui reviennent des tranchées.
Notre popote est joyeuse: on se réunit entre officiers, 20
on cause, joue aux cartes, fait de la musique. Je vais
souvent jouer de l'harmoniimi de l'église. Un in-
firmier-prêtre m'a demandé de jouer pendant les
offices. J'ai accepté avec grand plaisir; il y a im
salut tous les soirs où beaucoup de soldats assistent, 25
et où l'on chante les hynmes liturgiques. J'accom-
73
74 CARNET DE CAMPAGNE
pagne, et je m'amuse à jouer quelque fugue de Bach,
ou du maître César Franck. L'harmonium n'est pas
fameux, mais je sais m'en contenter.
18 mars. On part ce soir pour Cabane-Puits, qui
5 forme la quatrième ligne de nos positions. Il paraît
que nous n'irons pas aux tranchées, mais que nous
resterons quatre ou cinq jours en renforts; de plus
nous aurons des corvées à faire.
Soir. Nous sommes partis de B.-lé-Château vers
10 midi. La cérémonie du départ fut belle. Le cinquième
bataillon avait le drapeau, et ma compagnie en avait
la garde. Le bataillon se massa en ligne déployée, et
ma compagnie se trouva juste devant la maison du
colonel. A midi on fit mettre la baïonnette au canon
15 et au moment où le drapeau apparut au seuil de la
maison, la musique et les clairons sonnèrent aux
champs et jouèrent la Marseillaise, cependant que
tous présentaient les armes. On défila dans le village,
le drapeau au milieu de la compagnie, juste derrière ma
20 section. Et puis le drapeau fut plié dans sa gaine
noire et l'on marcha.
1. Bach: ^^Çbak), nom d'une famille célèbre de musiciens
allemands. Le plus illustre est Jean-Sébastien Bach, dont les
œuvres de musique religieuse sont de tout point admirables par
la hauteur de Tinspiration et de la science de rharmonie (1624-
1702)."
2. César Franck: (1822-1890) "compositeur (composer) ^ né à
Liège, musicien de grand talent, mais quelquefois plus savant
que réellement inspiré."
14, mettre la btdonnette au canon: see note, page 60, Une 23.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
76 CARNET DE CAMPAGNE
La route était meilleure — bien meilleure. On
croisa un régiment qui venait des tranchées et dans
lequel nous pûmes voir ce que nous étions quelques
jours auparavant.
5 Cabane-Puits est très curieux: le village des peu-
plades primitives; huttes assez vastes, creusées dans
le sol et recouvertes de branchages et de terre battue.
Des foyers y sont pratiqués; une épaisse couche de
paille revêt le sol. Il fait bon y vivre. Il y a aussi
10 des abris pour chaque section. , Pour moi, j'ai mon
appartement privé, qui a été aménagé confortablement
par mes prédécesseurs: le lit est fait d'une toile métat-
lique tendue comme un hamac à 50 cm. du sol. Une
table, des étagères, une cheminée faite de grosses
16 pierres: je suis là comme un prince. Les voitures du
régiment ont pu venir jusqu'ici. J'ai ma cantine et
je peux profiter de mes livres: Rabelais et Montaigne
ont vite pris la place d'honneur sur l'étagère. Il y
a une hutte pour tout ici: l'infirmerie est très
20 bien installée; les bureaux des compagnies ont des
caisses en guise de pupitres; les cuisines sont en
plein air: au-dessus des foyers, suspendues à un
bâton, bouillent perpétuellement de lourdes marmites.
On a eu du thé ce soir, malheureusement le sucre
25 était peu abondant. Les lettres arrivent; je me
suis fait ami avec le vaguemestre, qui me gronde
toujours d'être un de ceux qui lui donnent le plus
17. Montaigne: ''(Michel de) célèbre philosophe et moraliste
français, né au château de Montaigne (Férigord), immortalisé
par ses Essais." (1533-1592.)
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 77
de travail. Car j'ai une correspondance presque
ministérielle.
A tout prendre, cela vaut mieux que la tranchée.
19 mars. Vie délicieuse, beau temps — rien à faire.
Je lis, j'écris, je cause beaucoup avec mon ami H. 5
ou bien avec un infirmier-prêtre de remarquable in-
telligence et homme de cœur. Hier soir après le
coucher, nous avons très longuement conversé dans la
splendeur d'un soir de printemps. Le canon au loin
faisait rage, et malgré soi on appréciait la sécurité 10
relative où Ton se trouvait. — ^^ Suave mari magno — ."
Lucrèce n'avait peut-être pas tout à fait tort. Mais
cet égoïsme se conçoit un peu, après les peines de la
semaine écoulée.
20 mars. Nuit très occupée — ma section a été 15
chargée du nettoyage des boyaux, près de Perthes —
la boue ayant séché, ils n'étaient plus assez profonds.
2. ministérielle: as large as that of a cabinet minister.
11. Suœm màrùmagno: ''il est doux sur la vaste mer." From
Lucretius (the French call him Lucrèce), De natura rerum, II, 1.
"Conmiencement d'un vers de Lucrèce. Le sens complet est:
'Il est doux, quand sur la vaste mer, les vents soulèvent les flots,
de regarder, de la terre ferme, les terribles périls d'autrui.'
Ces mots s'emploient pour marquer la joie que Ton éprouve
à être soi-même exempt des périls auxquels les autres sont
exposés."
12. Lucrèce: ''poète latin, né à Rome en 95 avant Jésus-Christ
(Jezu-), auteur du poème De natura rerum (De la nature des
choses). Il se donna la mort vers Tan 53 après s'être fait l'apôtre
du matérialisme d'Êpicure dans un langage d'un souffle puissant
et parfois sublime."
78 CARNET DE CAMPAGNE
A neuf heures du soir donc nous partîmes par la côte
181. Au commencement des boyaux, abrité derrière
une butte, se trouve le poste de commandement du
chef du secteur; là se trouvent aussi un dépôt de mu-
5 nitions et un dépôt d'outils.
Pelles et pioches étaient là, entassées, qui nous
attendaient. On prit donc un nombre égal de pelles
et de pioches et Ton pénétra dans les boyaux, un
homme portant une pelle alternant avec un homme
10 portant une pioche. Un guide nous conduisait. Les
boyaux étaient assez abîmés, mais combien aisés à
parcourir! Le secteur que nous devions améUorer
était long de 200 m. environ. Je fixai, à l'aide des
sergents et des caporaux, le terrain exact que chaque
15 couple de deux honmies aurait à réparer. Il s'agissait
d'approfondir et d'élargir le boyau. Je reconunandai
de faire le travail consciencieusement et vite, que
nous partirions dès que tout serait fini, et qu'au retour
il y aurait de l'eau-de-vie pour se réchauffer. Chacun
20 se mit de bon goût à la besogne, et au* bout de deux
heures tout était fini. Moi-même d'ailleurs ayant froid,
un peu pour me réchauffer, un peu pour m'amuser, un
peu pour exciter mes soldats, je piochai tantôt ici, tantôt
là. Le boyau dès lors eut une forme bien plus protec-
25 trice: sillonné de pare-éclats tous les 25 à 30 m. de
façon qu'un obus éclatant ne puisse avoir d'effet que
sur un petit espace. De plus le boyau était très renflé
en bas, et les parois étaient assez rapprochées en
haut pour donner moins de prise aux shrapnells.
13. in«: abbreviation for mètre (s).
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 79
Donc quand le travail me sembla satisfaisant je
donnai l'ordre du retour. J'étais arrivé à faire exé-
cuter ce travail bien et vite en donnant moi-même
l'exemple. On reposa les outils, et à une heure du
matin nous étions rentrés, et on but un peu d'eau-de- s
vie, pour se réchauffer.
Un avion ennemi a été abattu ce matin. Il s'était
aventuré vers nos lignes, et le bombardement copieux
à quoi il fut soumis attira notre attention. Des flocons
blancs naissaient et se déroulaient autour de l'avion, lo
point jaunâtre dans l'objectif de ma jumelle, et brusque-
ment je vis l'aéroplane descendre comme une. flèche
vers le sol, cependant que le panache de l'obus qui
l'avait abattu s'étalait orgueilleusement comme fier
de son triomphe. L'avion tomba trop loin de nous is
pour que nous pussions l'aller voir.
Les Russes ont pris Przemysl — la nouvelle a été
annoncée au rapport ce matin. Le butin, paraît-il,
est inmiense — alors les hommes reçoivent de ce fait
un quart de vin supplémentaire. 20
C'est une des premières nouvelles que nous ayons
de la guerre; nous sonmies bornés à notre secteur et
nous ne savons rien de ce qui se passe. Pas grand'-
chose sans doute. Ce sera pour le printemps: on
pense que c'est au printemps qu'aura lieu la grande 25
17. Przemysl: an Austrian city, in the Province of Galicia,
about 60 miles west of Lemberg. It is one of the strongest
fortresses in Galicia. The Austrians held it until they were
driven out by the Russians 22 March, 1915; later they recap-
tured it.
80 CARNET DE CAMPAGNE
oflFensive — le coup de boutoir qui déterrera les Boches
de leurs tranchées et nous donnera cette guerre en
rase campagne à quoi nous aspirons tous: et alors
nous sonunes bien sûrs d'avoir la victoire.
6 J'aime beaucoup notre vie. Rousseau aurait 'été
heureux, en certains points. C'est bien le retour à la
nature; vie aussi simple que possible, presque physique,
presque animale, où les instincts primitifs de la race
se donnent Ubre cours — boire, manger, dormir, se
10 battre. Il n'y a guère que l'amour qui manque. Il est
loin, le temps de la guerre en dentelle. Il est vrai que
souvent on est bien fatigué — mais allez donc empêcher
le printemps de renaître, l'imagination de s'égarer dans
des souvenirs chers, aidée par les lettres presque
15 quotidiennes, ô petites marraines amies, douces sont
vos lettres et bienvenus vos cadeaux délicats à ceux
qui se battent, et qui sont heureux de se battre pour
vous. Mais combien, à certaines heures, votre souvenir
fait douloureuse la vie de la guerre!
20 Cependant je me gardé bien de laisser rouiller mon
intelligence. Je Us beaucoup, j'écris énormément de
lettres, et j'ai deux ou trois amis avec qui je puis
causer intimement.
Et puis j'ai une étude psychologique très intéres-
25 santé: j'étudie mes poilus. Je commence, je crois, à les
6. Rousseau: (Jean-Jacques), (1712-1778), ''philosophe et
écrivain français. Rousseau a prêché le retour à la nature,
Texcellence initiale de Thomme, et la nécessité du contrat social
qui garantit les droits de tous, en une langue passionnée et
éloquente."
DTN OFFICIER FRANÇAIS gl
bien connaître, et à être leur ami; ils me content lem^
secrets, leurs aventures, je connais leurs petites affaires
de cœur ou de famille; certains me font lire de leurs
lettres, d'autres me montrent des photographies. Et
ainsi je les connais personnellement, et je sais comment s
agir et parler avec chacun d'eux pour en obtenir ce
que j'en veux. Je les aime bien, car ils sont de braves
gens et même ils savent être des héros quand le devoir
l'exige.
J'ai passé la soirée dehors, vautré dans l'herbe lo
naissante, fumant ma vieille pipe, compagne de mes
aventures guerrières, causant avec mes amis. Le
canon était assez silencieux, l'air était très calme et
nous apportait des bouffées de musique: nous recon-
nûmes l'hymne suisse et la Marseillaise, le God save is
the King, C'était un régiment cantonné à l'arrière, et
qui fêtait la prise de Przemysl.
Il est tard. Je me suis attardé dans cette soirée
merveilleuse, la veillée du printemps — il fait bon
écrire dans cet air parfumé. 20
21 mars, dimanche. La messe a été dite ce matin
en plein air, derrière un grand rocher, par un prêtre-
soldat — cérémonie simple — des pierres servaient
d'autel, deux bougies sans candélabres — l'antique
simplicité — beaucoup y assistèrent; et on chanta des 25
cantiques. Le canon au loin servait d'orgue.
Il ne s'est rien passé aujourd'hui — seulement
quelques prisonniers ont défilé.
Ce soir quelques hommes de la compagnie vont en
82 CARNET DE CAMPAGNE
corvée porter en première ligne des fils de fer et des
obus de **crapoiiillauds" (obusier de tranchée). J'y
ai jeté un coup d'oeil. Ce sont des obus à ailette que
l'on lance de la tranchée même et qui font du bon
5 travail. Nos poilus les appellent "choux-fleurs."
Ma section est de garde — car naturellement il y a
un tour de garde. Trois sentinelles sufl5sent: près
de la gare et des magasins d'approvisionnement, près
de la hutte du colonel où se trouve le drapeau, près des
10 voitures. Service peu compliqué.
22 mars. Peu d'événements encore aujom-d'hui.
Le bataillon a fait une manœuvre dans les bois. Si
cela pouvait être signe avant-coùreur de la guerre en
rase campagne! Une petite alerte: quelques obus sont
15 tombés sur notre emplacement — une cuisine a été
détruite — un cuisinier blessé. C'est très désagré-
able d'être bombardé quand on est au repos; dans la
tranchée on est là pour cela, et l'on accepte la chose
gaiment; d'ailleurs on se sent à l'abri, tandis qu'au
20 cantonnement, où par définition on doit être en sé-
curité, c'est plus vexant. Les Boches n'ont aucune
espèce de savoir-vivre.
23 mars. La nuit dernière j'ai été désigné avec la
moitié de ma section, pour la "corvée de machabées,"
25 c'est-à-dire, à aller enterrer les morts. Cette besogne
ne souriait à personne, mais elle fut accomplie sans
répugnance ni mauvaise volonté; ce qui ajoutait une
nuance plus lugubre, c'est que cela devait avoir lieu
la nuit. Nous partîmes donc, guidés par un homme de
DTN OFFICIER FRANÇAIS 83
liaison, qui nous conduisit dans un petit bosquet tout
déchiqueté par la mitraille, au sud de Perthes, à trois
Idl. environ des premières lignes.
La nuit était sans lune, on n'y voyait guère. Au
loin la fusillade; quelques fusées éclairantes à allures s
de feu d'artifice et des obus avec leur grosse respira-
tion de fauve en colère. Une petite tranchée fut
approfondie, où Ton mettrait les morts, et puis il
fallait se mettre à leur recherche. Ils étaient là depuis
très longtemps, et la récente avance de nos lignes lo
permet seulement de les enterrer. On les voyait à
peine, masses inertes par terre. Il fallait les fouiller,
prendre leurs papiers, les plaques d'identité attachées
au bras comme des bracelets^ leur argent, etc. Ce
n'était pas extrêmement drôle: là encore il fallut donner 15
l'exemple. Parmi ces morts il y avait trois Boches.
— On les apportait dans une toile de tente jusque dans la
tranchée, où on les plaçait côte à côte. On plaçait
séparément les pièces trouvées sur eux, de façon à ne pas
les confondre. Nous les identifiâmes tous sauf trois. 20
Quand ils furent bien couchés dans cette fosse,
l'abbé-infirmier qui nous avait accompagnés, sans en
avoir reçu l'ordre, s'avança au bord de la tombe et bénit
ces cadavres. Au milieu de quelques balles qui ve-
naient mourir contre les arbres avec un bruit mat, avec 25
au loin le fracas de la bataille, ce prêtre, debout devant
ces morts qu'il bénissait, était vraiment très beau.
Et moitié par conviction religieuse, moitié touchés par
la grandeur de ce spectacle, tous se mirent à genoux
pour entendre les paroles de pardon et de vie. 30
84 CARNET DE CAMPAGNE
Ce soir je suis allé à S. S. par le petit train pour
aller faire dresser les actes de décès. Les minces
souvenirs durent être expédiés aux familles: des
lettres, des porte-monnaies, des porte-feuilles, des
6 montres. Sur l'un de ces morts était ime lettre sur
Tenveloppe de laquelle était écrit: celui qui trouvera
mon cadavre voudra bien envoyer cette lettre avec Vindica-
tion exacte de ma tombe h — . Cette lettre, je Voî prise,
et j'ai envoyé quelques paroles émues à la famille.
10 J'ai fait un dessin aussi exact que possible de la
tranchée où j'avais enterré ce misérable. J'ai parlé
de la bénédiction qui avait été donnée sur la tombe.
Et j'ai glissé dans ma propre lettre cette lettre sacrée,
sanglante, boueuse — cette lettre d'un mort.
15 24 mars. Un officier d'artillerie qui était au village
hier avec moi m'a invité à aller voir sa batterie. Après
le rassemblement quotidien de la compagnie, je suis
allé le voir. J'avais sur ma carte exactement marqué
l'emplacement de cette batterie et je la trouvai assez
20 facilement.
Le capitaine me reçut dans sa ''cagna," un vrai
palais en comparaison de nos misérables ''guitoimes"
de fantassins. A six mètres sous terre, étayée de
' planches, elle contenait le vrai confort moderne — un
25 lit, une table, des chaises, et puis des tas de bibelots
qui prouvaient un séjour prolongé. Des images de la
''Vie Parisienne" étalaient sur le mur les délicieuses
27. ''Vie Parisienne": an illustrated magazine particularly
noted for its art work.
DTN OFFICIER FRANÇAIS 85
femmes de Fabiano, de Nam et de Préjelan. Un
violon pendait dans un coin, et sur un pupitre, les
sonates de Bach. Beaucoup d'objets sur des étagères,
fabriqués avec des fragments d'obus. Mon aimable
hôte m'offrit du thé dans de vraies tasses. Ce luxe s
m'enchanta. Un téléphone sur la table reliait la
cagna à la batterie, aux premières Ugnes et au poste du
colonel. Je ne pus résister au désir de l'entendre jouer;
il consentit volontiers, et ce polytechnicien m'exécuta,
assez bien ma foi, la fameuse sarabande. lo
"Et maintenant, après la musique de chambre,
dit-il, je vais vous faire entendre le grand orchestre."
Et il me conduisit à sa batterie. Les quatre pièces,
tout habillées de feuillage et bien enfouies dans le
sol, étaient silencieuses; mais elles restaient pointées 15
inmiuablement sur leur objectif invisible — une
tranchée à trois kilomètres en avant. Le capitaine
m'expliqua — ce qui n'était pas un secret pour moi
à vrai dire — que grâce au frein hydro-pneumatique
le 75 n'avait pas besoin d'être repointé après avoir 20
tiré. Cour me faire plaisir il fit tirer trois obus par
piècé^ En un clin d'oeil ce fut fait: c'est merveilleux
de rapidité — le recul du canon permet l'éjection de la
douille et l'introduction du nouvel obus. J'ai eu
l'explication du "débouchoir" qui permet de faire 25
éclater l'obus à la distance voulue, selon qu'on trouve
1. Fabîano, Nam, Préjelan: contemporary illustrators.
10. saratMuide: ''danse noble en vogue au XVIIP siècle.
Musique de cette danse: la sarabande s'écrivait à trois temps,
dans un mouvement plus lent que celui du menuet."
86 CARNET DE CAMPAGNE
la fusée à une place ou à une autre. J'ai même fait
partir un coup moi-même. Enfin j'ai vu le petit
clapet que Ton n'a qu'à manœuvrer d'une certaine
façon pour rendre la pièce inutilisable. Dans le cas
5 où elle viendrait à tomber entre les mains de l'ennemi,
les artilleurs doivent faire cette manœuvre.
Je pris congé, en remerciant beaucoup mon très
aimable officier. J'étais heureux d'avoir pénétré un
peu dans le fastueux domaine de l'artillerie.
10 En arrivant au bivouac j'appris que le commandant
m'avait proposé pour être sous-lieutenant à cause de
ma conduite de la semaine dernière. J'en suis très
content.
26 mars. Ce matin, à notre grande surprise, on
15 nous a annoncé notre retour à S. S. Nous y arrivâmes
vers six heures — même cantonnement que précédem-
ment. En passant, remarqué combien le cimetière
avait grandi depuis peu.
2ff mars. Revue de notre brigade ce matin — les
20 deux régiments, massés en ligne de sections par quatre,
drapeaux et musique. Le général est passé au galop
sur notre front, puis nous avons défilé. Immense
impression de force quand on se sent au milieu de
toutes ces baïonnettes étincelantes par-dessus quoi
26 triomphent les couleurs claires de nos drapeaux, le
9. le fastueux domaine de l'artillerie: there is great rivalry
in the French army between the artillery and the infantry, the
artillery assuming airs of superiority; hence tliie ironical tone
whenever the artillery is mentioned. •
D'UN OFEICIER FRANÇAIS 87
mur de fer qui retient Tennemi et qui saura fondre
sur lui au temps voulu. Et c'est aussi un peu la cons-
cience du rôle que Ton joue, et qui est grand. Notre
rôle à chacun est humble, mais c'est une joie inunense
de se dire que Ton travaille pour la patrie, et que tous s
les efforts et toutes les souffrances comptent pour
une part dans la grande action de tous.
Le général ensuite est passé dans toutes les com-
pagnies. Il s'est adressé à moi et m'a dit que dés ce
jour je comptais désormais dans l'armée comme sous- lo
lieutenant.
Naturellement cela s'est "arrosé." J'ai offert le
Champagne à mes collègues — et l'on se préparait à
fêter dignement quand l'ordre vint de partir le soir
même pour les tranchées. Voici le progranune des 15
jours à venir:
2 jours en 1®'® Ugne.
2 jours en renforts côte 181.
2 jours en 2® ligne.
Le bruit court que le corps d'armée irait au repos 20
pendant un mois. Il circule beaucoup de bruits, plus
ou moins fantaisistes, c'est ce qu'on appelle le "rapport
des cuisiniers." Mais cela est possible en sonmae.
En attendant on s'équipe et dans deux heures on sera
en route. 25
Je vais écrire à tout mon monde pour annoncer ma
nomination.
Chapitre VII
En première ligne; le canon de tranchée; la mine; prise d'une
tranchée boche; les grenades; à la côte 181; en seconde ligne;
nos derniers jours en Champagne.
27 mars. Mollement étendu dans un hamac que
s ringéniosité de mon prédécesseur dans cette tranchée
avait fabriqué avec deux vieilles toiles de tente, dans
une grande cave souterraine, je reprends un peu mon
journal. Nous sommes dans un vilain secteur, et
Ton utilise les galeries de mme comme abris, car les
10 grenades pleuvent.
Nous sonunes dans la même tranchée que l'ennemi
— voisinage immédiat et assez dépourvu de courtoisie;
seul en effet un bouchon de sacs de terre nous
sépare des Boches. Près de ce rempart veillent les
15 sentinelles, attentives et silencieuses. De Tautre côté
on n'entend rien non plus, seulement le vol et le bruit
des grenades qui sans cesse s'échangent entre les
deux partis. Mais les guetteurs sont bien abrités
dans les parois de la tranchée, comme des saints dans
20 des niches — et ils bravent les ' 'tortues" allemandes.
Donc la première hgne allemande et française sont
en contact immédiat. Cela tient à ce que Ton n'a pu
prendre intégralement cette tranchée dont l'ennemi
occupe encore l'extrémité est.
25 Mais cela ne durera pas, je pense, et on élargira le
gain.
Il y a quelque chose de très amusant: c'est un
88
D'UN OFFICEBE FRANÇAIS
CoptiTiehl InUntatumal Pitm Stnut
Il a Dit que ce n'Était Rien
90 CARNET DE CAMPAGNE
canon de tranchée, un petit canon comme on en tire
dans les réjouissances populaires, tout petit sur une
plate-forme de cul-de-jatte. On y introduit de la
poudre, piûs un obus de 77 (les projectiles allemands
6 qu'on leur renvoie), puis une mèche est allumée
à Taide d'un briquet. Bruit, fumée, Tobus part d'un
côté, le canon de l'autre. Ce diable de petit canon
aurait besoin de prendre des leçons chez le 75, car
après chaque coup il exécute une petite danse. Mais
10 on a tout loisir de repointer. C'est un homme spé-
cialement désigné pour ce travail, qui se charge de la
manœuvre. Bien entendu je me suis amusé plusieurs
fois à le faire partir.
Le piédestal est tragique: c'est un morty un mort
15 bien recouvert de boue sèche, mais qui laisse voir les
pieds; c'est un Boche, il a les souliers ferrés en fer
à cheval. On envoie les obus en face, à 60"^ environ;
à côté, ce sont les grenades — et on leur en lance sans
avarice! Eux aussi d'ailleurs, mais jusqu'à présent,
20 pas de blessé.
Je reste assez peu immobile dans ma tranchée.
J'ai horreur de rester inactif, et j'ai peu envie de lire;
aussi j'ai erré beaucoup d'un bout à l'autre de mon
secteur, m'amusant de tout.
25 Tout à l'heure un de mes poilus est venu me dire:
''Je crois bien, mon lieutenant, que les Boches sont
en trai» de miner notre tranchée." J'écoutai, je n'en-
tendis rien. Alors j'allai dans son abri et en effet
j'entendis des coups sourds, frappés régulièrement.
30 Évidemment on travaillait sous terre. Impression
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 91
très désagréable, déjà enfoui sous terre, que de sentir
ce travail caché, lent, impossible à parer et qui brusque-
ment peut nous faire sauter. Et Fennui, c'est que
depuis ce moment tous étaient persuadés d'entendre
le marteau qui creusait l'abîme au-dessous d'eux, s
Puissance de l'imagination, ô Pascal! Mais le capi-
taine prévenu a téléphoné au commandenient — un
officier du génie est venu; il a écouté au microphone
et a dit que ce n'était rien; il y a, dans la tranchée à
côté une galerie de mine française, et le travail des lo
Boches est lointain et repéré.
Car devant tous les réseaux de tranchées il y a des
postes d'écoute souterrains où les sapeurs, avec leurs
Lrophones écoutent et enregistrent ' les moindres
bruits. Cet officier me conta que deux jours aupara- 15
vant ils avaient "camouflé" une mine boche; il s'agit
pour cela de faire repérer exactement la direction de la
galerie ennemie; on fore dans cette direction avec un
appareil semblable à ceux qui servent au forage des
puits. Puis quand on est arrivé à l'endroit voulu, on 20
2. et: correct in French. Do not translate. See note to
page 36, Une 21.
16. "camotiflé": the verb camoufler does not appear in the
smaller French dictionaries. Perhaps it has been coined from
the noun camouflet, which is defined as 'Tumée épaisse, qu'on
soujffle au nez de quelqu'un," and "Fourneau {chamber) de
mine, destiné à agir contre une galerie souterraine ennemie, en
asphyxiant les défenseurs." Modem practice as described by
Lieutenant Nicolas seems to substitute an explosive for the
smudge. The recently much overworked word camouflage is a
derivative from camotiflet in the first sensé.
92 CARNET DE CAMPAGNE
bourre et on fait sauter avec un bickford. La tête de
la mine allemande saute avec ses habitants. Le même
sort attend la mine qui nous avait préoccupés. Dans
la guerre de mines Tessentiel de la lutte est le con-
5 traire de la guerre aérienne. Ici il s'agit de survoler
Favion adversaire, là au contraire il faut que la contre-
mine passe au-dessous de la mine adversaire; quand
elle se trouve arrivée à sa hauteur, on fait éclater.
Il se passe d'ailleurs que les mineurs ennemis se trou-
10 vent brusquement face à face, et alors on se tue comme
on peut, à coup de marteau si Ton n'a pas de
revolver. ...
C'est assez peu beau, cette guerre — je vais me
consoler en invitant mes sergents au five o'clock.
15 Je viens de m'amuser à envoyer une lettre aux
Boches d'à côté, invitant, en un allemand aussi cor-
rect que possible, ceux qui sont las de la vie de guerre,
à venir se rendre. Ils seraient bien traités par les
Français. Ils n'auraient qu'à se présenter sans armes
20 devant le bouchon de sacs de terre, et siffler les pre-
mières mesiu'es d'un air connu de tous les Allemands:
Ich haW einen Kameraden. Peu après la sentinelle
me fit parvenir un papier; c'était la réponse — en
voilà la traduction: ''Nous serons relevés cette nuit
25 vers une heure — nous profiterons du désordre pour
14. five o'clock (tea).
22. ich hatt' einen Kiuneraden: first Une of a ballad (by
Johann Ludwig Uhland, a German poet, 1787-1862), caUed Der
treue Kamerad. In the original einen is ^nen^ a mutilation neces-
sary to make the verse track.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 93
venir, à trois, nous rendre. Dès minuit nous serons
en sentinelles près du bouchon. Nous comptons sur
votre parole de bien nous traiter."
Je portai ce papier au capitaine et le lui traduisis.
Le renseignement de la relève était intéressant. Il s
va le téléphoner au conmiandement.
28 mars. Quelle nuit agitée que la dernière, mais aussi
quel bon travail nous avojis fait — pris toute la tranchée
d'à côté, 50 mètres environ, et une mitrailleuse!
La nuit au début fut calme, sauf que les Boches lo
nous lançaient des grenades d'une façon inamodérée.
J'eus cinq blessés, assez légèrement je crois, qui purent
se rendre d'eux-mêmes au poste de secours. Vers
dix heures et demie le capitaine vint voir la situation
et je lui expliquai qu'il serait peut-être bon d'attaquer 15
la tranchée au moment de la relève. On examina les
diverses possibilités, et finalement mon supérieur me
dit de faire comme je l'entendrais, qu'il me laissait
toute l'initiative des événements. Je le priai seule-
ment d'interdire aux deuxièmes lignes de tirer. J'ap- 20
pelai près de moi mon ami H. et lui confiai le commande-
ment de ma section, après avoir avec lui réfléchi
longuement sur les éventualités.
Mon caporal le plus dévoué et le plus intelligent
devait m'accompagner, et je demandai dans les es- 25
couades quels honames voudraient m'aider dans une
entreprise peut-être dangereuse. Beaucoup, presque
tous, se présentèrent. J'en pris six, qui s'armèrent de
leurs baïonnettes et de dix grenades chacun. Puis
94 CARNET DE CAMPAGNE
j'allai près du bouchon de sacs, et avec un périscope,
à la lueur de fusées éclairantes, je pus me rendre
compte exactement de la tranchée allemande. Une
seule chose m'ennuyait — une mitrailleuse placée pas
5 très loin de nous. J'y fis lancer une vingtaine de
grenades. On tua des hommes, mais la machine
- semblait intacte.
Un peu après onze heures j'entendis siffler le chant
populaire de Uhland. Je le sifflai à mon tour, et trois
10 grands escogriffes apparurent sur le bouchon, les
bras levés. Ils sautèrent dans notre tranchée, je les
fis garder soigneusement, les interrogeai. La relève
de leurs camarades avait heu à l'instant même; on
les faisait sortir avant que les autres troupes ne fussent
15 arrivées. Eux s'étaient arrangés pour être sentinelles,
et plus rien ne gardait l'entrée de la tranchée. Une
seconde j'eus l'idée que c'était un piège, les menaçai
de les faire fusiller s'ils mentaient. Mais je me rendis
au bouchon et vis en effet que la tranchée était vide —
20 seuls les mitrailleurs veillaient leur pièce.
Je donnai rapidement l'ordre de démoUr le bouchon,
et on courut chez les Boches. Les hommes de ma
section, ainsi que j'avais donné l'instruction, se mirent
à tirer furieusement, pour que l'ennemi fût distrait du
25 secteur que nous voulions prendre; en courant on
lança quelques grenades aux mitrailleurs qui s'effon-
drèrent sans avoir pu tourner leur machine contre
13. on les faisait sortit: ihey were mode to leave, that is,
the retiring troops were taken eut of the trench before the
relief entered.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 95
nous. En un rien de temps on fut à rextrémité de la
tranchée, coupée perpendiculairement par un boyau.
Quelques grenades sur les derniers Boches qui s'en
allaient en repos. — Vite, vite on empila quatre ou cinq
cadavres, et on fit très rapidement déployer des sacs s
de terre du parapet. La mitrailleuse cepeùdant était
amenée, et derrière la barricade de morts et de terre on
tira trois bandes de la mitrailleuse. Ce fut un affole-
ment chez les Boches. Et on dut en tuer pas mal.
Nous en eûmes ce matin la vision de ce boyau couvert lo
de morts. La tranchée était nôtre. Cela avait bien
duré deux minutes. Nous reçûmes une pluie de
grenades, les tzing, tzing se suivaient sans cesse — un
homme fut tué, trois ou quatre blessés. Vacarme
infernal, fusées éclairantes, tir redoublé. — Rapport 15
rapide au capitaine qui vint et me serra la main.
Vite on plaça des fils de fer barbelés, et on aménagea
la tranchée avec soin. — Minutes folles d'excitation,
d'activité immense, sans conscience du danger,
hypnotisés par la chose à accompUr. 20
On attendit une contre-attaque, mais la mitrailleuse
allemande qui fermait le boyau le défendait trop bien
pour que nul BOche osât s'aventurer par là. Mes
soldats avaient déjà leurs créneaux, et veillaient,
l'arme prête à faire feu. 25
On attendit, et il y eut des fausses alertes. Un
homme un peu nerveux tire plus rapidement que de
coutume; son voisin suit son exemple, puis toute
8. bandes: the ammunition for thèse guns is put up in the
form of bands or belts.
96 CARNET DE CAMPAGNE
Tescouade, puis toute la section — puis toute la com-
pagnie. Les mitrailleuses crépitent, les secondes
lignes s'alarment, Tartillerie envoie quelques obus
et — les Boches d'en face, ahuris de tout ce vacarme,
5 envoient des fusées éclairantes qui semblent des points
d'interrogation et qui n'éclairent que les herbes du
printemps, les fils de fer, et quelques pauvres morts,
tendus vers la tranchée adverse, conune pour indiquer
à ceux qui sont derrière, le chemin du devoir.
10 La contre-attaque ne vint pas, seulement beaucoup
d'obus. J'ai donné mon bidon de vin à mes prison-
niers, car en somme ils sont un peu responsables de
notre avance. Ce n'est rien, 50 mètres de tranchée, et
pourtant c'est un peu de ta France qu'on a reconquis.
15 J'ai reçu ma récompense: deux gros paquets et
neuf lettres. Dans un de ces paquets un gros poisson
d'avril en chocolat, bourré de bonbons. Je les ai
partagés entre mes soldats — une façon de les remer-
cier pour leur belle conduite. Et puis j'ai savouré
20 les lettres — ô le réconfort des lettres, paroles douces
d'affection qui viennent nous trouver dans notre vie
barbare.
29 mars. Côte 181 — en renforts; des abris creusés
profondément dans le sol. De l'extrémité nord de
25 cette colline on voit tout le système de tranchées,
françaises et allemandes, dans la cuvette de Perthes.
Jumelle aux yeux, je vais observer ces positions entre
deux arbustes déchiquetés, des tas de lignes blanches,
très contorsionnées, très enunêlées, un vrai labjrrinthe.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 97
De temps en temps quelques panaches noirâtres
s'élèvent. Les ruines de Perthes, toujours de plus en
plus lamentables. J'ai été chassé par les obus.
Toutes les heures, exactement, méthodiquement,
deux batteries envoient leurs douze obus. On est 5
prévenu, on sait que cela vient. Quand cela est venu
on est tranquille pour ime heure. Malheureusement,
un lieutenant a été tué dans son abri, où im obus lui
avait fait ime visite peu civile.
ê
J'ai eu l'honneur d'être rasé sous la mitraille. Le 10
coiffeur de la compagnie était occupé à me couper ma
barbe dg^ifi ux jours ^ quand des obus se mirent à
tomber pài^ loin de nous. "Continue," lui criai-je.
La main de mon coiffeur tremblait un peu, mais il ne
me coupa ni le nez, ni l'oreille. 15
J'ai découvert un poêle, avec des tuyaux — l'in-
firmerie, qui n'en voulait plus, l'a simplement jeté.
Je l'ai fait installer dans mon abri souterrain; il fait
assez froid. Avec le sapin des bois d'alentour dont
mon ordonnance le garnit, il me chauffe et me permet 20
de faire du bon chocolat.
Il fait froid — pourtant cette nuit il faudra aller
porter en première ligne des planches et des fils de fer.
Mais quel excellent thé je me ferai en rentrant!
30 mars. Cette nuit une violente bourrasque de 25
neige s'est abattue sur le pays. Cela est dû sans
doute au déplacement d'air que cause le bombarde-
ment intense qui n'a de cesse jour ni nuit.
26. Cela est dû: readers will accept this theory with caution. '
98 CARNET DE CAMPAGNE
Je suis rentré tard, vers trois heures — il a fallu trotter
beaucoup; les boyaux, buvant la neige, se remirent à
être boueux. Tabominable boue de Champagne!
Aujourd'hui on a été bombardé plus que de coutume.
6 Quelques imprudents étaient allés se promener en
vue de Tennemi. Naturellement les obus sont tombés.
On a dès lors défendu aux hommes de sortir des abris.
Dormi ce matin devant mon poêle ronflant, ce soir
joué aux cartes. Je me sens devenir animal. Et
10 pour varier, cette nuit ofi retourne aux tranchées.
31 mars. Nos derniers jours en Champagne. Il
paraît que nous irons au repos et changerons de secteur.
On eût dit que le commandement avait voulu que
nous pussions, ces derniers jours, nous imprégner
15 profondément du paysage de cette région désolée.
Nous sommes en deuxième Ugne, et nous découvrons
la vue de toutes les tranchées qui furent nôtres depuis
côte 181. C'est très beau: la neige n'a pas persisté,
nous avons vue sur les bosquets déchiquetés par la
20 mitraille, sur tout le labyrinthe des tranchées et boyaux,
puis Perthes en ruines. J'aperçois aussi, à la jumelle,
la première tranchée où j'aie été. Je la reconnais à
certains détails — mais on a bien avancé depuis lors,
plus d'un kilomètre.
25 Journée relativement calme — rien à faire, seule-
ment à soutenir une attaque possible. On dort, on
lit, on joue aux cartes.
Les Boches bombardent Perthes et la côte 181.
10. cette nuit: tonight, Take with retourne.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
100 CARNET DE CAMPAGNE
Les grosses marmites font jaillir de terre un splendide
volcan limiineux dans la nuit, ou bien des fusées
éclatent en nuages noirs au-dessus des boyaux et
tourbillonnent selon le vent.
5 Ce qu'il y a de curieux c'est que Ton voit l'explosion
bien avant d'entendre le coup; d'après le sifflement
de l'obus on est persuadé qu'il est à peine au-dessus
de vos têtes, et on le voit éclater au loin. J'ai dû
expliquer ce phénomène à mes hommes, dont les con-
10 naissances en acoustique ne sont pas des plus étendues.
Je viens de voir quelque chose de magnifique et de
terrible — une attaque allemande en formation serrée
anéantie en un rien de temps. A l'est, du côté de
Beauséjour, bombardement intense, puis, dans la
15 jumelle, on voit des masses grises et gesticulantes qui
sortent toutes denses — un bataillon au moins. Cette
attaque a été prise entre deux barrages d'artillerie.
Le 75 faisant rage a projeté un rideau de feu au-devant
d'eux, ce qui les empêchait d'avancer, et un rideau de
20 feu en arrière, et ils ne pouvaient retourner dans leurs
tranchées. Tous ces hommes furent exterminés: une
danse aérienne de membres épars, au milieu de la terre
et de la fumée de l'explosion. C'était horrible et
enthousiasmant. Le plus curieux, c'est qu'il ne reste
25 rien sur le sol, ou peu de chose — il semble que ces
hommes aient été volatilisés.
Vienne vite la guerre en rase campagne, notre 75
nous donnera vite la victoire.
Nos avions gracieusement se promènent dans le
30 crépuscule — un crépuscule divin, calme. C'est la
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 101
semaine sainte, des harmonies du grand Jean-Sébastien
et de Parsifal chantent dans mon âme.
Jeudi saint. L'ordre est arrivé, nous serons relevés
ce soir. Nous allons au repos, et puis, dit-on, en ^Isace.
Je serais si heureux d'aller me battre en terre re- s
conquise. —
C'est notre dernier jour de Champagne. Je quitte
sans regret ce désert désolé où j'ai eu de dures heures,
et de splendides moments. Mon grand ennui fut
cette vie de taupes — moi qui aspire toujours à l'action lo
vaste, à la guerre franche et intense, sus à un ennemi
que l'on voit.
Les Boches ont bombardé assez violemment, c'est
naturel puisque c'est le jeudi saint. Malgré tout, il y
a quelque chose de religieux dans le calme de ces 15
jours-ci. La nature est pieuse. Ce soir est superbe:
les obus éclatent en panaches bruyants et la petite
église de Perthes chancelle conune si elle allait s'effon-
drer. Des balles en fin de course miaulent dans les
créneaux, mais ces bruits troublent peu l'adorable 20
calme de ce crépuscule. Des alouettes chantent à
pleine gorge un sublime hynme de vie et de joie au
milieu de notre désolation. Au loin, des morts, et
l'affreux cadavre mutilé du village de Perthes. . . .
1. Jean-Sébastien (Bach).
2. Parsifal: ''drame musical en trois actes, poème et musique
de Richard Wagner (1882). C'est la dernière œuvre du célèbre
compositeur.''
8. Jeudi saint: the day before Good Friday.
Chapitre VIII
Un mois loin des tranchées.
Pendant un mois notre vie se passe en marches et
en séjours plus ou moins prolongés dans divers canton-
nements de la région de la Meuse. Vie calme, sans
5 grands incidents; mon journal ne relate que, par-ci,
par-là, quelques événements intéressants.
3 avril. Première étape; partis de Cabane-Puits ce
matin à trois heures, arrivés ici à huit heures.
Petit village à moitié incendié par les Boches, bar-
10 barement, quand ils ont dû reculer au moment de la
bataille de la Marne. Je loge chez une vieille femme
qui m'a conté longuement leiu^ atrocités. L'égUse
est écroulée; il paraît qu'ils y avaient enfermé une
très vieille aïeule qui a été carbonisée. Ce qui frappe
15 quand on entre dans les ruines de cette église, c'est
une statue de Jeanne d'Arc, en plâtre, l'épée cassée,
la figure noircie de fumée, la bannière à demi démolie
— mais fière, et debout. Émotion grande, vraiment.
11. bataille de la Marne: September 6, 1914. This battle
marks the farthest German advance toward Paris in this war.
See page 15, lines 13 ff.
16. Jeanne d*Arc: see encyclopedias. "Jeanne d'Arc, per-
sonifîcation du patriotisme populaire français, qui arracha aux
Anglais le sol national, est restée la gloire la plus pure de notre
histoire." The statue referred to in the text was later removed
to a place of safety. It does not rank high as a work of art.
102
D'DN OFFICIER FRANÇAIS
104 CARNET DE CAMPAGNE
Quel bel article pour M. Barrés! Cette vierge symbole
de notre volonté de vaincre, la France meurtrie et
saignante, mais toujours debout et vaillante et toute
pleine de foi. Il paraît aussi que la Jeanne d'Arc qui
5 se dresse sur le parvis de la cathédrale de Reims n'a
pas été touchée par les obus non plus.
Serait-ce Tâme de la patrie qui, incarnée en notre
superbe héroïne, voudrait se manifester ainsi à ses
défenseurs?
10 Le bruit court qu'on irait aux Dardanelles. Quel
bonheur ce serait! J'irais rejoindre mon frère, engagé
à dix-huit ans, et qui vient de partir avec le Corps
expéditionnaire.
6 avril. Depuis trois jours nous marchons. Quel
15 est l'intérêt de ces marches? Certainement, nous
n'allons pas combattre immédiatement, car alors on se
servirait des chemins de fer. Ce n'est pas du repos
non plus, car des étapes quotidiennes de trente kilo-
mètres sont assez dures. Et puis nous marchons
20 en plein jour. Serait-ce pour donner le change à
l'ennemi et simuler de gros déplacements de troupes?
1. Barrés: Maurice (1862- ), French writer and poli-
tician. He received his éducation in the Lycée at Nancy and
studied law in Paris. He was admitted to the French Academy
in 1906.
10. Dardanelles: straits between Europe and Asia Minor
from the Aegean Sea to the Sea of Marmora. Military opéra-
tions hère in 1915 by the English and French were intended to
cause the fall of Constantinople. Thèse opérations were also
known as the Gallipoli Campaign, so called from the long pen-
insula north of the Straits.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
106 CARNET DE CAMPAGNE
Nous avons traversé les riches pâturages du sud de
rArgonne, et les forêts touffues et profondes, au
nord desquelles on se bat. Le printemps vient de
m'apparaitre brusquement dans toutes ces admirables
6 verdures. La désolation de Champagne, vrai désert,
avec quelques oasis de sapins mutilés, ne nous avait
guère avertis du renouveau. Ici c'est du parfum, ce
sont des fleurs, de la gaieté, du soleil riant, des oiseaux.
De la gaieté pas partout cependant. Nous avons
10 traversé maint village en ruines — un surtout, où il
ne restait plus une maison debout. Et chose étrange,
une sorte de baraque de bois se dressait à l'entrée du
village et masquait les ruines. Le chef d'orchestre
(la musique marchait ce jour-là avec notre bataillon)
15 selon l'usage fait jouer une marche, et nous défilons
au pas, l'arme sur l'épaule. On traversa donc glorieuse-
ment, avec clairons et fanfares, une rue morne, dé-
chiquetée, de maisons démolies — pas une âme qui
vive — la ruine et la désolation. Étrange contraste
20 que cette musique étincelante et ces ruines! Mais
n'était-ce pas encore un acte de foi — une promesse?
Généralement, à une heure on fait la grande halte.
Une cuisine roulante par compagnie fait partie du
train régimentaire depuis notre départ des tranchées.
25 En arrivant, assez las en général, nous avons du café
chaud et de la soupe. Le soir on arrive au cantonne-
ment, on fait le salut au drapeau, et on s'établit chacun
dans son quartier. Villages en ruines généralement —
on ne s'y est pas battu, mais les Boches en partant
30 ont mis le feu partout.
DTN OFFICIER FRANÇAIS 107
Le lendemain matin, on repart vers huit heures.
A B.-sur-A. est une merveilleuse église gothique
très pure de style, et à peu près effondrée. les
destructeurs de cathédrale! Il me souvient du
chagrin immense que j'ai eu en apprenant Tincendie de s
Notre Dame de Reims. C'est depuis ce moment-là
que j'ai voué une haine infinie aux Allemands. Car
tuer des hommes, en somme c'est la guerre, et cela
s'explique si cela ne s'excuse pas. Mais vouloir tuer
l'âme de toute une époque, l'âme sublime et grandiose lo
de ce moyen âge qui avait mis toute' sa foi, toutes
ses aspirations, toute sa vie dans ses cathédrales!
Les Allemands sont jaloux des splendeurs de notre
pays, et eux qui n'ont pu élever leurs monu-
ments gothiques qu'à l'école de la France — car le 15
gothique est né dans l'île de France — eux qui
n'ont su que copier, ils veulent être les premiers et les
maîtres dans l'art de détruire. Et ils savent bien
que jamais les Français n'useraient de représailles et
4. de cathédrale: why not cathédrales? >r^ .
6. Notre Dame de Reims: much has been printed al^ut the
destruction of the Cathedral at Rheims.
16. De de France: "pays de Tancienne France (capitale, Paris)
constitué en province au XV® siècle, et qui est compris dans les
départements actuels de TAisne, de l'Oise, de la Seine, de Seine-
et-Oise, de Seine-et-Marne, et d'une partie de la Somme." It
lies north and east of Paris and extends to the Belgian boundary.
16. eux is repeated in the ils in the next Une. It is the disjunc-
tive form of ils.
17. copier: much has been written about the Germans'
inability to originate — except as mentioned in the next Une.
108 CARNET DE CAMPAGNE
que Nuremberg et la Wartbourg seront debout, après,
notre victoire.
9 avril. Au bord de la Meuse entre Verdun et St.-
Mihiel.
5 On vient de nous annoncer la prise des Êparges.
C'est un gros succès, et gros de conséquences, je crois.
On nous a amenés ici comme armée de renforts, pour
nous utiliser en cas de besoin. Mais nos camarades
ont pris la montagne sans nous.
10 .On se repose — on fait de vagues exercices — je
suis allé canoter un peu sur la Meuse. La nuit j'aime
aller sur la hauteur qui domine le village, où l'on voit
les projecteurs de Verdun qui fouillent le ciel.
1. Nuremberg [-riihbèïr]: "ville du royaume de Bavière.
Industrie très active: jouets d'enfants, instruments de musique,
etc." A much visited town with several churches of linterest, a
small médiéval fortress, many curious old buildings, and the
picturesque médiéval wall.
1. Wartbourg: a médiéval fortress on a hill near Eisenach in
Thiuringia. In it is the room in which Luther made his transla-
tion of the Bible. The Wartburg is the property of a petiy local
' nobleman.
3. Verdun: a strongly fortified city of northem France near
the Lorraine boundary. It is now (1918) in ruins. Its success-
ful défense by the French, Feb.-Mar., 1917, is one of the notable
military achievements of ail time. The spirit and courage of the
French in this défense was superb beyond compare.
3. St. Mihiel: perhaps twenty miles south of Verdun — both
on the Meuse River.
5. Éparges: an obscure place southeast of Verdun. It
appeared again in the despatches of Sept., 1918, as the center of
the salient taken by the Americans and French.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
110 CARNET DE CAMPAGNE
Je fais de la musique à l'église tous les jours. ' La
musique de notre régiment donne un concert tous les
jours à quatre heures.
Beaucoup de mouvement, des convois perpétuels,
£ quelques aéros boches, régulièrement chassés par
notre artillerie.
14 avril. On nous promène toujours. Nous allons
vers le sud.
Hier cérémonie splendide, la décoration de notre
10 drapeau. Notre régiment a reçu la Croix d'Honneur
pour sa conduite en Champagne. Tout le corps
d'armée fut massé dans une vaste étendue de champs
incultes. De toutes parts des capotes bleues cou-
vraient le terrain — c'est très beau.
15 Les généraux arrivèrent et passèrent sur notre
front: tous présentaient les armes. Puis les drapeaux
des régiments s'installèrent côte à côte, avec leur garde
d'honneur. Trois d'entre eux devaient être décorés
et se détachaient en avant de ce groupe splendide de
20 loques chatoyantes qui flottaient triomphalement
dans le vent. Toutes les musiques à la fois jouèrent
la Marseillaise. Je ne vis pas beaucoup de choses,
étant trop loin, mais j'ai bien vu comment le général
embrassait les drapeaux qui se penchaient vers lui, et
25 j'ai bien entendu l'immense et formidable hymne
national que lançaient vers le ciel les musiques et nos
cœurs. Alors, tout le corps d'armée, baïonnettes et
sabres au clair, défila.
16. tous (les soldats).
D'UN OFFICIEE FRANÇAIS
CARNET DE CAMPAGNE
Avec notre glorieux emblème, nous rentrâmes au
cantonnement. Le colonel nous fit défiler devant lui
encore, et il nous semblait à tous que quelque chose de
la gloire de notre drapeau rejaillissait un peu sur nous.
6 20 avril. Toujours des marches. Printemps —
repos. Vie assez uniforme. En arrivant dans un
village, après avoir logé mes troupes, je me mets en
quête de l'église, et je joue de Tharmonium. C'est
ma grande joie.
10 L'autre jour, parade d'exécution. Deux soldats du
régiment ont été traduits en conseil de guerre pour
avoir refusé d'aller aux tranchées, et s'être cachés
pendant que l'on se battait. Ils furent condamnés
aux travaux forcés.
16 Le matin donc le régiment se forma en carré: trois
bataillons formaient trois côtés, les mitrailleuses, le
corps sanitaire et la musique formaient le quatrième.
A l'arrivée des condamnés, vêtus du costume marron
des forçats, tête rasée, sans plus rien de militaire, * le
20 colonel fit mettre la baïonnette au canon et l'arme sur
l'épaule. Ils s'avancèrent au milieu du carré formé
par les troupes, encadrés de quatre soldats baïonnette
au canon. Les tambours et clairons ouvrirent le ban,
puis un sergent-major lut l'acte de condamnation.
25 Le ban fermé, ces deux honmies passèrent sur le front
10. exécution: from what follows the student can leam the
exact meaning of the word hère.
26. ban: '^Roulement de tambour et sonnerie de clairon
précédant ou suivant une proclamation aux troupes: ouvrir,
fermer le ban."
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 113
des troupes — suprême honte pour ceux qui sont
indignes de porter les armes. Puis on les remit entre
les mains des gend'armes, et chacun s'en fut chez soi.
22 avril. Arrivée au bord du canal de la Marne au
Rhin — au bord duquel, tant de fois, j'avais fait de 6
belles promenades, près de Nancy. Nous allons nous
embarquer — pour où? pour l'Alsace? pour les Dar-
danelles?
26 avril. Ni en Alsace, ni aux Dardanelles. Le
mystère était bien gardé: nous ne sûmes où nous allions lo
que quand nous fûmes arrivés. Dans la Somme, pas
loin d'Amiens.
Notre voyage a été long — partis de Bar-le-Duc à
trois heures du matin, nous avons quitté notre wagon a
onze heures du soir. Voyage plein d'émotions. Quand is
vraiment on a vu qu'on tournait le dos à l'Alsace, je
me suis mis à suivre sur ma carte les embranchements
nous conduisant vers le sud. Il y en avait deux, on
les dépassa — on s'en allait vers Paris. Nous avons
6. Nancy: a city on the Lorraine border, southeast of Verdun.
7. Alsace: a province of Gennany (1918). It lies north of
Switzerland between France and the Rhine. Its best known
city is Strasburg.
10. ne: pas may be omitted with pouvoir, savoir, cesser, and
oser. See note to page 61, Une 5.
11. Somme: a department of France in the Province of
Picardy, bordering on the English Channel.
13. voyage: perhaps 150 miles.
13. Bar-le-Duc: in eastem France, in the vicinity of Nancy
iuid Verdun.
114 CARNET DE CAMPAGNE
suivi le champ de bataille de la Marne: Sézanne,
la Ferté-Gaucher, la Fère-Champenoise, Coulommiers;
le long de la voie ferrée, des tranchées, des abris
individuels, des trous d'obus, et des tombes. Des
5 tombes partout, ou bien de grands tombeaux en masse,
ornés de fleurs, d'inscriptions pieuses et multicolores,
ou bien ce sont des tombes isolées; mais sur toutes,
les claires couleurs du drapeau tricolore flottent joyeuse-
ment. Ce sont de véritables champs de drapeaux —
10 auréole à ceux qui sont morts pour la patrie.
Rencontré un trstin blindé, manœuvré par des
fusiUers marins. Les canons ont reçu des noms de
fenmie: la Joconde, Joséphine. Les marins nous ont
fait de bons signes à notre passade.
15 Et puis, vers le crépuscule, ce fut la banlieue pari-
sienne, avec ses splendeurs adorables, son printemps
avec tous les arbres en fleurs. Et puis des maisons,
de vrçdes, grandes, belles, luxueuses; nous aviona
tant perdu l'habitude d'en voir. Et des femmes qui
20 souriaient et envoyaient des baisers aux soldats qui
s'en allaient les défendre.
Tout près de Paris on s'arrêta deux heures, si près
que, en omnibus, on aurait pu être à l'Opéra en une
demi-heure! On resta longtemps, les yeux fixés vers.
15. parisienne: this troop train was routed through Paris,
from which city railroads radiate as spokes from a hub.
23. l'Opéra (Théâtre de): ''superbe monument construit
à Paris de 1862 à 1874 par Tarchitecte français Charles Gamier.
Orné de sculptures et de peintures remarquables, cet édifice est
le plus vaste et le plus beau théâtre du monde."
D'UN OFFICIER FRANÇAIS
I
I
i
116 CARNET DE CAMPAGNE
•
la capitale — et beaucoup d'entre nous étaient tristes
d'être si près de quelques êtres chers qui ne s'en dou-
taient pas. Le clairon du départ m'arracha à mes
rêveries, et l'on se renfonça dans la nuit.
5 Â onze heures on débarqua, on marcha jusqu'à
deux heures environ, et au lever du jour nous étions
logés. Les ordres étaient arrivés: il ne fallait plus
sortir en plein jour qu'en se dissimulant le plus pos-
sible; l'ennemi devait ignorer notre présence. Un
10 service de siu^eillance très stricte fut organisé contre
les avions ennemis; des guetteurs s'installèrent sur
les hauteurs, mimis de jmnelles — à côté d'eux \m
clairon. Dès qu'im aéroplane était signalé, des coups
de clairon longs et traînants indiquaient que tous
15 devaient se cacher. Des coups de clairon brefs in-
diquaient que le danger était passé. Plusieurs alertes
des aéros boches allant jeter des bombes sur Amiens
— quelques avions français. Par mesure de pré-
caution on sonne le clairon pour toute machine volante,
îso et les coups brefs de la fin de l'alerte retentissent
quand l'observation a reconnu sur les ailes les cocardes
tricolores.
27 avril. Far niente délicieux. Je suis tel un pacha.
On ne peut faire aucun mouvement de troupes. C'est
26 donc le repos absolu, mais on ne s'ennuie pas. Mais
il va se passer quelque chose d'ici peu, c'est certain.
23. pacha: "chef militaire ou gouverneur de province en
Turquie." Hère used metaphorically for ''enthroned in idleness."
Chapitre IX
Avant la grande offensive; Artois, 1-8 mai 1915.
l*' mai. Nous voici près d'Arras, sur le point de
retourner aux tranchées.
Nous avons eu un long voyage, pour faire bien peu
de kilomètres: partis de nuit, bien entendu, et arrivés 5
de nuit à St.-Pol. Là, au sortir de la gare, nous nous
sommes trouvés devant un grand train d'autobus qui
devait nous transporter près du front. C'étaient de
grands camions de marchandises, très puissants,
aménagés avec quatre bancs chacim, où vingt hommes lo
pouvaient tenir aisément. Donc les compagnies à
la suite les unes des autres se divisèrent en groupes
de vingt soldats et Ton s'installa. Les officiers avaient
une auto assez confortable. L'embarquement ne dura
pas une demi-heure, ce fut merveilleux de célérité. i5
Puis ce train, qui transportait près de mille honmies, se
mit en route dans la nuit. Pas ime lumière, tout se
fit sans que rien transparût.
Deux heures durant, à toute allure, on fut secoué
sur les routes défoncées par les innombrables convois 20
quotidiens. La poussière nous recouvrait littérale-
ment, quand au petit-jour nous arrivâmes à Agnez-les-
1. Artois: province at the north of France, capital Arras.
2. Arras: directly north of Paris near the Belgian border.
6. St.-Pol: a city in northwestem France.
19. à toute allure: at a rapid pace,
117
118 CARNET DE CAMPAGNE
Duisans. On descendit d'autobus. Les compagnies
se reformèrent et on ''cassa la croûte" au bord de la
route, pendant que les fourriers allaient s'occuper du
cantonnement. Le nôtre fut assez vaste, et bien
5 fourni de paille; malheureusement, dans le courant de
la journée on s'aperçut que cette paille était pleine de
poux, alors on dut déménager et se loger à Tétroit.
Ici défense de sortir en groupes. Un service de sur-
veillance était organisé, comme précédemment. — Nous
10 vîmes à cette place la manœuvre d'une "saucisse,"
ballons captifs qui sont formés et lestés de façon à ne
point tourner sans cesse au gré des vents comme les
ballons sphériques.
Notre "popote" est bien installée. Mon collègue
15 R. s'occupe toujours de découvrir une installation
propice, et il a la main heureuse.
C'est demain que nous retournons aux tranchées.
Il parait qu'il y a de gros mouvements de troupes dans
la région. C'est donc ici qu'aura lieu le "grand
20 coup."
3 mai. Voilà donc reprise la vie de guerre: nous
sommes aux tranchées depuis cette nuit. Bien que
nous ayons un peu perdu l'habitude des obus et des
balles, on a fait bonne contenance quand même.
25 Mais quel changement avec la Champagne! Ici c'est
très bien, presque luxueuse. Et le secteur est calme,
calme, à peine quelques coups de canon de temps en
temps, histoire de se faire savoir qu'on est toujoiu^ là.
9. précédemment: see page 116, Unes 10-15.
DTN OFFICIER FRANÇAIS HQ
Voici la disposition de remplacement de ma com-
pagnie:
Sur les quatre sections, il y en a deux qui sont en
première ligne, deux autres dans les tranchées de
doublement. Au milieu des deux pelotons se trouve s
le capitaine, dans un abri puissamment protégé, et, à
côté, le téléphone. En avant de la tranchée sont
deux postes d'écoute où quatre hommes et un caporal
perpétuellement veillent, protégés par un filet contre
les grenades de l'ennemi. Je suis dans une des deux lo
tranchées en première ligne^ environ à 8ff^ de la
position allemande.
Cette tranchée est magnifiquement installée. Il
y a une sorte d'escalier qui sert à la fois pour s'asseoir
et pour tirer; le tireur monte sur cette marche et tire i6
à travers un créneau perfectionné, large du côté français,
très étroit du côté allemand, de façon à ce que l'on
puisse tirer conmiodément et à ce que les Boches ne
puissent pas repérer facilement le tireur. Elle est
profonde de deux mètres et demi environ, et de 20
grands et profonds abris individuels, sortes de ruches
où l'on peut tenir conmiodément, sont creusés dans
la paroi.
Il y a deux mines qui s'enfoncent vers l'ennemi. Je
me propose d'y aller. ^ 25
Mon abri — on y a accès par un boyau tire-bouchonné
—est à deux étages: la chambre, avec une grande
couchette en terre, recouverte de paille, et quelques
planches servant d'étagères. Au-dessous, à huit ou
dix mètres de profondeur, une cave contenant des aa
120 CARNET DE CAMPAGNE
cartouches et des grenades. (Il y a d'ailleurs un
dépôt de munitions près du capitaine.)
Les hommes aussi sont assez bien logés: chacun a
son trou, qu'il agrandit ou aménage selon son bon
5 plaisir. D'aillem^, en cas de gros bombardement, il
y a possibiUté de se réfugier dans les galeries des mines.
Enfin deux mitrailleuses, parfaitement abritées, gardent
sans cesse le terrain qui nous sépare des Boches.
Et puis, quel changement avec Perthes! Il y a des
10 tonneaux d'eau dans la tranchée. Des corvées quo-
tidiennes vont jusqu'au puits, pas très loin en arrière,
et sans cesse nous pouvons nous désaltérer à nos ton-
neaux. Pour les tenir au frais on les a enfouis pro-
fondément. De plus, dans la tranchée il y a un grand
16 nombre de hémisphères dont l'utilité nous a été ap-
prise par un ordre du jour. De nombreuses blessures
ayant lieu à la tête, on a décidé d'adopter un casque
pour l'armée française. En attendant, ces hémi-
sphères peuvent être placées dans le képi pour protéger
20 la tête: j'essayai, c'était bien lourd, je me promis
cependant d'en user à l'occasion. Et nos poilus
ingénieux les utilisent diversement: ils servent de
vide-poches, ils contiennent les cartouches que tout
homme doit avoir près de lui sans cesse au créneau, à
25 l'abri de la boue qui gêne et gâte le fusil. Et moi-même,
je m'en suis servi de cuvette, car j'ai volé un peu de
J'eau réservée à la boisson, pour me débarbouiller.
'• Bien que ce secteur fût calme, je n'ai pas dormi.
Les ordres étaient qu'un homme sur deux avaient le
ao droit de se reposer, la disposition des tranchées ne
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 121
permettant pas de prendre une demi-section pendant
certain temps, puis l'autre après: cela aurait demandé
des déplacements inutiles. J'ai préféré accoupler les
hommes selon le vieux principe du "camarade de
combat," et de ces deux hommes, il devait y en avoir s
toujours im à veiller. De la sorte, ils s'arrangeaient
entre eux à l'aimable, le moins fatigué veillait plus
longtemps, l'autre se reposait à loisir.
J'aime bien laisser une certaine Uberté, ime certaine
initiative à mes soldats: ils en sont très contents, et lo
le service est bien mieux fait. Durant la nuit on tire
beaucoup. Ce système gêne les travailleurs allemands,
ou lem^ patrouilles, et tient les hommes à l'abri de
l'engourdissement.
Toutes les douze heures, à onze heures et à vingt- 15
trois heures, on cesse tout bruit pendant cinq minutes,
le tir est suspendu, on a ordre de rester immobile,
l'artillerie elle-même est silencieuse, ceci de façon à
permettre aux écouteurs des mines de se rendre compte
des mouvements souterrains de l'ennemi, et aux 20
observateurs de faire les remarques plus aisément.
Je suis allé au poste d'écoute. Il est à 60°^ des
tranchées allemandes. On ne peut guère regarder que
par périscope. D'ailleurs le paysage n'est que peu
varié — comme en Champagne, des fils de fer, des 25
Ugnes grises, peu de morts entre les Hgnes, mais
l'herbe qui croît vivace et forte. Devant le poste
d'écoute se trouve une mine. Si le poste était attaqué,
il sufl^ait d'allmner im cordon bickford, et la terre
sauterait à 20™ en avant. ao
122 CARNET DE CAMPAGNE
Donc secteur parfaitement propre, confortable,
calme. On ne travaille guère que la nuit, et encore
bien peu.
A midi nous allons dans la tranchée de doublement.
5 Soir. Je suis dans cette seconde ligne — abris
profonds, bien protégés — de vraies caves pourvues
abondamment de paille. J'ai dormi un peu. Notre
dîner nous est apporté chez le capitaine. Un réchaud
nous permet d'avoir d'excellents repas. Les hommes
10 sont bien traités aussi: les commimications avec les
cuisines sont plus aisées qu'en Champagne.
On nous a téléphoné de bien veiller — que les
Allemands pourraient bien nous attaquer. Il paraît
qu'ils ont lancé aux Anglais des proclamations se
16 terminant toutes par "A quand l'attaque française?"
Ils s'attendent donc à être attaqués et peut-être vont-
ils prévenir notre offensive. Alors, en cas de besoin,
je devrais me poster en première ligne avec mes hommes.
La marche fut réglée par avance. A cinq heures il y
20 eut ime sorte de branle-bas de combat — sorte de fausse
alerte combinée. Vite les deux demi-sections se
rendirent en première ligne, se placèrent à leur poste
de combat et regagnèrent leurs abris.
Cette nuit il faudra ouvrir l'œil et l'oreille, et tous
-25 les officiers feront des rondes — pour ma part, à neuf
heures et à deux heures.
4 mai. Cette Auit, deux fausses alertes. . L'affole-
ment d'un soldat qui croit entendre des bruits suspects.
D'UN OFFICIER FEANgAIS
I
I
124 CARNET DE CAMPAGNE
qui tire frénétiquement — et voilà un vacarme infernal
qui se produit.
\ Dans mes rondes j'ai parcouru tout l'espace de la
compagnie. De temps en temps, un éclair de ma
6 lampe électrique me montrait le chemin dans les
boyaux déserts — tout le monde était à son poste —
Tennemi pouvait attaquer. A vrai dire, pas un obus
ne tomba chez nous — jamais les Boches n'avaient
été plus calmes.
10 Aujourd'hui il pleut, et je vois avec gros ennui que
la terre d'Artois se détrempe facilement aussi. N'ayant
rien à faire, j'ai demandé à l'officier du génie de m'auto-
riser à descendre dans la mine. Il me le permit avec
empressement. Je suis donc avec lui descendu dans
15 la galerie, parfaitement étabUe, soutenue avec de
grosses planches, car la terre friable pourrait obstruer
ce peu large espace. On est obHgé de ramper, et j'ai
rampé très longtemps pour arriver enfin à l'extrémité.
C'était le poste d'écoute. Deux hommes veillaient
20 là, l'oreille contre la paroi, éclairés par une bougie
jaunâtre. Nous étions sous la tranchée allemande.
En écoutant bien j'entendis des bruits de voix, rumeur
assourdie, mais je ne pus distinguer de son précis.
J'aurais été heureux de comprendre ce que disaient
26 ceux qui, dans peu de jours, allaient sauter. Car
cette extrémité de la mine était plus vaste, on la
chargerait de cheddite, et à l'heure voulue, une étincelle
électrique enverrait la tranchée et ses habitants
exécuter ime voltige dans les airs. Malgré tout, on
30 ne se sent pas extrêmement à l'aise sous cette terre;
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 125
Tair y est assez étouffant, et je fus heureux, après
avoir rampé longtemps encore, de mê retrouver dans
le plein air.
Autre chose — on redoute les gaz asphyxiants
boches. On nous a distribué des masques horribles — s
des lunettes, ime espèce de hure ou de groin de porc
en caoutchouc contenant une solution ammoniacale.
On a l'air d'animaux farouches, et dès que j'ai reçu le
mien, pour amuser mes poilus, je m'en suis serti. Ils
ont failli mourir de rire. lo
Mais la vie en général est calme, trop calme. Je
lis Anna Karénine que j'ai reçue cette nuit dans un
colis, et je fume de multiples pipes. Les hommes
font des bagues en aluminimn — dès qu'un obus
arrive, les voilà en quête de la fusée qu'ils ouvragent 15
de façon assez artistique. Plusieurs de mes soldats
m'en ont donné. Car mes relations avec mes poilus
sont toujours très cordiales. Souventefois j'ai, avec
un peu d'argent pris sur ma solde, acheté pour eux du
vin ou im dessert supplémentaire. Et puis ils ont 20
leurs lettres les premiers de tous. Elles arrivent vers
minuit, avec la corvée d'ordinaire. Je suis toujours
là et je prends avec ma correspondance celle de mes
hommes. C'est im des grands bonheurs de la journée
— alors pourquoi le leur différer? Il est vrai que 25
c'est à cause du plaisir personnel que j'éprouve, que
je tiens à le leur faire partager. Et même ceux qui
n'ont pas de lumière, je les autorise à venir dans ma
12. Anna Karknine: Anna Karenina, a story by Tolstoy
(1877).
126 CARNET DE CAMPAGNE
"guitoune" toujours éclairée. Et aussi ces braves
gens ne reçoivent pas un colis sans m'en faire part.
Il faut que je goûte à ce qu'ils reçoivent — bonbons,
gâteries, cigarettes. Mais je sais le leur rendre.
6 J'ai, je crois, mes hommes bien en main. J'en
pourrai faire quelque chose de bien au moment voulu.
6 mai. Â midi, retour aux premières lignes. La
journée dès lors fut bien plus agitée.
On a décidé, pour les offensives futures, de dénoter
10 ks sections d'attaque d'un fanion rouge et blanc qui
servirait à faire des signaux à l'artillerie et marquerait
toujoiu*s les premières lignes françaises au cours des
avances, pour que lAartillerie ne risque pas d'arroser
i^ compatriotes. Jiujourd'hui on a téléphoné l'ordre
ïé de hisser ces fanions à nos premières lignes, pour que
notre artillerie, nouvellement arrivée comme nous,
puisse repérer parfaitement les positions ennemies.
A deux heures donc on plaça ces fanions. L'étonne-
ment des Boches se manifesta aussitôt par des rafales
20 de coups de fusil qui firent de ces étoffes vulgaires des
trophées glorieux. Mais c'est notre artillerie qui s'en
donna à cœur joie dès lors. Nous avions mission
d'observer le tir et d'indiquer téléphoniquement les
rectifications. Un à un, avec une précision mathé-
25 matique, les obus de. gros calibre s'abattirent sur les
positions allemandes. On réglait le tir par la méthode
de la fourchette — un obus devant, un obus derrière,
et le troisième coup tapait juste. Il devait y avoir
21. s'en donna à cœur joie: tumed loose.
DTJN OinCIER FRANCAK
128 CARNET DE CAMPAGNE
un nombre formidable de batteries, car trois heures
durant, sans discontinuer, les obus tombèrent, tombè-
rent sans trêve sur la tranchée boche.
Cependant les amis d'en face manifestèrent leur
5 mauvaise hmneur, bien compréhensible, par quelques
rafales, de petits 77 anodins qui firent grand plaisir
aux fabriquants de bagues. On les entendait venir
très distinctement: d'abord les six coups de la batterie,
puis un siflOiement, enfin les détonations, assez peu
10 effrayantes. J'étais au milieu de ma tranchée, armé
d'un périscope. Quelques obus ne tombèrent pas loin.
Un autre stupide obus s'amusa à obstruer le boyau qui
conduisit à ma "guitoune." Des sacs de sable furent
renversés et il fallut plus d'une demi-heure de travail
15 pour que je pusse rentrer chez moi. Mes affaires
n'avaient en rien souffert. Cependant, à un certain
moment, les obus â culot bleu plurent très dru; deux
ou trois sur le parapet de la tranchée firent voler en
éclats quelques créneaux. Des mitrailleurs qui jouaient
20 aux cartes près de leur pièce, fermaient leur abri par
une toile de tente. C'est une chose que j'ai observée
souvent et qui montre que l'honmie est quelquefois
un peu autruche. Il semble qu'on soit en sûreté
derrière l'abri le plus minime qui nous empêche de
25 voir le danger — une haie, un talus de planches, une
toile de tente vous donnent l'illusion de la sécurité
absolue. Le raisonnement s'indigne, mais en vain,
car allez donc raisonner avec des impressions tout
animales!
6. de petits (obus) 77.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 129
Et donc le secteur, qui semblait dormir lors de notre
arrivée, s'est joliment bien réveillé. Tout laisse
présumer une offensive. J'espère bien que nous
serons de la partie.
6 mai. Nuit calme — les Boches ont semblé inexis- 5
tants, notre artillerie s'est tue. Moi, j'ai veillé quand
même. La responsabilité est trop grande et m'empêche .
de dormir.
Il pleut bêtement. Il y a de l'eau au fond de la
tranchée, et c'est un bain de pieds peu drôle quand on 10
se déplace.
Malgré tout, les avions montrent une grande activité
— depuis ce matin nous avons eu la joie d'admirer plu-
sieurs reconnaissances; les aéroplanes furent bien
bombardés, mais en vain. 15
Leurs vols ont dû être efficaces, car à peine étaient-ils
rentrés que notre artillerie s'est mise à cracher terrible-
ment sur les tranchées allemandes. Pas de rafales,
mais im tir lent, continu, méthodique, et qui devait
faire bien du mal. De la seconde ligne partaient 20
deux de ces obus à ailettes, "choux-fleurs," dont nous
avons fait connaissance en Champagne. On les
voit bondir, pas très haut, puis hésiter et fondre enfin
sur les Boches. Un bruit sourd qui fait trembler
jusqu'à notre tranchée, et une trombe de fumée noire 25
s'élève et flotte quelque temps. Ces engins-là font
du bon travail, paraît-il. ï)u reste, dans les secteurs
où j'ai été, la supériorité de notre artillerie s'affirme
de jour en jour.
130 CARNET DE CAMPAGNE
Après dîner on nous a téléphoné: "Quels sont les
points que les chefs des différentes sections désireraient
voir particulièrement battus par l'artillerie en cas
d'attaque?"
5 Je demandai la collaboration de tous mes hommes.
Je leur fis expliquer par leurs caporaux à quelles signes
on peut reconnaître les emplacements des mitrailleuses.
. Moi-même, je m'armai de ma jumelle et à travers les
créneaux j'observai très longuement tous les points de
10 la tranchée allemande. J'allai au poste d'écoute et à
l'aide d'im périscope très perfectionné, permettant de
voir par-dessus la tranchée et grossissant l'image, je
sondai la position boche. Au bout de plus d'une
heure de travail, utilisant les observations de mes
15 hommes, je pus établir à peu près indiscutablement la
position de quatre mitrailleuses; mieux protégées,
créneaux plus larges, sacs de sable en plus grande
quantité et disposés avec plus de soin. J'indiquai
sur le plan des tranchées qui nous avait été com-
20 muniqué l'emplacement exact des points à battre, et
le document, suivant les voies hiérarchiques, parvint à
l'artillerie.
Puis on s'amusa un peu. La pluie ayant cessé,
j'allai trouver deux de mes meilleurs tireurs et leur '
25 proposai un concours. Car c'est très amusant de
faire ainsi un match de tir. L'objectif est un créneau
boche, c'est-à-dire une grande plaque de métal blindé.
Si la balle touche, on entend un son métallique et le
bourdonnement du ricochet. J'ai fait un bon tir,
30 mais je n'ai placé que neuf balles sur dix, tandis que
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 131
j'ai été vaincu par P., lequel les a toutes mises. Il a
eu pour prix un paquet de cigarettes.
Tout le monde est de bonne humeur aujourd'hui.
Les conversations vont leur train. Quelques poilus
jouent aux dames, aux cartes. Un autre, tout heureux 6
d'avoir reçu un accordéon, joue des rengaines populaires
que tout le monde reprend en chœur. C'est très gai,
vraiment.
Ce soir nous allons en seconde ligne dans les abris
blindés; trois compagnies sur les quatre de notre lo
bataillon sont aux tranchées de combat, une est en
réserve. Et c'est à nous d'y aller maintenant.
7 mai. Nous sommes dans de merveilleux abris où
nous bravons tous les "marmitages" — même les 420.
Derrière la tranchée de seconde ligne sont enfouis des is
galeries-abris où l'on accède par de grands escaliers.
Ils sont entourés d'une sorte de fosse qui sert de cour
et sur lequel donnent les entrées; ce sont quatre vastes
tunnels creusés à quinze mètres sous terre, larges,
confortables, étayés de gros madriers et tapissés de 20
planches par le génie, longs de trente mètres, larges et
hauts de trois. De la paille, des sacs pour oreillers,
éclairage avec des bougies. On y est tranquille à
tous les points de vue. Dans la cour, du matériel, des
grenades, des fils de fer, des obus de tranchée et des 25
tonneaux d'eau. Nous les officiers, nous avons une
' cave spéciale, deux compartiments, une salle et une
chambre. La salle est meublée d'une immense
14. 420: see note to page 31, Une 13.
132 CARNET DE CAMPAGNE
cheminée, d'une vaste table et de quelques tabourets.
Quelques dessins de la "Vie Parisienne" au mur, une
superbe lampe. La chambre est plus fruste: un espace
couvert de paille épaisse où l'on dormira bien.
5 La journée s'est passée en corvée, on a porté aux
premières Ugnes beaucoup de grenades, des fils de fer,
et des échelles en bois bleu, à quatre échelons. Cela
sent l'attaque très sérieusement.
J'ai parcouru le secteur entier et j'ai acquis une idée
10 bien précise de ce qu'est une position défensive.
Je me suis amusé à manœuvrer un petit canon de
37°"" en seconde ligne. Un obus minuscule, mais très
méchant, paraît-il, avec une très johe douille en cuivre
dont j'ai envoyé deux à la marraine.
15 L'artillerie française tape toujours très dur; la boche
bombarde aussi nos lignes, mais nous nous moquons de
leur 225 dans nos forteresses.
Soir. Ça y est — la grande offensive va être enfin
déclanchée sur une vaste envergure. Dans toutes les
20 Flandres on va tenter de percer le front boche. On va
tenter de sortir de ces tranchées maudites, pour se
battre superbement, face à face. Alors nous serons
vainqueurs.
Vers cinq heures donc, comme nous allions nous
25 mettre à table, j'ai été appelé chez le conmiandant
avec les autres officiers. Là les ordres nous furent
transmis. Le lendemain 8 mai, nous devions, à une
heure non encore fixée, attaquer de concert avec tous
les réghnents des neuf corps d'armée massés dans la
y
D'UN OFFICIEB FRANÇAIS
CopvrieU InUrnatùmal FUm Senice
Nous LE9 0PFICIER8, Nou3 Avom Unb CJlVE Spéciai£
134 CARNET DE CAMPAGNE
région. Il fallait aller de l'avant, sauter par-dessus
les tranchées boches que Tartillerie aurait auparavant
bouleversées, et ne s'arrêter qu'au ravin que l'on aperce-
vrait à la jumelle, à 800™ des premières lignes. On
5 consulta les cartes, chacun s'assura de son but exact.
Ma compagnie devait marcher en tête tout entière
déployée et amorcer le mouvement. Le conmiandant
alors nous serra la main à tous et nous dit qu'il
comptait que chacun ferait son devoir.
10 Je retournai auprès de mes soldats assurer les
préparatifs. Chaque homme devait avoir deux cents
cartouches, six grenades et trois jours de vivres, et
devait placer sa couverture en sautoir.
Je m'assurai de toutes choses et dis à mes poilus
16 combien je comptais sur leur courage. Je leur dis
que la préparation d'artillerie serait formidable, que
nous trouverions le chemin tout frayé devant nous et
que puisque nous avions l'honneur de marcher les
premiers, nous saurions nous en montrer dignes, et
20 donner l'exemple. Et alors tous spontanément nous
chantâmes la Marseillaise, unis tous devant le danger
et devant le devoir.
Puis chacun fit ses préparatifs. Mais pendant que
je consultais le plan des positions allemandes avec
25 mes collègues, l'homme de liaison arriva et annonça
que tous les ordres étaient annulés.
Sentiment de malaise et dissatisfaction. On s'était
fait à l'idée de la grande attaque et tout le monde
souhaitait que ce fût le plus tôt possible. Malgré
ao tout, chacun pensait im peu comme ce mauvais
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 136
plaisant qui disait: ** C'est bien, ça nous fait un jour
de plus à vivre."
On compte bien en sortir. J'en ^uis sûr pour ma
part, mais il y a quand même un sentiment d'angoisse
devant le danger. Nous avons entamé un beau poker, s
J'ai perdu. J'aurai de la chance donc.
Je suis las. Mes collègues dorment depuis long-
temps. Je vais les imiter. Sourdement, lourdement
gronde notre lourde artillerie.
8 mai. C'est pour cette nuit, nous devons aller lo
prendre position en première ligne à deux heures
du matin. L'heure de l'attaque n'est pas encore fixée.
J'ai écrit beaucoup de lettres. Jusqu'à ce jour les
attaques que j'ai faites étaient improvisées ou presque;
celle-ci est prévue, discutée d'avance, et elle est pleine is
de gros espoirs, mais d'un peu d'émotion. J'ai été
peut-être ému dans certaines lettres. Maintenant les
adieux sont faits. Je n'ai pas voulu dire à maman.
Je lui ai dit que l'on annonçait de nouveaux mouve-
ments de troupes, qu'elle ne s'inquiète pas si elle ne 20
reçoit rien de quelque temps. Mais j'ai dit la vérité
à ma fidèle marraine et à mon vieil ami.
Maintenant mes adieux sont faits. Je ne suis plus
qu'un soldat, et un soldat enthousiaste de son rôle et
de sa mission, plein de foi dans la victoire. Et si je 25
meurs, si ces lignes sont les dernières que j'écris, je
veux qu'elles soient VIVE — VIVE LA FRANCE!
Dix heures du soir, 8 mai 1915,
Chapitbe X
L'attaque; la blessure.
9 juin. Dans le calme silencieux d'une petite
chambre d'hôpital, près d'une fenêtre où les aubépines
blanches et roses font un rideau parfumé et si pacifique,
5 je vais évoquer le cauchemar d'il y a un mois et
terminer le journal de ma première campagne.
En relisant les pages précédentes, l'enthousiasme que
j'avais renaît en moi et les souffrances de ma blessure
ne sauraient en effacer l'intensité. Mais par contre,
10 l'horreur des heures terribles de ce 9 mai a été atténuée
par l'atmosphère douce et apaisante et souriante de
cet hôpital tout blanc. — Le récit que je vais faire sera
pourtant historique.
Donc dans cette veillée des armes, j'ai pu dormir de
16 bon cœur. — Nous ne devions partir pour les pre-
mières lignes qu'à trois heures du matin. Mais dès
minuit nous étions éveillés par la sourde rumeur du
bombardement qui commençait. Dès lors on fut sur
pied, et bien avant l'heure tout le monde était prêt.
20 L'ordre de se mettre en route arriva enfin; et lentement,
un par un, sans être inquiétés, avec au-dessus de nos
têtes le siflBement de nos gros obus qui nous précédaient
là-bas chez les Boches, nous suivîmes les boyaux
nocturnes et arrivâmes en première ligne. Là chacun
25 s'installa pour passer le plus commodément possible
les longues heures de l'attente.
136
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 137
Le jour peu à peu se leva, éclairant à travers nos
créneaux la ligne grise des tranchées que nous devions
prendre, et de nombreux volcans que nos obus y
faisaient brusquement surgir. Régulièrement, presque
mathématiquement, nos lourdes ** marmites" s'abat- 5
talent sur les ennemis, démolissant leurs abris, dé-
chiquetant leurs réseaux de fils de fer et fracassant
leurs tranchées.
Entre-temps le café arriva, mêlé d'un peu d'eau-de-
vie, et il fut le bienvenu dans la fraîcheur de cette 10
aurore.
J'allai auprès de chacun de mes honmies et m'assurai
de leur moral. Je les connaissais bien, mes soldats.
Je savais un peu leur vie et leurs secrets, et à ce moment
je parlai à chacun de ce qui lui devait tenir à cœur. 15
Je devinais leurs pensées présentes, et je tâchai de
leur communiquer toute la confiance que j'avais, et à
force de clamer que j'étais plein de confiance et de
joie, je finis par le devenir tout à fait, et l'émotion qui,
dans le fond de mon cœur, mettait une nuance de 20
tristesse, se dissipa bien vite.
Cependant le bombardement continuait toujours et
son intensité croissait; il était sept heures à ce moment.
Quelques officiers d'artillerie vinrent dans ma tranchée
pour régler le tir d'efficacité qui doit triompher de 25
tous les obstacles extérieurs — fils de fer, chevaux de
frise, etc. — et niveler les tranchées adverses. Le
poste d'écoute était loin du téléphone, et les soldats
un à un répétaient jusqu'au téléphone les indications
ou rectifications que donnaient les officiers. Au bout 9o
138 CARNET DE CAMPAGNE
de peu de temps tout était réglé et la tempête com-
mença.
Il est impossible de se faire une idée de l'efifroyable
vacarme que représente un tir d'eflBicacité; les canons
5 de tous les calibres, depuis de canon-révolver jusqu'aux
plus grosses pièces, crachent leurs obus avec leur maxi-
mvun de rapidité, et les obus tombent aussi vite que
les roulements d'un tambour, aussi vite que la pluie
dans une averse.
10 C'est au milieu de cette tempête qu'arriva le général
de brigade. Il me dit quelques mots, je l'assurai
que j'étais sûr de ines soldats autant que de moi-même.
Il parut satisfait; il me donna l'heure de l'assaut, dix
heures.
16 Dix heures! chacun regarde à sa montre: il est neuf
heures — dans une heure alors — et un certain malaise
passa, vite dissipé. Mais les dernières minutes sont
grosses d'émotions: on regarde la photo des êtres que
l'on aime, on relit une dernière lettre de la maman ou
20 de la fiancée. Un de mes soldats lit sa messe dans
son abri — car c'est dimanche.
Dix heures moins cinq. Je m'installe près de mon
échelle. Dans ces derniers instants les pensées vont
vite, et dansent une ronde effrénée. Cette échelle
25 représente un peu le destin pour nous: dans la tranchée,
c'est la sécurité relative — que va-t-il advenir de nous,
là-haut, au sommet de cet échelon? Mais personne
ne songe à hésiter: il semble qu'on va être happé par
une force inconnue et sublime.
30 Je prends mon revolver à la main et quelques
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 139
grenades. Dix heures moins une: à ce moment une
détonation sourde qui nous fait tous trembler sur nos
pieds — la terre est secouée — ce sont nos mines qui
éclatent. C'est le moment: "Attention, eriai-je. En
avant, mes petits, et Vive la France." 5
Et criant, hurlant plutôt ce salut à la patrie répété
par toutes les bouches, je m'élançai sur l'échelle,
suivi de tous mes soldats.
Dès lors je fus emporté par la grande ivresse de
l'action. Au milieu des balles qui cinglaient je courais, 10
gesticulant et criant. Je ne voyais pas, je sentais
plutôt mes hommes tout près de moi, courant à ma
hauteur, et fascinés comme moi par la griserie de
l'assaut. Devant la première tranchée allemande on
lança quelques grenades — mais rien n'y vivait plus: 16
confusément, dans mon élan, je vis un amas de décom-
bres et de cadavres; le bombardement avait presque
nivelé la tranchée. De l'avant, toujours de l'avant on
courait à perdre haleine, emporté par le tourbillon de
courir, et de coiuir à la victoire — de courir sur ces ter- 20
rains que l'on avait la joie in^e de rendre à la France.
J'allais, inconscient de ceux qui tombaient, tout à la
joie de l'action^ — dans un moment d'où l'intelligence
semblait bannie.
Cependant, dès la deuxième tranchée, je m'aperçus 25
combien nos rangs étaient éclaircis, et nous nous
précipitâmes dans la troisième tranchée allemande.
Là, corps à corps furieux. Je déchargeai mon revolver,
presque par un mouvement réflexe, sur un officier qui
18. hauteur: applies to distance hère and page 140, Une 1.
140 CARNET DE CAMPAGNE
me visait. A ce moment arrivait à notre hauteur la
deuxième vague d'assaut, et je décidai vite de nous
fondre en elle et de continuer à aller de Pavant. J'étais
tout suant et sanglant — du sang du Boche que j'avais
6 tué — mais plein d'une ardeur folle. Et je me pré-
cipitai vers la quatrième tranchée boche, la dernière
à prendre avant d'arriver au but. J'étais hypnotisé
par cette tranchée qui semblait accourir au-devant de
nous. Je la voulais, je la possédais d'avance — et
10 j'arrivais tout haletant sur les Boches que je voyais
à mi-corps dans le3 brèches que notre artillerie avait
ouvertes dans leur tranchée.
Brusquement je fus par terre, seul — avec audessus
de la tête des siflBements de balles précipités — et tout
15 près, le ronflement significatif d'une mitrailleuse.
Un peu hébété d'abord, je me soulevai et je sentis
que mon bras droit se mouvait de façon étrange et
douloureuse — ma capote était pleine de sang — mon
bras pendait inerte. Je me tâtai, j'essayai de com-
20 prendre — blessé, oui, mais les autres? Je soulevai la
tête, une balle frappa la Ijerre tout près. Je retombai,
mais j'avais eu le temps de voir: personne devant moi,
derrière moi personne, autour de moi, des cadavres.
J'étais seul, et à dix pas de la tranchée boche. Je
26 voyais mouvoir quelques ennemis. Je dénouai mon
revolver qui pendait à mon bras inerte. Mais à quoi
bon viser? De la main gauche je manquerais et je
me ferais achever.
11. à mi-corps: visible ordy from the waist up, They were
standing in shallow trenches.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 141
Avancer était impossible — reculer également im-
possible. Je savais trop que les Boches ont coutume
de tirer sur les blessés, et d'ailleurs la tranchée fran-
çaise était trop loin. Le moindre mouvement serait
ma mort. 5
Formidable, le croisement des balles sur ma tête
bourdonnait sans cesse. Il me semblait que vraiment
je ne pourrais pas m'échapper de là, et passif, résigné,
je m'aplatis contre le sol le plus possible, et demeurai
immobile. 10
Mais cela ne pouvait durer longtemps. Si je ne
m'abritais pas, une de ces balles m'atteindrait. Près
de moi, à quelques mètres, une surélévation de terrain
indiquait une cavité possible. Avec grandes pré-
cautions, sans mouvements apparents, je m'y traînai, is
— joie, c'était un gros entonnoir d'une mine alle-
mande qui abritait une dizaine de blessés. Un effort
encore et j'allais me trouver parmi eux, j'allais me
trouver à l'abri. La cavité était très profonde, cinq ou
six mètres peut-être, et assez évasée — quelques morts 20
prostrés contre les parois, pauvres hommes atteints
au moment où, conmie moi, ils voyaient le salut dans
ce trou.
Je reconnus trois de mes soldats. L'un blessé à
la cuisse faisait son pansement à l'aide d'un de ses 25
camarades. Quand ce fut fini, il coupa, pieusement,
plein de précautions, la manche de ma capote, puis
celle de ma vareuse, puis ma chemise, et versa sur la
plaie — le coude était traversé de part en part — un
peu de teinture d'iode. Puis il m'entoura la blessure ao
142 CARNET DE CAMPAGNE
du paquet de pansement que tout soldat doit avoir
toujours sur lui, et me fit une écharpe avec un morceau
de toile de tente. Le capitaine de la compagnie qui
marchait derrière nous était là, tout près, Tair accablé,
6 rageant comme nous tous d'être dans cette situation
stupide et terrible.
Au-dessus de nous les deux partis échangeaient des
volées de balles — les mitrailleuses crépitaient sans cesse,
et par-dessus de nos têtes nous avions le sifflement aigu
10 des balles, cinglantes, ou bien semblables au bruit de
la soie qu'on froisse. Je compris alors que notre élan
avait été arrêté après la troisième tranchée — mes
hommes alors, mes poilus que j'aimais tant — tués?
Notre situation à nous était assez critique. Le
15 ronflement des mitrailleuses nous empêchait de sortir.
Et notre vie dépendait bien de peu de chose; en effet,
si les Boches attaquaient, ils ne manqueraient pas, au
passage, de nous achever à coups de grenades. Si
les Français continuaient leur offensive, ils devraient
20 bombarder à nouveau, et nous serions certainement
atteints par nos propres obus. Quant à nous rendre
aux Boches, pourtant si près — tout le monde aurait
préféré mourir de faim dans ce trou. Ces réflexions,
et la souffrance de ma blessure qui commençait de me
25 cuire sérieusement, m'abattirent un instant. Et même
je crois que j'aurais perdu connaissance si un peu
d'alcool de menthe que j'avais heureusement dans
ma musette ne m'eût réconforté.
Il y eut un peu de calme, mais quelque envie qu'on
30 en eût, l'on ne put songer à sortir de notre abri. Le
D'UN OFFICIER FRANÇAIS I43
temps se traîna très longuement; vers midi brusque-
ment une fusillade éclata tout près, chez les Boches.
Une lueur d'espoir ^- les Français continueraient-ils leur
attaque? Un homme soudainement vint s'abattre
et trébucha dans notre trou — c'était un de mes 6
soldats à moi. Il était sans armes. Quand il me vit,
il courut vers moi, pleurant et riant. Je lui demandai
d'où il venait et pourquoi il n'avait plus ni son fusil,
ni sa baïonnette, ni ses grenades — ni rien. Il me
conta d'une voix égarée un nouveau trait de la barbarie 10
des Allemands. Mes soldats, après que ma blessure
m'eût jeté à terre, continuèrent leur élan et se pré-
cipitèrent dans la tranchée boche. Mais lem*s rangs
avaient fondu, dans leur course, ils étaient trop peu
nombreux et furent tués ou désarmés. Après quel- 15
ques instants, les Boches qui leur avaient pris leur
équipement leur dirent: *'Nous n'avons pas besoin de
vous — allez-vous-en." Stupéfaction. Ils reçurent
à nouveau l'ordre de partir et prirent leur élan vers la
nouvelle position française. C'est alors que les brutes 20
aussitôt se mirent à leur tirer par derrière, et les démo-
lirent sûrement tous. Ce soldat ne devait son salut
qu'à notre entonnoir qu'il avait trouvé providentielle-
ment sous ses pas.
Devant cet odieux assassinat de mes soldats, j'ai 25
crié de rage, et mon désespoir fut immense, de la perte
de mes honmies, et du sentiment de mon impuissance
à les venger.
Et cette douleur morale s'augmenta encore de la
douleur de ma blessure. Le soleil très chaud tombait 30
144 CARNET DE CAMPAGNE
perpendiculairement sur nous et cuisait nos plaies.
Je souffrais beaucoup. Quelques grenades tombèrent
alors. On se faisait petit, on n'avait pas peur, mais
le cœur était gonflé. Et ce furent ensuite les 75 et
5 les 105 français qui se mirent à éclater sur la tranchée
allemande. On voyait les fusants éclater dans l'air
et de gros panaches noirs tourbillonner. C'était tout
près, tout près de nous. Un 75 explosa juste au-dessus
de nos têtes, et des éclats malmenèrent le cadavre d'un
10 petit soldat tout à côté de moi. Nous commencions
à être inquiets, car c'est terrible que d'être sous le
feu de ses propres canons, et puis il n'y avait aucun
moyen de nous défendre. Un autre obus tua le pauvre
soldat qui avait échappé au massacre. Nous étions
15 bien conscients de l'horreur de notre situation. Un
autre éclat coupa net le pied d'un sergent, et je lui
versai, malgré ses cris, un flacon d'iode sur sa plaie.
A ce moment, vraiment, et pour la première fois,
j'ai eu le désespoir de jamais m'en tirer. Nous avions
20 tous fait plus ou moins le sacrifice de notre vie, et
attendions immobiles, résignés, tremblants. Pourtant,
j'eus une idée — au fond de l'entonnoir il y avait de
gros madriers qui avaient servi à étayer la chambre
d'explosion de la mine. Avec grand'peine on les
26 plaça l'un à côté de l'autre appuyés contre une paroi
de l'entonnoir, et ils firent ainsi un abri sous lequel
on s'entassa. Les membres blessés se heurtaient les
uns contre les autres, et les visages marquaient les
transes et la douleur. A plusieurs reprises, un choc
4. les 76 et les 106: see note to page 31, Une 13.
DTN OFFICIER FRANÇAIS 145
'brutal secouait les planches qui nous abritaient, mais
nos blessures en souffrirent seules, et nous n'eûmes
plus d'autre mal. Cela dura longtemps.
 la fin, le capitaine, le seul non blessé, déclara qu'il
allait partir pour la tranchée française et ferait cesser 5
ce tir. Malgré nos protestations — car il courait à
la mort, pensions-nous — il s'entêta, et seul, il s'en
alla sous le bombardement.
Longtemps, longtemps après, le bombardement cessa
de ce côté. Le capitaine serait^il donc parvenu dans 10
notre tranchée? Alors l'espoir nous ranima tous, et
déjà nous voulions tous quitter ce trou infernal —
mais les mitrailleuses allemandes se remirent à tirer.
Nous devions attendre la nuit.
Le fracas des batailles, au loin — à notre gauche, 15
un effroyable bombardement. C'était là-bas peut-être
que se ferait la contre-attaque si redoutée?
Le soleil déclina. Le bombardement s'étant apaisé, ,
nous étions sortis de dessous nos planches, et étions
étendus sur les parois toutes labourées d'éclats d'obus 20
de l'entonnoir. Les blessés se plaignaient, ou râlaient.
J'étais à bout de forces, et je ne sais trop conmient,
je m'endormis.
Je m'éveillai. Il faisait déj/t sombre. L'instant
du départ, de la délivrance, était proche. Mais dès 26
que la nuit fut tombée, les fusées éclairantes jaillirent
des tranchées boches et la fusillade crépita. Quelques
blessés comme nous s'étaient peut-être trop hâtés de
r^agner nos lignes, et les Allemands n'ont pas d'huma-
nité pour les blessés. Notre espoir s'atténua et l'on se ao
146 CARNET DE CAMPAGNE
demandait avec angoisse s'il nous serait possible de
nous sauver. Nous pensions avec horreur que nous
serions obligés peut-être de passer dans ce trou une
autre journée semblable. Oh, mieux vaudrait moiuir
6 tout de suite, mourir en pleine espérance, en plein
effort pour le retour. Mais on prit patience encore.
Le moins blessé, vers neuf heures, décida de partir.
Il demanderait en arrivant s'il serait possible de
creuser un boyau jusqu'à nous, qui nous permettrait
10 de retourner sans dommage. Un signal fut convenu,
qui serait donné par les mitrailleuses. D'abord
deux fois quatre coups secs pour établir la com-
munication; puis trois fois trois coups très lents
indiqueraient que nous devions attendre qu'on vienne
16 nous chercher; trois fois trois coups très rapides,
au contraire, que nous devrions rentrer par nos
propres moyens.
Une demi-heure ou plus s'écoula. La nuit était
trouée des claquements des mitrailleuses et sillonnée
20 de fusées éclairantes. Nous craignîmes pour notre
camarade. A la fin retentit le signal, reconnaissable
au milieu du vacarme par la régularité des coups.
Revenez, revenez, disait la mitrailleuse. Il ne fallait
plus compter que sur, nous, et ramper vers la tranchée
25 française. Un à un, à de longs intervalles, nous
partîmes.
Les canons allemands tiraient assez violemment sur
nos positions. Nous ne nous en étions pas rendus
compte dans la journée, hypnotisés par nos souffrances.
29. compte: se rendre compte de, to realize.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 147
C'était presque fou de vouloir marcher sous le bom-
bardement, mais nous étions fous, véritablement.
Une seule idée iSxe, rentrer — rentrer absolument ou
mourir. Et pour moi je ne me rendis pas très bien
compte de ce que je faisais. 6
Je ne pouvais ramper sur le ventre — je dus ramper
sur le dos, et avancer à reculons, vers la tranchée
française que les fusées éclairantes me montraient
comme la terre promise à quelques cents mètres au
delà. Je m'arc-boutais par les pieds — me traînais lo
conune je pouvais. A peine une fusée éclairante
jaillissait-elle, je restais immobile, faisant le mort
parmi les morts. Et dans ces secondes d'immobilité
j'entendais les battements de mon cœur et une rumeur
vague, lugubre, horrible, faite des gémissements et is
des cris noyés les uns dans les autres — des blessés
appelant au secours. Je passai près d'un soldat qui
râlait faiblement. Je le reconnus et je voulus le
traîner avec moi. Avec grand'peine je lui fis faire
quelques mètres, mais je m'aperçus bientôt que je 20
traînais un cadavre. Cela dura effroyablement long-
temps, ce calvaire douloureux.
Je continuai mon chemin saccadé, chaotique —
roulant dans des trous d'obus, bousculant des morts.
Mais je n'avais que l'idée fixe vers quoi tout mon être 26
était tendu: rentrer — arriver à cette tranchée qui
était plus proche maintenant. Je parlais à haute
voix, pour peupler de mots cette solitude peuplée
de morts; sans me rendre compte, je dus
discourir beaucoup, mais je me surpris à réciter, qui 3o
148 CARNET DE CAMPAGNE
sait pourquoi, un vieux souvenir classique — du
Virgile:
Est in conspectu Tenedos, notissima fama
Insula, dives opum —
5 Est-ce qu'inconsciemment je saluais la tranchée
française, certainement "dives opum'' poiu: moi, et
qui était "in conspectu"? Sait-on jamais! Tou-
jours est-il que les obus boches tombaient, en éclairs
subits, assez nombreux. Je fus couvert de terre
10 plusieurs fois, une fois assez vigoureusement malmené.
Mais il était écrit que j'échapperais à tous ces dangers.
Notre tranchée était tout près. Je criai de toutes
mes forces: "France! France ... ce ... je suis le
lieutenant de la onzième compagnie. ..." J'en-
15 tendis des voix qui me semblaient lointaines et qui
disaient: "Par ici, par ici.". Je me guidai d'après ces
voix. J'étais épuisé — je m'empêtrai dans des fils de
fer. Mon bras me faisait mal à crier. Un obus qui
éclata tout près de moi m'assourdit et m'étourdit.
20 Je me sentis saisir, traîner. Je tombai dans la tranchée
chez nous — et je m'évanouis.
2. Virgile: Roman epic poet (71-19 b.c.). The quotation is
from the second Book or Canto of Virgil's Aeneid, Unes 21-22.
The meaning is "Tenedos is in sight, an îsland much renowned
and abounding in wealth.''
6. **6iYeaop\im.":ab(mndingin%DeaUh,
7. "in conspectu": in «i(7^.
Chapitre XI
L'évacuation; le train sanitaire; Thôpital.
Je m'éveillai dans un abri. Un ofBicier mitrailleur
m'avait donné Thospitalité. Il me tendit un peu
d'alcool, qui me réconforta. Il ne voulut pas me
laisser sortir, car la tranchée était soiunise à un bom- 5
bardement violent. Les Boches allaient attaquer,
pensait-il. Je lui dis que je voulais dormir, mais
j'exigeai sa promesse de me faire éveiller au moment
de la contre-attaque. D'ailleurs, ajouta-t-il, nous
avons à opposer à un assaut neuf mitrailleuses que 10
Ton a trouvées dans les tranchées conquises le matin.
Quelque temps après, les Boches contre-attaquèrent.
Leurs mitrailleuses les reçurent fort mal, et j'eus le
plaisir, de ma main valide, de décharger les six balles
de mon revolver contre les ombres noires qui avançaient 15
vers nous. Ces ombres d'ailleurs n'avancèrent pas
longtemps et s'éparpillèrent bien vite. J'étais heureux
de m'être vengé un peu et d'avoir vengé mes honmies.
Mais j'étais épuisé — mes nerfs étaient exaspérés.
Je ne voulais pas aller tout seul au poste de secours. 20
J'avais peur, horriblement peur, maintenant qu'il n'y
avait plus de danger. Je partis avec des brancar-
diers qui venaient en première ligne chercher des blessés,
car il en était rentré beaucoup, paratt-il.
24. il en était rentré beaucoup: literally, there had retwmed
many of ihem.
149
150 CARNET DE CAMPAGNE
Dans cette nuit nous marchions littéralement sur
les cadavres qui recouvraient le sol des tranchées.
Notre artillerie le matin avait bien travaillé. On
était en train de creuser des boyaux.
6 Nous marchâmes longtemps — on avait fait du
chemin vraiment dans la folle course du matin. Et
je pensais que Ton ferait de même chaque jour jusqu'à
la victoire.
Au poste de secours je fus pansé. Cela soulagea
10 un peu la douleur de ma blessure. On me plaça, à
un bouton de ma vareuse, une petite étiquette de carton
rouge, "Évacué sur Arras." On me coucha dans un
brancard. On me hissa sur une automobile, les voix
devinrent voilées, j'entendis confusément un timiulte
16 de canon et de mitrailleuse. Je sentis comme un
bercement très doux, très agréable et je m'endormis
profondément.
Ce ne fut que deux jours après ma blessure que je
parvins enfin dans cette délicieuse petite ville qui vit
20 ma résurrection. Je fus cahoté dans la nuit, à demi
dormant, à demi conscient, jusqu'à mon arrivée à Arras.
C'était l'hôpital qui rassemble les blessés des différents
postes de secours. On contrôla ma fiche rouge et l'on
me conduisit dans un vaste dortoir. Les deux infirmiers
25 me dévêtirent. Ma blessure empêchait de quitter
ma capote et ma veste. On les coupa, et l'on m'enfouit
dans des draps frais et blancs. Malgré une batterie
qui grondait tout à côté de l'hôpital, je m'endormis.
J'étais totalement épuisé, mes nerfs étaient à bout.
10. plaça à: faatened to.
D'UN OFnCIER FRANÇAIS
152 CARNET DE CAMPAGNE
Je m'éveillai tard. Presque aussitôt, après que l'on
m'eut aidé à m'habiller, on m'embarqua dans une
automobile et me conduisit vers l'arrière, loin, tou-
jours loin du fracas des batailles qui continuaient.
6 On croisa de très nombreux convois de troupes qui se
rendirent en renforts sur le front, infanterie trans-
portée dans de lourds camions, comme nous dix jours
auparavant, artillerie mue par de gros tracteurs auto-
mobiles, cavalerie massée près de là et qui attendait
10 le moment d'entrer en jeu. Vraiment tout semblait
prêt pour aller très de l'avant. Et j'étais furieux d'ê-
tre blessé en im si bon moment. Car malgré toute
l'horreur de la journée précédente, la marche en
avant avait été grandiose, enthousiasmante. Les autos
16 s'arrêtèrent à un village opulent de cette région d'Artois.
L'hôpital où je fuA versé momentanément était dans
l'école. On m'y fit une piqûre contre le tétanos.
L'institutrice, qui gardait cependant une pièce pour
faire l'école, apprenant que j'appartenais à l'Université,
20 m'invita à déjeuner chez elle. Elle fut touchante et
délicate d'attention, me servant, me faisant manger.
Le soir on me fit remonter en auto. Et ce fut encore
une promenade chaotique sur des routes défoncées —
et mon bras me faisait beaucoup souffrir. Je sentais
25 ma main s'enfler, s'alourdir, s'enfiévrer.
La nuit était tombée quand nous arrivâmes à
l'hôpital d'évacuation. Là on me coucha encore,
9. et: see note to page 36, Une 21.
16. Artois: name of a district near the English Channel.
See note to page 117, Une 1.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 153
et je retrouvai un de mes compagnons de misère, un
adjudant blessé à la cuisse. Le lendemain matin de très
bonne heure nous fûmes réveillés par de très violentes
détonations, c'étaient des aéroplanes qui lançaient des
bombes sur la gare et sur l'hôpital. Une d'elles tomba s
tout près du bâtiment qui abritait les pauvres éclopés
que nous étions. Même à nous les barbares s'atta-
quaient!
C'était pénible de voir dans cette immense salle
d'hôpital toutes les horribles blessures — tous les en- lo
droits du corps étaient atteints.
A midi on remonta en auto. Cette fois c'était pour
aller à la gare, où le train sanitaire nous attendait.
Deux sortes de wagons, des wagons aménagés pour
blessés couchés, et tendus de brancards soigneusement i5
suspendus; d'autres pour blessés assis. Comparti-
ments de seconde et de première classe. J'étais pour
ma part en un wagon de première avec un sous-lieute-
nant blessé à la main, un lieutenant malade, et un
colonel criblé de petits éclats d'obus à la jambe. J'étais 20
de tous le plus blessé, et c'était touchant, de voir
combien tous s'empressaient auprès de moi. Le
colonel surtout, mon vis-à-vis dans le compartiment,
m'aida à m'installer, me coupait ma viande, me faisait
presque manger. Il était paternel avec moi et c'était 25
très émouvant que ce vieux colonel tout médaillé
servant ce petit Ueutenant presque gamin.
Dans les grandes gares, à Amiens surtout, on des-
cendait les blessés qui souffraient le plus. Moi, j'ai
voulu, malgré la douleur de mon bras enfiévré, rester ao
154 CARNET DE CAMPAGNE
dans le train. Je pensais toujours qu'il allait
m'amener dans le Midi sur la Riviera, où ma famille
habitait alors.
Sur la tombée du jour on arriva près de Paris, et là
6 le train s'arrêta jusqu'au matin. C'était à la même
gare où nous nous étions arrêtés, vingt jours aupara-
vant, en revenant de la Meuse. Après avoir bu le
café que les excellentes dames de la Croix Rouge nous
apportèrent avec de bons sourires, on se remit en
10 marche. On croisa des prisonniers boches qu'on
évacuait aussi — mais à l'honneur des blessés français
aucun cri ne partit de notre train à l'adresse des bar-
bares. Les Français savent respecter les ennemis
vaincus.
16 Et dès lors toute la journée le train, lentement
flânant, nous promena jusque vers- la Loire. On
s'arrêtait à de nombreuses gares dans des pa3rsages
riants et ombreux. Plusieurs blessés descendaient à
chacune de ces stations délicieuses. Et à chaque
20 gare les jeunes filles de la contrée venaient donner
des fleurs, des œufs frais, des journaux illustrés et
surtout leur sourire admiratif, im peu attendri aussi,
et reconnaissant. Ce qui m'a le plus ému, ce sont
ces fleurs, ces monceaux de fleurs dont on nous surchar-
25 geait. Et là nous prenions conscience de notre état
2. Midi: extrême southem France.
2. Riviera: a name given to the Mediterranean coast from
Nice (southeajstem France) eastward along the Gulf of Genoa.
The Riviera is a world-famed winter resort.
13. respecter: show conaideration for y perhaps not respect.
D'UN OFFICIER FRANÇAIS 155
de blessés — les attentions de ces femmes délicieuses
nous faisaient croire que nous avions fait vraiment
quelque chose pour les mériter. Et ces gâteries, on
les acceptait avec ime reconnaissance infinie.
Mais cette immense reconnaissance que dès ce 5
moment j'ai voué aux femmes de France, s'est accentuée
bien davantage, depuis que je suis à Thôpital. J'y
arrivai le soir, tard, dans la nuit. Au train on partagea
les blessés dans les différents hôpitaux de la ville, et
je fus désigné pour l'Hôpital de l'Union des Femmes 10
de France, hôpital privé. Une auto nous conduisit
jusqu'à l'École Normale de filles, qui était affectée
comme hôpital. A l'entrée, des silhouettes blanches
se détachaient dans la demi-obscurité. Quand j 'arrivai,
vite, deux de ces dames toutes blanches et toutes is
sourires me conduisirent dans ma chambre. C'est
sublime de voir ces femmes accomplir avec un
pareil dévouement, une pareille sérénité, tous les
jours ces besognes qu'elles ne font pas chez elles,
puisqu'elles appartiennent toutes à l'aristocratie de la 20
ville. Et toujours la même bonne humeur, la même
douceur, la même patience — car les blessés ne sont
pas toujours commodes, ô si les soldats de France
ont quelque mérite, combien plus admirables sont
ces femmes qui savent guérir les âmes de leur seule 25
présence, de leur seul sourire. Ce charme, je l'ai
senti tout de suite, et ma première nuit fut très bonne.
Mais après, la fièvre me prit, les violentes commotions
12. l'Ecole Normale: for the training of teachers for the
lower schools and kindergartens.
156 CARNET DE CAMPAGNE
que j'avais reçues déterminèrent une congestion
cérébrale — je délirai quelques jours. Quand je
m'éveillai à la conscience des choses, je trouvais ma
mère à mon chevet. Je ne l'avais pas reconnue, et
5 elle était là depuis huit jours.
Dès lors mon bras fut soigné plus efficacement —
on m'opéra trois fois. Dès que je pus sortir je fus
accablé d'invitations. Mes infirmières et le docteur
lui-même, que j'avais tout à fait conquis dans mes
10 divagations, paraît-il, très savantes, me voulaient
chez eux. Je m'éveillai à la vie, à ime vie de gâterie
perpétuelle, douce et active, calme et infiniment
heureuse.
J'ai le bras dans le plâtre. J'écris de la main gauche.
15 Ma chambre donne sur un grand jardin, des aubépines
parfumées font un rideau à ma fenêtre. J'ai repris
ma vie individuelle. Je vais mieux. Je suis heureux,
tout à fait heureux.
26 juin. Ce matin j'ai été décoré de la Croix de
20 Guerre. Mes infirmières avaient depuis quelques
jours un air de mystère, chuchotaient en me regar-
dant, souriaient à toutes mes questions — elles étaient
demeurées • impénétrables. Le docteur lui-même, qui
me plaisantait selon sa coutume, ne voulut rien me
26 dire. C'est ce matin seulement que, pendant la visite,
il m'annonça que le général commandant la région
allait se déranger pour m'apporter quelque chose.
Dans la cour de l'hôpital, avec ses marronniers en
fleurs, décorée de quelques drapeaux, tous les blessés
DTN OFFICIER" FRANÇAIS 157 '
valides étaient rassemblés — les uns assis, les autres
étendus sur leurs chaises longues. Les directrices de
l'hôpital et toutes les infirmières, da«is leurs pures
robes blanches, causaient en souriant. . Moi, je causais,
un peu gêné, avec im camarade. 5
 la fin le général, suivi de quelques officiers d'état-
major, arriva. Le docteur lui présenta le personnel de
l'hôpital, et puis moi. J'avais en guise de bras droit
un gros paquet de plâtre et de linges, qui m'empêchaient
d'être correctement habillé "à l'ordonnance." Le 10
général, déployant im grand papier, lut au milieu du
silence:
" Sous-lieutenant R. N., vous êtes cité à l'ordre
du jour de l'armée avec le motif suivant —
"A, sous un feu très meurtrier, entraîna sa section is
à l'assaut des positions allemandes. Dans un très
bel élan s'est porté avec ses hommes au delà de la
troisième Ugne allemande, où il a été blessé."
Et le général s'avança vers moi qui tremblais un
peu. Il attacha à ma vareuse la Croix de Guerre. 20
Il me serra la main. Je sentais que l'on me regardait.
J'étais très ému. Je devais avoir l'air bête.
Le docteur alors prit la parole, et cet homme admi-
rable, sorte de demi-dieu qui sait guérir, et qui sait se
faire adorer de ses blessés, dit quelques mots. Je 25
les entendis mal, je sais qu'il parlait de moi. J'aurais
voulu que ce fût fini. Il vint vers moi et m'embrassa.
26. J'aurais voulu: / ahovld fuwe heen glad.
. 158 CARNET DE CAMPAGNE
Puis on se rendit chez la directrice. On but du
Champagne. Cela dura longtemps encore. Il me
tardait d'être -seul, tout seul, pour savourer la joie
inmiense, prodigieuse que j'avais — cette joie qui me
6 venait du devoir accompli, et qui me donnait hâte,
hâte de guérir, afin de retourner bien vite sur le front,
pour montrer à ma patrie que ce n'est pas en vain
qu'elle récompense ses enfants.
EXERCISES
CHAPTER I
Exercise 1
The following verbs, taken from Chapter I^ are among
those used with an infinitive without a préposition.
aller
devoir
faire (in sensé of cauM, hâve)
falloir
préférer
pouvoir
savoir (in sensé of know how)
venir (if followed by idea of
purpose)
voir
vouloir
Leam the meanings and principal parts, and write
synopses, of aller Ist person plural; faire 2nd person plural;
savoir 3d person plural; venir 3d person singular.
Write from dictation the following verb-forms:
1. I corne.
2. He is coming.
3. They will not go.
4. Are you going?
5. See!
6. Do you see?
7. They do not corne.
8. It is necessary.
9. They hâve not gone.
10. I should hâve gone.
11. I should be able.'
12. We will know.
13. It was necessary.
14. It would be necessary.
15. We do not go.
16. I do not see.
17. They had not corne.
18. Do you know?
19. Go!
20. Can I?
21. Do they go?
22. Hâve they not corne?
23. It will be necessary.
24. We hâve seen.
159
160 CARNET DE CAMPAGNE
25. Are they going? 38. Why- should we corne?
26. You cannot know. 39. Will they be able to see?
27. I shall be able to go. 40. What are you doing?
28. Why do they not corne? 41. What must be done?
29. Do thati 42. I am going to know.
30. We cannot corne. 43. Who knows?
31. I will not do that. 44. What do they know?
32. What hâve you done? 45. When will we go?
33. When wîll they corne? 46. When will you know?
34. Why do I not know? 47. They are going to go.
35. Would you be able to go? 48. He should hâve done it.
36. Would you like to know? 49. Cîome!
37. Why are they not going? 50. I do not know.
Exercise 2
1. I am going to hunt for my friends.
2. I do not know yet where I am going.
3. Thèse soldiers are going to leave.
4. I should hâve liked (paat cond.) to know where they
are going.
5. It should be kept secret.
6. I should not like to write that.
7. I do not know how to say it.
8. I cannot go fight.
9. One has to go somewhere (quelque part).
10. I want to see you soon.
11. I might hâve been able to see him, but I was tired.
12. He came to invite me to dinner.
13. He knows how to write a charming letter.
14. What can I do for you?
15. He is going to sleep.
16. Where do you wish to go?
EXERCISES 161
17. I know nothing tp say.
18. I had the men sing.
19. I want to get acquainted with you.
20. They saw me retum.
21. We are to go soon.
22. I hâve not been able to see them.
23. You hâve made me forget my duty,
24. I went to walk with my mother.
Exercise 3
If the student is not aiready thoroughly familiar with the
foUowing phra^s, which are in common use, and convenient
to know, he should leam them now.
Informai forms of greeting.
Comment allez-vous? ^ „ ^
Comment ça va? /
Je vais bien, merci. \ ,, „ ., ,
Z. -, . r y^'nj ^ew, inank you.
Ça va bien, mercL ] " ^ "
AUez-vous-ent Go away. ,
Allons! Corne on! Welll Now Ûienl
Allons donci Nonsenael Cf. English "Oh, go ont"
Voyons I Corne now!
Qui va là? Who gœa there?
Par où faut-il aller? Which way should I go?
Allez tout droit Go straight ahead.
Allez par là. Go that way.
D'où venez-vous? Where do you corne from?
Comment 6tes-vous venu? How did you corne?
Je veux bien. / am wUling,
162
CARNET DE CAMPAGNE
EXEBCISB 4
A list of words to be leamed by those interested in acquir-
ing a vocabulary of military terms.
la guerre
la bataille
l'ennemi
la tranchée
le soldat
le fantassin
le poilu
l'officier
le caporal (chef d'escouade)
le sergent (chef de demi-sec-
tion)
le chef de section (non-com-
missioned officer, next in
rank below a sous-lieute-
nant)
le capitaine (chef de compagnie)
le commandant (officer in com-
mande major)
l'escouade /. (four squads to
a section)
la section (four sections to a
compagnie)
la compagnie (four to a batail-
lon)
le bataillon
la brigade
CHAPTER II
Exercise 1
Leam meanings and principal parts of following irregular
verbs:
dire mettre
prendre rire suivre
lire paraître
recevoir servir partir
Write from dictation:
1. Saying.
8. They will say.
2. I hâve read it.
9. Take care (garde).
3. They appear.
10. Weread.
4. He had said it to him.
11. To hâve taken.
5. It had appeared.
12. They take.
6. I am setting out.
13. Why did they laugh?
7. He has received it.
14. WeRhallput.
EXERCISES 163
15. Appearing. 18. Followme.
16. They are not laughing. 19. They follow.
17. Where hâve you put it? 20. Taking.
Exercise 2
On
On (always with the third person singular) is used:
(1) Where the English uses the generalizing one, and in
such indefinite expressions as: "You never can tell."
"We often make mistakes." "They ail do it.'
))
(2) As a substitute for the passive.
Chapter II has many examples of thèse uses of on.
Use on in each of the following sentences:
1. They say.
2. It is said.
3. A hait was made.
4. We marched for a long time.
5. At last we arrived at the wood.
6. We may say.
7. Fighting (se battre) is going on.
8. They shall not passi (près, tense).
9. We ate early.
10. There was difficulty in (avoir peine à) advancing.
11. One has a somewhat (peu) disagreeable sensation.
12. Wine was distributed.
13. We stopped (s'arrêter) at last.
14. At last we were going to be able to sleep.
15. We ate, and then we slept and slept.
16. We eat, we read, we sleep.
164 CARNET DE CAMPAGNE
Exercise 3
En and Y
En is used as a substitute for de and a pronoun object.
Y is used as a substitute for à and a pronoun object.
Neither en nor y can be substituted if the pronoun object
refers to a person.
The French sentences that follow are intended to suggest
the construction that should follow in the English sentences.
Use either en or y in each sentence:
1. Personne ne songea à tirer sur eux.
We did not shoot at them. No one thought of it.
2. Ils furent contents de me voir.
I went to see them. They were satisfied with that.
3. Un boyau conduit à mon abri.
My shelter was very comfortable. A trench of ap-
proach led to it.
4. Répondez-vous à sa lettre.
Please answer his letter. I hâve already answered it.
5. Je suis bien sûr de n'être pas tué.
I shall not be killed. I am quite sure of that.
6. Je n'ai pas besoin d'encouragement.
I hâve not received any letters. But I do not need
them.
7. La route était couverte d'une boue affreuse.
The mud was frightful. The road was covered with it.
8. On pense souvent à sa mère.
Our mothers are in France. We think often of them.
9. On pense à la tristesse des fenmies.
The sorrow of the women is great. We often think of it.
EXERCISES 165
10. Je suis ennuyé de n'avoir pas reçu de lettres.
He did not receive any letters. He was bored by it.
11. Il faut prendre garde de montrer la tête.
Do not show your head. One must be careful of that.
12. J'ai eu Tidée de faire du chocolat.
We were making chocolaté. It was my idea.
CHAPTER III
Exercise 1
In compound forms of the verb, the auxiliary is avoir for
ail transitive verbs. Ail reflexive verbs hâve the auxiliary
être. Intransitive verbs are conjugated sometimes with
avoir, sometimes with être, the latter when a change of place
or condition is to be expressed.
Leam the following list of common verbs which hâve être
as auxiliary:
aller entrer partir sortir venir
arriver mourir rester tomber revenir
Write f rom dictation (use only compound forms of the verb
in this exercise):
1. He has been able. 11. It has fallen.
2. I set out. 12. We hâve had.
3. We said to him. 13. I hâve gone;
4. He stopped. 14. We hâve received.
5. I hâve not fought. 15. He had never appeared.
6. They hâve not arrived. 16. He had been.
7. He stopped. 17. I hâve taken.
8. He said to them. 18. We had arrived {wUh on)
9. We hâve come. 19. He had come.
10. We had read. 20. He has not been.
166 CARNET DE CAMPAGNE
Ib^BCISE 2
Leaxn the following:
venir de (with inf .) to hâve just
se mettre à (with inf.) to hegin
empêcher de (with inf.) to prevent from
avoir à (with inf.) to fuwe to
Write in French:
1. The rain (la pluie) kept us from going.
2. I hâve just seen him.
3. He had just seen my mother.
4. We shall not hâve to attack today.
5. He just brought me a letter.
6. I too hâve just received a letter.
7. The cannon kept me from sleeping.
8. We hâve just entrained.
• 9. We began to laugh.
10. I began to laugh at-it (en).
11. The orders had just arrived.
12. It will prevent the soldiers from attacking.
13. We (on) started to march.
14. The enemy started to answer.
15. We had to shoot for (pendant) five minutes.
16. A fine rain started to fall.
17. It began to snow (neiger).
18. A sentinel started to shoot.
Exercise 3
Négatives
ne . . . pas ne . . . que
ne . . . point ne . . . personne
ne . . . jamais ne . • . plus
ne . . . rien ne . . . aucun
EXERCISES 167
Pronoims — Order
Me, nous, and vous, if used as indirect objects, corne
before pronouns used as direct objects. Lui, leur, as indirect
objects, corne after the pronouns used as direct objects.
Both indirect and direct objects corne before the verb.
(Advanced classes should be able to write the following sen-
tences in French as they are dictated to them in class.)
1. We do not see him.
2. I hâve not the gun.
3. I gave it to him.
4. He did not give it to me.
5. She never appeared to me so lovely.
6. We knew only the name of the village.
7. I did not tell it to them.
8. Not a minute when (où) something does not passi
9. We know nothing of it but the écho.
10. Nothing was lacking.
11. I saw nothing.
12. My shelter is not bad at ail.
13. There was (on) nothing more to do. j
14. No one was killed.
15. One dœs not receive water in the trenches.
16. One receives only coffee.
17. I told him not to advance.
18. They had only their guns.
19. She had some chocolaté. She gave it to me.
20. I hâve not been able to see him.
2L I do not know how to say it to you.
22. We lost no one.
23. They did not corne to tell us of it.
24. I do not love you any more.
25. You hâve written me no letter.
168
CARNET DE CAMPAGNE
Exercise 4
Military French
se battre
tuer
marcher
se mettre en marche
se mettre en route
faire halte
attaquer
avancer
commander
relever
mourir
débarquer
être de garde
fuir
combler les vides
tonner (le canon)
défiler au pas
tirer
donner ordre (de)
installer
CHAPTER IV
Exercise 1
Leam the meanings and principal parts of the following
irregularverbs:
connaître construire ouvrir offrir écrire
conquérir couvrir souffrir dormir pleuvoir
Write from dictation the
1. Known.
2. Let us conquer.
3. He constructs.
4. He did not construct.
5. He is covered.
6. They covered.
7. They do not cover.
8. He knew.
9. Constructing.
10. Opened.
following forms:
11. I conquer.
12. They opened.
13. It rains.
14. Conquered.
15. We sleep.
16. Had he slept?
17. Write a letter.
18. Has it been written?
19. I wrote.
20. He has suffered.
EXERCISES
Exercise 2
169
You will notice that in the following sentences the partitive
construction repeatedly occurs. Remember that in this con-
struction the article is omitted:
(1) When the phrase follows a négative verb, unless the
noun of the phrase has a modifier.
(2) After peu, beaucoup, combien, etc. (expressions of quan-
tity and number).
(3) When an adjective précèdes the noun of the phrase.
Leam the following vocabulary:
les vivres m, pL
le Champagne
les conserves/, pi.
la bouteille
les boites de conserves/, pi.
le demi-litre
les sardines/, pi.
le sucre
les boites de sardines /. pL
Pœuf m.
le bœuf de conserve ("singe")
la légume
la viande
le tabac
la viande rôtie
la cigarette
le poulet
la pipe
le pain
le bois
le biscuit
le feu
le lait
lapaiUe
le lait condensé
le souper
Peau/.
le dîner
le chocolat
manger
le bouillon
boire
le café ("jus'O — diaud, froid
fumer
le vin
allumer
Write in French:
1. Let's go hunt for some wood.
2. I can make a fire.
3. We hâve nothing to (à) drink.
J70 CARNET DE CAMPAGNE
4. I can make some coffee.
5. Hâve you sugar and milk?
6. I hâve only canned milk.
7. Can you get some water?
8. Are you going to make coffee?
9. I like tea better.
10. For my part, I hâve decided to make chocolaté.
11. Oh, come! Let's drink wine. Then we shall not need
(avoir besoin de) wood.
12. But the fire will be very pleasant. I am cold.
13. Hunt the wood then.
14. I can get (procurer) some Champagne.
15. They hâve excellent shops (la boutique) hère.
16. No, ail the shops are melancholy (lamentable) ruins.
17. But there are peasants who hâve opened little shops.
18. What do they sell?
19. They sell tobacco, and things-to-eat.
20. Do they sell wine?
21. Not a bit of ît! Each soldier has wine.
22. He gets (recevoir) a demi-liter a day (par jour). What
do you want?
23. Yesterday I had a little money, and I went to a shop.
24. The old-woman was distributing chocolaté and cigar-
ettes.
25. There were many soldiers there.
26. Others were arriving.
27. "How many soldiers, how many soldiers!" the old
woman cried. "Poilus, poilus everjnvhere!"
28. "Go away! I cannot give you any more chocolaté.
I haven't any."
29. "But do you not hâve préserves and boxes of canned
beef?"
30. "Yes, monsieur, I do. Do you not prefer roast méat?"
EXERCISES
171
Exercise 3
Military Tenus
le saillant
la sentinelle
la mitrailleuse
le cartouche
la caisse
la fusée
la fusée éclairante
la baïonnette
la gamelle
le créneau
le fil de fer
le cadavre
la jumelle
le guetteur
l'homme de liaison
Panière/.
la ligne du feu
l'enfilade/.
la batterie
le bombardement
à droite
à gauche
en face
le Boche
CHAPTER V
Exercise 1
Leam the meanings and principal parts of the followini^
irregular verbs:
crou-e envoyer
résoudre sentu- vivre
joindre courir
boire coudre mouvoir
Write from dictation the following forms:
•
1. I think.
8. To résolve.
2. Joinîng.
9. I hâve resolved.
3. They send.
10. Résolve!
4. I 8ha11 send.
11. They join.
5. Do you not think?
12. Running.
6. Theywillrun.
13. He had thought.
7. Theyrun.
14. I shall résolve.
172
CARNET DE CAMPAGNE
15.
I drank some*.
23.
I shall feel.
16.
Drinking-
24.
I bave sewed.
17.
He dœs not send.
25.
I shall sew.
18.
Ifeel.
26.
Moved.
19.
He felt.
27.
They move. *
20.
Do you believe it?
28.
I moved.
21.
They are dririking.
29.
They lived.
22.
I diink.
30.
I hâve lived.
Exercise 2
Review and leam thoroughly the following numer
1. un, une
13. treize
2. deux
14. quatorze
3. trois
15. quinze
4. quatre
16. seize
5. cinq .
17. dix-sept
6. six
18. dix-huit
7. sept
19. dix-neuf
8. huit
20. vmgt
9. neuf
21. vingt et un
10. dix
22. vingt-deux
11. onze
23. vingt-trois
12. douze
24. vingt-quatre
premier, première
septième
deuxième (second,
seconde, huitième
when only two
are in- neuvième
volved)
dixième
troisième
onzième
quatrième
douzième
cinquième
treizième
sixième
quatorzième
EXERCISES
173
Exercise 3
Expressions of Time
Leam the following vocabulaxy:
enfin
bientôt
longtemps
brusquement
rapidement
tard
en même temps
au début de
au bout de
àlafin
tout à l'heure
tout de suite
aujourd'hui
hier
demain
au lever du jour
le jour
le matin
midi
Paprôs-midi m,
le soir
la nuit
minuit
la crépuscule
la minute
l'heure /.
la semaine
le mois
l'an m.
l'année /.
. Quel heure est-il?
n est trois heures,
n est trois heures cinq,
n est trois heures moins cinq,
n est trois heures un quart,
n est trois heures moins tm quart
n est trois heures et demie,
n est midi,
n est minuit,
n est midi trois.
Write from dictation the following phrases:
1. Ail night. 5. After an hour.
2. This moming. 6. A little later.
3. Thèse last days. 7. At 5 p.m.
4. Three days ago. 8. About (prés de, vers) 9 o'clock.
174 CARNET DE CAMPAGNE
9. Froml2:01 to 12:05.
10. At six o'clock in (de) the moming.
11. About ten or eleven o'clock.
12. At the end of the first hour.
13. At the beginning of the march.
14. At the end of two hours of marching.
15. At six o'clock in the evening.
16. At eight o'clock in the evening.
17. About 1 p.M.
18. For several minutes.
19. A month ago.
20. Last week.
Exercise 4
«
Write the following sentences:
1. We leave for the front tomorrow at nine o'clock in the
moming.
2. About ten o'clock we amved at (en) this wood.
3. At the end of three hours of marching we (on) arrived
at the village.
4. We set out from the château about midnight.
5. At one o'clock in the moming we had come back
(rentrer).
6. He left at three o'clock in the moming, and arrived at
the commanding officer's post at daybreak.
7. At midnight we (on) arrived at the trenches. We had
hot coffee at once.
8. We hâve been in the trenches for several dajrs.
9. Just now one of my soldiers came to me to say:
10. It is five minutes past six. You hâve stiïl ten minutes
to wait (à attendre).
EXERCISES
175
Exercise 5
Militaxy Vocabulary
le parapet
le rang
la corvée
le revolver
le contre-attaque
le poste de commandement
le poste d'écoute
le poste d'observation-
lamine
la grenade
le périscope
Pédat m.
le ravitaillement
l'assaut m,
éclater
manquer
soutenir
siffler
bombarder
atteint
CHAPTER VI
Exercise 1
Leam meanings and principal parts of the followingvérbs:
bouillir se battre
valoir suffire
conduire mentir
naître être
Verb Review
Write rapidly the past participles of the following verbs:
1. hâve 11. do
2. drink 12. be necessary
3. know 13. receive
4. conquer 14. put
5. cover 15. die
6. thînk 16. move
7. owe, must 17. bom
8. say 18. offer
9. Write 19. open
10. be 20. appear
176 CARNET DE CAMPAGNE
Exercise 2
Devoir
The modal auxilîary devoir bas three definite meanings
<mght to, miist, ia to. Some confusion in translating from
English to French is caused by the f act that <mght and miLst
are def ective and so do not show change of tense, the tense
i)eing indicated by the form of the complementary infinitive.
Since the French devoir is not defective, it changes to show
tense, and the infinitive does not change.
1. He ought to do it today.
2. He ought to hâve done it.
3. He ought to do it tomorrow.
4. I had to leam to be a soldier.
5. We are to rejoin the régiment.
6. We (on) were to set out at the same time.
7. It is at six o'clock that we are to go.
8. No one could sleep — no one should bave slept.
9. We were obliged to wait for a long time.
10. My Company must'go back (se rendre) to the trenches.
11. He could not bave suffered much.
12. Hère is the trench that you are to occupy.
13. I ought to bave been at the village early.
14. He ought to bave written to bis mother.
15. Then we had to detrain.
16. The oflftcers should bave seen you.
17. The soldiers should bave protected the women.
18. Hère is some money that you ought to bave received
yesterday.
19. One should fight bravely for bis country.
20. They are to go tomorrow.
21. We are to make the attack.
EXERCISES
Exercise 3
177
Leam the following vocabulary:
Expressions of Place
au sud (de)
en avant
à Pest (de)
en arrière
au nord (de)
devant
à Pouest (de)
derrière
face au nord
dessus
plus à Pest
au-dessus (de)
à vingt mètres (de)
au delà (de)
(tout) près (de)
loin (de)
à côté (de)
autour (de)
à droite (de)
au milieu (de)
à gauche (de)
au bord (de)
en face (de)
au loin
Featvrea
of the Landscape
la ville
Parbre m.
le village
le ciel
la campagne
le sol
la plaine
la lime
la vallée
le mur
le ravin
lamine ^
la route
la maison
lame
le chAteau
la colline
la grange
la hauteur
1 la boutique
le montagne
PégUse /.
le lac
le clocher
le bois
le cimetière
le forêt
la vue
le chemin
le chemin de f<
la boue
la voie ferrée
178 CARNET DE CAMPAGNE
Exercise 4
Translate into French:
1. The enemy is about ten kilometers nortL
2. At my side was an old wall.
3. The village was ten kilometers beyond.
4. We had arrived quite near the enemy.
5. The prisoners marched slowly, one (pZ.) behind the
other (pZ.).
6. In the midst of the ruins was a little shop.
7. The lieutenants were at the right and the left of the
captain.
8. We stopped at the entrance to (de) the village, four
kilometers farther on.
9. He sleeps in the little cemetery at the side of his dear
captain.
10. We are in a little wood from which (d'où) there is a
pretty view.
Exercise 5
Translate into French:
I am in a little village on the edge of a lake. The village
is sevend kilometers south of the city of B . The view is
beautiful. Trees in front of us, trees behind usi Over our
heads the trees and the blue sky. At the right of the house
is a little ravine, and farther, on the high ground, the village
church with a pretty spire. Near the church is a cemetery.
At the left of the house are a few large trees, and an old
château in ruins. Behind the château is a big bam, and in
the distance the city.
EXERCISES
179
Exercise 6
Write a description of some landscape, real or imaginary.
Exercise 7
MUitary Terms
le repos
le renfort
la manœuvre
le drapeau
letlairon
l'infirmerie /.
Pinfirmier-prêtre
le dépôt d'outils
le vaguemestre
le dépôt de munitions
la pelle
la pioche
le secteur
le terrain
Poutil m.
l'avion m.
l'aéroplane m.
l'offensive /.
la victoire
la prise
CHAPTER VII
Exercise 1
Review of Forms of the Conditional
1. I should like.
2. Would you like?
3. Would they attack?
4. Would you go?
5. I would run.
6. I would die.
7. I would open.
8. I would suffer.
9. I would drink.
10. I would know.
11. What would they say?
12. I might hâve to.
13. We might.
14. You would hâve been able.
15. He must hâve been.
16. Would he need?
17. You might need.
18. Where would you send them?
19. There would be no need of it.
20. What would you do?
180 CARNET DE CAMPAGNE
EXEBCISE 2
Leam the folio wing expressions:
Le temps. The weather.
Il fait beau temps.
Il fait beau. ) Jtia fine weather.
Beau temps.
Il fait de la pluie.
Il pleut. ) Itis raining.
La pluie tombe.
Il fait froid. It ta cold,
n fait chaud. It is warm.
Le froid est vif. The cold ia intense.
n fait du vent. It is mndy.
Translate into French:
1. I can't go to the church. It is beginning to rain.
2. That's nothing. It rains ail the time. I am going at
once.
3. I do not like the weather hère. I am going to go home.
4. But is it always fine weather in the United States?
It is cold sometimes, is it not?
5. It does not rain ail the time. The wind blows some-
times.
6. The rain is not falling any more. Let's go.
Exercise 3
Review the folio wing list of everyday words:
manger
s'éveiller
causer
avoir faim
se coucher
être ennuyé
boire
se lever
être fatigué
avoir soif
se promener
se mettre à table
dormir
fumer
vendre
avoir sommeil
lire
acheter
s'endormir
écrire
EXERCISES 181
Translate into French:
1. Do we want some tobacco?
2. Thanks. I hâve none. I should like to smoke.
3. I hâve some cigarettes. Will you hâve one?
4. No, thank you. I do not care to smoke cigarettes.
I like to smoke a pipe better.
5. Are you hungry?
6. Not at ail, but I am tired, and I am thirsty.
7. Do you drink wine?
8. I like cofïee better.
9. So do I. We will hunt up (chercher) a café at once.
10. Some friends came to see me yesterday evening, and
we talked until (jusqu'à) midnight.
11. What time did you go to bed?
12. I went to bed at once, but I did not sleep well. I woke
often.
13. Then it was necessary for me to get up early.
14. I had promised to (de) take a walk at half past seven
with a friend.
15. At half past seven! Your friend is very charming,
isn't she?
16. I was not bored. But I am sleepy now.
17. I want to write some letters, and then I shall lie down.
18. Are you going home? You haven't bought anything.
Exercise 4
Military Terms
le rempart la lutte le barrage
le sac de terre se rendre to surrender la prise
la poudre la parole pointer
le projectile l'ordre m. le téléphone
la mèche le renseignement téléphoner
le génie la relève les bras levés
le sapeur le poste de secours
182 CARNET DE CAMPAGNE
CHAPTER VIII
' The Human Body
Leam the following vocabulary:
la barbe ' la gorge
la bouche la jambe
le bras les lèyres /. pi,
les cheveux m, pL la main
le corps le nez
le cou Pceil m. (pi. les yeux)
le cœur l'oreille/.
la cuisse la peau
le dos le pied
les épaules/, pi, la tête
la figure le ventre
le genou le coude
Write in French:
1. They help with (de) ail their heart.
2. We (on) ducked (baisser) our heads at each shell.
3. It is necessary to take care not to show one's head
{leave ont négative),
4. We (on) had a feeling of suffering (douleur) in the
whole body.
5. The rain trickled (ruisseler) down (dans) my neck,
and on my chest.
6. I wrote with (de) the left hand.
7. I could not crawl (ramper) on my stomach — I had
to crawl on my back.
S. The man was wounded in (à) the thigh.
9. I was woimded in the hand-.
10. My friand was shot full (cribler) of little splinters of
shell in the leg.
11. I received a small splinter near the right eye.
EXERCISES
183
12. He seized (saisir) him by the throat and struck him
(lui) in (sur) the face.
13. We had mud on our dothes and on our skin.
14. The sacks weighed (peser) heavily (lourdement) on
our shoulders.
15. Three big soldiers appeared, hands raised.
16. I cannot eut (couper) my beard.
17. I will eut your beard, and I promise not to eut either
(ni) your nose or your ear.
18. Tonight we must keep our eyes and ears open (it will
be necessary to open the eye and the ear).
CHAPTER IX
Leam the followin^
; vocabulary:
la maison
l'intérieur m.
la bougie
la calmne
l'ameublement m.
la lampe
la hutte
le tapis
la chambre
l'hôtel m.
le Ut
la salle
l'appartement m.
le drap
la cuisine
la porte
la couverture
luxueux
le seuil
le sommier
moderne
le mur
l'oreiller m.
vaste
le toit
la chaise
propre
la fenêtre
la table
sale
le coin
l'étagère/.
confortable
l'escalier m.
le pupitre
fournir
monter
le poêle
loger
descendre
la cheminée
meubler
Translate into French:
It was night. We came tp a little cabin in the woods. I
wanted to stay there, because I was very tired. My mother
did not want to. She saw an old woman smoking in the
184 CARNET DE CAMPAGNE
doorway. "But it seems nice and clean," I said. "Will you
tell me, madame," I went on, addressing the old woman,
"how far it is from hère to Château B.?"
"About eighteen kilometers, sir."
"Too far!" my mother cried. "May we stay hère for the
night?"
"For one night?" the old woman asked. "I will give you
my room for one night.?
The inside of the little cabin was very comfortable. There
were three rooms: a living-room, a bedroom, and a small
kitchen. There were two Windows in the bedroom. There
were no lamps, but on the table was a candie. The bed was
small, but the sheets were clean, and the mattress was good.
"Not bad!" I exclaimed. "Go to bed at once, mother
dear."
"But where are you going to sleep?"
"Me! I cannot sleep on a real bed with sheets. I see a
bam. I shall sleep on the straw."
"Hère is a stairway," the old woman said. "You may go
upstairs. There is a very small room there with a straw bed
(couche)."
"Thank you, but please, I prefer the bam. I am a soldier.
I shall be very well housed. Thank you, madame. Good-
night."
IRREGULAR VERBS
USED IN THIS BOOK
(For the symbol t see page 204.)
Questions on the Formation of Tenses and Moods
From which Principal Part are the Présent Indicative and
Subjunctive formed? The Imperfect Indicative? The Future?
In aimer and finir how is the Future formed from the first
Part?
How is the Présent Conditional formed from the Future
Indicative?
From which Part is the Past Definite formed?
Is this true in être, atteindre, battre, conduire, and coudre?
Is there any resemblance between the Past Definite and the
Past Subjunctive?
What resemblance is there between the Présent Indicative
and the Présent Imperative?
Is this true in être, avoir, and savoir?
Près. Inf.
Fut. Ind.
Pbes. Cond.
1. acquérir, to get
acquerrai
acquerrais
Pbes. Part
Impf. Ind.
acquérant
acquérais
Past Part.
Past Dep. Ind.
Past Subj.
acquis -e
acquis
acquisse
Présent Indicative
acquiers -quiers -quiert -quérons -quérez -quièrent
Imperative
-quiers -quérons -quérez
Présent Subjunctive
acquière -quières -quière -quérions -quériez -quièrent
185
186
CARNET DE CAMPAGNE
Pbb8. Inf.
Fut. Ind.
. Pbbs. Cond.
2. aller, io go
ind
irais
Pbbs. Pabt.
Impf. Ind.
allant
allais
Past Pabt.
Past Def. Ind.
Past Subj.
allé -e
allai
allasse
va
Près. Ind. Tais vas
Imper. va
Près. Subj. faille failles faille
allons allez vont
allons allez
allions alliez faillent
H. atteindre, to Umch
fatteignant
atteint -e
atteindrai
fatteignis
atteindrais
fatteignais
Présent Indicative
fatteignisse
atteins -teins
-teint f-teignons f-teignez -teignent
Imperative
-teins
f-teignons f-teignez
Présent Subjunctive
•
fatteigne f-teignes f-teigne f-teignions f-teigniez f-teignent
4. avoir, to home
ayant
eu -e
aurai
eus
aurais
avais
eusse
Près. Ind. ai
as a avons
avez ont *
Imper.
aie ayons
ayez
Près. Subj. aie
aies ait ayons
ayez aient
5. battre, to béai (aiso
combattre)
battrai
battrais
battant
battais
battu -e
battis
battisse
Près. Ind. bats bats bat battons battez battent
Imper. bats battons battez
Près. Subj. batte battes batte battions battiez battent
IRREGULAR VERBS
187
Près. Inf.
Fut. Ind.
Pbbb. Gond.
6. boire, to drihk
boirai
boirais
Pbeb. Pabt.
Impf. Ind.
buvant
buvais
Pabt Part.
Pabt Dbf. Ind.
Pabt Subj.
bu -6
bus
busse
Près. Ind. bois bois boit buvons buvez boivent
Imper. bois buvons buvez
Près. Subj. 'boive boives boive buvions buviez boivent
7. tbouîllir, to ôoiZ
tbouillirai
fbouillirais
fbouillant
tbouillais
tbouilU -e
fbouillis
tbouillisse
Présent Indicative
bous bous bout fbouillons fbouillez fbouillent
Imperative
bous tbouillons fbouillez
Présent Subjunctive
fbouille tbouHles fbouille fbouillions fbouilliez fbouillent
8. combattre, to fight, see battre
9. complaire, to pleaae, see plaire
10. comprendre, to understand, see prendre
11. conduire, to lead
conduirai
conduirais
conduisant
^conduisais
conduis
conduise
Présent Indicative
-duis -duit -duisons
Imperative
-duis -duisons
Présent Subjunctive
-duises -duise -duisions
conduit -e
conduisis
conduisisse
-duisez -duisent
-duisez
-duisiez -duisent
188
CARNET DE CAMPAGNE
Près. Inf.
Près. Part.
Past Part.
Fut. Ind.
Past Def. Ind.
Pkes. Cond.
Impf. Ind.
Past Subj.
12.
connidtre, to know (also
reconxudtre)
connaissant
connu -e
connidtrai
connus
connidtrais
connaissais
Preflent Indicative
connusse
connais -nais
-nait -naissons
Imperative
-naissez -naissent
-nais
-naissons
Présent Subjunctive
-naissez
connaisse -naiss
conquérir, io conq
es -naisse -naissions
-naissiez -naissent
13.
mer
(also reconquérir) conquérant
conquis -e
conquerrai
conquis
conquerrais
conquérais
conquisse
Présent Indicative
conquiers -quiers -quiert -quérons -quérez -quièrent
Imperative
^ -quiers -quérons -quérez
Présent Subjunctive
conquière -quières -quière -quérions -quériez -quièrent
14. construire, to construd construisant
construirai
construirais construisais
construit -e
construisis
construisisse
Présent Indicative
construis -struis -struit -struisons -struisez -struisent
Imperative
-struis -struisons -struisez
Présent Subjunctive
construise -struises -struise -struisions -struisiez -struisent
IRREGULAR VERBS
189
Près. Inp. Près. Part.
Fut. Ind.
Près. Cond. Impf. Ind.
15. contenir, /o contain, see tenir
Past Part.
Past Dep. Ind.
Past Subj.
16.
coudre, to sew
coudrai
coudrais
cousant
cousais
cousu -e
cousis
cousisse
couds couds
Présent Indicative
coud cousons
cousez couse
couds
Imperative
cousons
cousez
couse couses
Présent Subjunctive
couse cousions
cousiez ' couse
17. courir, to run (also par-
courir, reparcourir)
courrai
courrais
courant
courais
coimi -e
courus
courusse
Près. Ind. cours cours court, courons courez courent
Imper. cours courons courez
Près. Subj. coure coures coure courions couriez courent
18. couvrir, to cover (also dé-
couvrir, offrir, ouvrir,
recouvrir) couvrant
couvrirai
couvrirais couvrais
Présent Indicative
couvre couvres couvre couvrons
Imperative
couvre couvrons
Présent Subjunctive
couvre couvres couvre couvrions couvriez couvrent
couvert -e
couvris
couvrisse
couvrez couvrent
couvrez
190
CARNET DE CAMPAGNE
Pbbb. Inf/
Fut. Ind.
Pbbb. Cond.
19. craindre, to fear
craindrai
craindrais
Près. Pabt.
Impf. Ind.
tcraignant
fcraignais
Past Pabt.
Past Dbf. Ind.
Past Subj.
craint -e
fcraignis
tcraignisse
Présent Indicative
crains crains craint fcraignons tcraignez fcraignent
Imperative
crains fcrAignons fcraignez
Présent Subjunctive *
fcraigmt tcraignes fcraigne fcraignions fcraigniez fcraignent
20. croire, to beliçve
croirai
croirais
croyant
croyais
cru -e
crus
crusse
Près. Ind. crois crois croit croyons croyez croient
Imper. crois croyons croyez
Près. Subj. croie croies croie croyions croyiez croient
21. croître, to increase
croîtrai
croîtrais
croissant
croissais
Présent Indicative
crois crois croît croissons
Imperative
croîs croissons
Présent Subjunctive
croisse croisses croisse croissions
crû, crue
crûs
crûsse
croissez croissent
croissez
croissiez croissent
IRREGULÂR VERBS
191
Preb. Inf.
Fut. Ind.
Preb. Cond.
22. Cttire, to cook
cuirai
cuirais
Pbes. Part.
IiàPF. Ind.
cuisant
cuisais
Past Part.
Past Dbf. Ind.
Past Subj.
cuit -e
cuisis
cuisisse
Près. Ind. cuis cuis cuit cuisons cuisez cuisent
Imper. cuis cuisons cuisez
Près. Subj. cuise cuises cuise cuisions cuisiez cuisent
23. découvrir, to uncover, see couvrir
24. décrire, to deacribct see écrire
25. détruire, to deatroy
détruirai
détruirais
détruisant
détruisais
détruit -e
détruisis
détruisisse
Présent Indicative
-truit -truisons
Imperative
-truisons
Présent Subjunctive
détruise . -truises -truise -truisions -truisiez -truisent
détruis -truis
-truis
-truisez -truisent
-truisez
26. dévenir, to hecornsy see venir
27. dévêtir, to undresSy see vêtir
28. devoir, oiight
devrai
devrais
devant
devais
dû, due
dus
dusse
Près. Ind. dois dois doit devons devez doivent
Imper. dois devons devez
Près. Subj. doive doives doive devions deviez doivent
192
CARNET DE CAMPAGNE
Preb. Inf.
Près. Part.
Past Part.
Fut. Ind.
Past Dep. Ind
Près. Cond.
Impf. Ind.
Past Subj.
29. dire, to say (aiso inter-
dire)
disant
dit -e
dimi
dis
dirais
disais
disse
Près. Ind. dis dis dit disons dites disent
Imper. dis disons dites
Près. Subj. dise dises dise disions disiez disent
30. dormir, to sleep (also men-
tir, partir, sentir, servir.
sortir)
dormant
dormi
dormirai
dormis
dormirais
dormais
Présent Indicative
dormisse
dors dors
dort dormons
Tmperative
dormez dorme
dors
dormons
Présent Subjunctive
dormez
dorme dormes
dorme dormions
dormiez dorme
31. écrire, to vorite (also dé-
crire)
écrivant
écrit -e
écrirai
écrivis
écrirais
écrivais
écrivisse
Près. Ind. écris écris écrit écrivons écrivez écrivent
Imper. écris écrivons écrivez
Près. Subj. écrive écrives écrive écrivions écriviez écrivent
32. élire, to chooae, see lire
IRREGULAR VERBS
193
Près. Inp.
Fut. Ind.
Pbes. Cond.
33. envoyer, to send (also
renvoyer)
enverrai
enverrais
Pbes. Part.
Impf. Ind.
envoyant
envoyais
Past Part.
Past Def. Ind.
Past Subj.
envoyé -e
envoyai
envoyasse
Près. Ind. envoie -voies -voie -voyons -voyez -voient
Imper. envoie -voyons -voyez
Près. Subj. envoie -voies -voie -voyions -voyiez -voient
34.
être, to be
serai
étant
été
fus
serais
étais
*
fusse
Près. Ind.
suis
es
est
sommes
êtes sont
Imper.
sois
soyons
soyez
Près. Subj.
sois
sois
soit
soyions
sojriez soient
35. ffaillir, to fail, just to
miss
faudrai or ffaillirai
faudrais or tfaillirais
Près. Ind. (faux faux)
Imper. Wanting
Près. Subj. Wanting
tfaiUant
tfailU
tfaillis
ffaillisse
tf aillais
faut (tfaiUons ffaiUez) ffaiUent
36. faire, to make
ferai
ferais
faisant
faisais
fait -e
fis
fisse
Près. Ind. fais fais fait faisons faites font
Imper. fais faisons faites
Près. Subj. fasse fasses fasse fassions fassiez fassent
194
CARNET DE CAMPAGNE
Pbbs. Inf.
Pbbs. Fabt.
Past Pabt.
Fut. Ind.
Past Def. Ind.
Pbbs. Cond.
Impf. Ind.
Past Subj.
37. falloir, to he necessary
fallu
il faudra
il fallut
U faudrait
il fallait
il fallût
Près. Ind. il faut
Imper. Wanting
Près. Subj. il ffaille
38.
fuir, to run away
fuirai
fuirais
Près. Ind. fuis
Imper.
Près. Subj. fuie
interdire, to forbid,
fuis
fuis
fuies
fuyant
fuyais
fuit
fuie
fuyons
fuyons
fiijrions
fui-e
fuis
fuisse
fuyez fuient
fuyez
fuyiez fuient
39.
see dire
40. introduire, to introduce introduisant
introduirai
introduirais introduisais
introduit -e
introduisis
introduisisse
introduis
introduise
Présent Indicative
-duis -duit -duisons -duisez -duisent
Imperative
-duis -duisons -duisez
Présent Subjunctive
-duises -duise -duisions -duisiez -diûsent
41. joindre, tojoin (also
rejoindre)
joindrai
joindrais
tjoignant
tjoignais
joint -e
tjoignis
tjoignisse
Prbs. Inf.
Fut. Ind.
Prbb. Cond.
IRREGULAR VERBS
•
Près. Part.
195
Past Pakt.
Past Def. Ind.
Pabt Subj.
joins
joins
joins
Impf. Ind.
Présent Indicative
joint tjoignons f joignez ' f joignent
Imperative
tjoignons fjoignez
Présent Subjonctive
tjoigne tjoignes fjoigne fjoignions fjoigniez fjoignent
42. lire, to read (also relire)
lirai
lirais
Pre8. Ind. lis lis
Imper. lis
Près. Subj. lise lises
lisant
Usais
Ut
lise
Usons
Usons
Usions
lu -e
lus
lusse
Usez Usent
Usez
Usiez lisent
43. mentir, see dormir
44. mettre, to pui (also re-
mettre) mettant mis -e
mettrai mis
mettrais mettais misse
' Près. Ind. mets mets met mettons mettez 'mettent
Imper. mets mettons mettez
Près. Subj. mette mettes mette mettions mettiez mettent
45.
mourir, to die
mourrai
mourant
mort -e
mourus
mourrais
mourais
Présent Indicative
mourusse
meurs meurs
meurt mourons
Imperative
mourez
meurent
meurs
mourons
Présent Subjonctive
mourez
meure meures
meure mourions
mouriez
meurent
196
CARNET DE CAMPAGNE
Près. Inf.
Fut. Ind.
Près. Cond.
Près. Part.
Impf. Ind.
Past Part.
Past Def. Ind.
Past Subj.
46.
mouvoir, to move
mouvrai
mouvant
mû, mue
mus
mouvrais
mouvais
Présent Indicative
musse
meus meus
meus
meuve meuves
naître, to be bom
renidtre)
xudtrai
naîtrais
meut mouvons
Imperative
mouvons
Présent Subjunctive
meuve mouvions
mouvez
mouvez
mouviea
meuvent
i meuvent
47.
(also
naissant
naissais
né -e
naquis
naquisse
•
nais nais
nais
naisse naisses
offrir, to oger, see
Présent Indicative
nidt naissons
Imperative
naissons
Présent Subjonctive
naisse naissions
naissez
naissez
naissiea
naissent
i naissent
48.
couvrir
49.
ouvrir, to open, se
paraître, to appem
paraîtrai
paraîtrais
e couvrir
60.
r paraissant
paraissait
paru -e
parus
parusse
Présent Indicative
parais parais paraît paraissons paraissez paraissent
Imperative
parais paraissons paraissez
Présent Subjunctive
paraisse paraisses paraisse paraissions paraissiez paraissent
IRREGULAR VERBS
197
Près. Inf.
Près. Part.
Past Part.
Fut. Ind.
Past Dbf. Ind.
Pbbs. Gond.
Impf. Ind.
Past Subj.
51.
parcourir, see courir
52.
partir, see dormir
plaindre, to pUy
53.
tplaignant
plaint -e
plaindrai
tplaignis
plaindrais
tplaignais
tplaignisse
Présent Indicative
plains plains plaint tp^aignons fplaignez fplaignent
Imperative
plains fplajgaons fplaignez
Présent Subjunctive
tplaigne tplaignes fplaigne fplaignions fplaigniez fplaignent
54. plaire, to pleaae (aiso
complaire, taire)
plairai
plairais
plaisant
plaisais
plu
plus
plusse
Près. Ind. plais plais plait • plaisons plaisez plaisent
Imper. plais plaisons plaisez
Près. Subj. plaise plaises plaise plaisions plaisiez plaisent
55. pleuvoir, to rain
û pleuvra
il pleuvrait
Près. Ind. il pleut
Près. Subj. il pleuve
pleuvant
il pleuvait
pleuvent
pleuvent
plu
il plut
il plût
198
CARNET DE CAMPAGNE
Près. Inf.
Fut. Ind.
Pbes. Cond.
Près. Part.
Impf. Ind.
56. pouvoir, to he abh, can pouvant
pourrai
pourrais pouvais
Past Part.
Past Def. Ind.
Past Subj.
pu
pus
pusse
Présent Indicative
peux or puis peux peut pouvons pouvez peuvent
Présent Subjunctive
puisse puisses puisse puissions puissiez puissent
57. prendre, to take (also com-
prendre, reprendre) prenant
prendrai
prendrais
prenais
pns -e
pris
prisse
Présent Indicative
prend prenons prenez prennent
Imperative
, prenons prenez
Présent Subjunctive
prenne prennes prenne prenions preniez prennent
prends prends
prends
58. provenir, see venir
59. reconnidtre, see connidtre
60. reconquérir, see conquérir
61. recouvrir, see couvrir
62. rejoindre, see joindre
63. relire, see lire
64. remettre, see mettre
65. renidtre, see naître
66. renvoyer, see envoyer
67. reparcourir, see courir
68. reprendre, see prendre
IRREGULAR VERBS
199
Près. Inf.
Fut. Ind.
Près. Cond.
69. résoudre, to résolve
résoudrai
résoudrais
résous -sous
-sous
résolve -solves
70. revêtir, see vêtir •
71. rire, to laugh
rirai
rirais
Près. Part.
Impf. Ind.
résolvant
résolvais
Past Part.
Past Dbf. Ind.
Past Subj.
résolu -e
résolus
résolusse
Présent Indicative
-sout -solvons -solvez
-solvent
Imperative
-solvons
-solvez
Présent Subjunctive
-solve -solvions -solviez
-solvent
riant
nais
rit
ri
ris
risse
rient
Près. Ind. ris ris rit rions nez
Imper. ris rions riez
Près. Subj. rie ries rie riions riiez rient
72. rompre, to break
romprai
romprais
rompant
rompais
rompu -€
rompis
rompisse
romps
rompe
romps
romps
rompes
Présent Indicative
rompt rompons rompez rompent
Imperative
rompons rompez
Présent Subjonctive
rompe rompions rompiez rompent
200
CARNET DE CAMPAGNE
Pbes. Inp.
Pbes. Part.
Past Part.
Fut. Ind.
Past Dbf. Ind.
Près. Cokd.
Impf. Ind.
Past Subj.
73.
savoir, to know
sachant
su -e
saurai
sus
saurais
savais
Présent Indicative
susse
sais sais
sait savons
Imperative
savez savent
sais
savons
Présent Subjunctive
savez
sache saches
sentir, see dormir
sache sachions
sachiez sachent
74.
75.
servir, see dormir
76.
sortir, see dormir
souffrir, to auffer
•
77.
souffrant
souffert -e
souffrirai
souffris
souffrirais
souffrais
souffrisse
souffre souffres
souffre
souffre souffres
78. suffire, to he enough
suffirai
suffirais
suffis suffis
Présent Indicative
souffre souffrons souffrez souffrent
Imperative
souffrons souffrez
Présent Subjunctive
souffre souffrions souffriez souffrent
suffisant
suffisais
Présent Indicative
suffit suffisons
suffit -e
suffisis
suffi sisse
suffisez suffisent
IRREGULAR VERBS
201
Près. Inf.
Près. Part.
Past Part.
Fut. Ind.
Past Def. Ind.
Pbes. Cond.
Impf. Ind.
Imperative
Past Subj.
suffis
suffisons
Présent Subjunctive
suffisez
suffise suffises
suffise suffisions
suffisiez suffisent
79. suivre, to foUow
suivant
suivi -e
suivrai
suivis
suivrais
suivais
suivisse
Près. Ind. suis suis suit suivons suivez suivent
Imper. suis suivons suivez
Près. Subj. suive suives suive suivions suiviez suivent
80. taire, to he aUentf see plaire
81. tenir, to hold (also con-
tenir) tenant
tiendrai
tiendrais tenais
tenu -e
tins, tinmes
tinsse
Près. Ind. tiens tiens tient tenons tenez tiennent
Imper. tiens tenons tenez
Près. Subj. tienne tiennes tienne tenions teniez tiennent
82. ttressaillir, to 8tor^,
tremble
ttressaillirai
ftressaillirais
ttressaillant
ftressaillais
ttressailli -e
ttressaillis
ftressaillisse
Présent Indicative
ftressaille f-sailles f-saille f-SAillons f-saillez f-saillent
Imperative
ftressaille t-s^illons f-saillez
Présent Stibjunctive
ftressaille f-sailles f-saille f-saiUions f-sailliez f-saillent
202
CARNET DE CAMPAGNE
Pbbs. Imf.
Ï*UT. InD.
Pbes. Gond.
83. vaincre, to conquer
vaincrai
vaincrais
Pbbs. Pabt.
Impf. Ind.
vainquant
vainquais
Past. Pabt.
Past Def. Ind.
Pabt Subj.
vaincu -e
vainquis
vainquisse
Présent Indicative
vaincs vaincs vainc vainquons vainquez vainquent
Imperative
vaincs vainquons vainquez
Présent Subjonctive
vainque vainques vainque vainquions vainquiez vainquent
84. valoir, to be vxnih
vaudnd
vaudrais
valant
valais
valu -e
valus
valusse
Près. Ind. vaux vaux vaut valons valez valent
Imper. vaux valons valez
Près. Subj. Iraille Irailles Iraille valions valiez fvftillent
85. venir, U> corne (also de-
venir, provenir) venant
viendrai
viendrais venais
venu -e
vins, vint, vinmes
vinsse
viens
viens
viens
vienne viennes
Présent Indicative
vient venons venez
Imperative
venons venez
Présent Subjunctive
vienne venions veniez
viennent
viennent
IRREGULAR VERBS
203
Pbes. Inf.
Fut. Ind.
Près. Cond.
Près. Part.
Impf. Ind.
86. vêtir, to dothe (also dé-
vêtir, revêtir) vêtant
vêtirai
vêtirais vêtais
Past Part.
Past Def. Ind.
Past Subj.
vêtu -e
vêtis
vêtisse
Près. Ind. vêts vêts vêt vêtons vêtez vêtent «
Imper. vêts vêtons vêtez
Près. Subj. vête vêtes vête vêtions vêtiez vêtent
87. vivre, to Vive
vivrai
vivrais
Près. Ind. vis
Imper.
Près. Subj. vive
88. voir, U> aee
verrai
verrais
Près. Ind. vois
Imper.
Près. Subj. voie
vivant
vécu -e
vécus
vivais
vécusse
vis
vit
vivons
vivez vivent
vis
vivons
vivez
vives
vive
vivions
viviez vivent
voyant
vu -e
vis
voyais
\ visse
vois
voit
voyons
voyez voient
vois
voyons
voyez
voies
voie
voyions
voyiez voient
89. vouloir, to wish
voudrai
voudrais
voulant
voulu -e
voulus
voulais voulusse
Présent Indicative
veut voulons voulez
Imperative
tveuille or veux Ireuillons Iveuillez
Présent Subjonctive
tveuille Ireuilles fveuille voulions vouliez fveuillent
veux
veux
veulent
ABBREVIATIONS
abfarev.
abbreviation
inf.
infinitive
adj.
adjective
intj.
interjection
adv.
adverb
TAt.
Latin
aux.
auxiliary
ItaL
Italian
compar.
comparative
m.
masculine iioun
oond.
oonditional
neg.
négative
oonj.
oonjunction
num.
numéral
def.
definite
obs.
obsolète
dÎRJunc.
diRJunctiye •
part.
participle
Eng.
English
pers.
per8on(al)
f.
féminine noun
pi.
plural
fut.
future
posa.
possessive
imper.
imperative
près.
présent
impers.
impersonal
pronom.
pronominal
impf.
imperfect
subj.
subjunctive
ind.
indicative
syU.
syllable
Pronunciation, dérivation, origin, or anomalies in verb formar
tion are indicated in brackets. The pronunciation is indicated
by respelling; the letters hère hâve their French values. Note
especially: i) is the sign of a nasal vowel (m however is to be
pronounced); consonants which the student might take for
silent letters, are doubled; mute e is retained, a full e having
either the acute or the grave accent. '.
In the words preceded by the sign f the l or U after the i
should be given the ''liquid'' sound, for example t^Ue; hère the
U Sound is net heard. The same sign is used before words con-
taining gn^ and shows that the ^ is to be sounded like ny in
canyon.
In the words preceded by the sign % the ch has the sound of h.
204
VOCABULARY
a has; eee avoir
à to, in, at, with, into, within;
by; from; on; according to;
— peu près almost
abandonner to leave, désert
abattement m. prostration; de-
pression, déjection
abattre to bring down, throw
down, strike down, eut down
beat down, lay; fill; depress;
s' — to f ail, burst, alight, fire
abbé-infirmier . m. hospital
priest
abîme m, abyss, pit; mine
abîmer to sink; lose, destroy;
damage, cmsh, wipe out, eut
to pièces
abominable abominable
abondamment generously
abondant -e abundant, pro-
fuse, copions
abord m. access; d' — at first
aboutir to end
aboyer [oi hefore mvie ayU.;
note also aboyions, aboyiez]
to bark
abri m. shelter, cover, refuge;
dugout; à V — sheltered;
à 1* — de away from, pro-
tected from
abriter to shelter, shield, screen,
hide
absolu -e positive, peremptory ;
complète
absolument positively
accabler to overwhelm, over-
power, crush; cast down,
depress, discourage
accéder [ce hefore mute final
syU,, but accéderai(s), etc.]
to consent, agrée; bave ac-
cess to, arrive at, go; reach;
get in
accentuer to accent; s' — to
become marked
accepter to take, accept
accès m. access
t accompagner to accompany,
attend
accomplir to do, finish; per-
form
accordéon m. accordion
accoupler to pair off, assign in
pairs
accourir, accourant, accouru to
nm, run up, hasten, hurry,
rush
t accueil m. réception, welcome,
greeting
t accueillir, accueillant, accueil-
li, to receive, welcome, greet
205
206
CARNET DE CAMPAGNE
accumuler to bring together,
ajnaaa
acheter [chè be^ore mule syU.\
tobuy
achever [chè hefore mute syU.\
to finish, end, conclude; kill
acier m. steel
acoustique acoustic; m. aoous-
ticS| science of sound
acquérir, acquérant, acquis
[près, j'acquiers, fut. j'ac-
querrai] to acquire, obtain,
get
acte m. document; act
acti-f -ve active, busy
action/, action, movement
activité /. activity, action
adieu intj, or m. {pL adieux)
farewell, good-by, adieu
adjudant m. adjudant {no
équivalent in English)
admirable beautiful
admirati-f -ve admiring
admirer to admire
adopter to adopt
adorable admirable
adorer to adore
adresse /. address; à 1' — de
directed toward, meant for
adresser to speak (to), ad-
dress
advenir, advenant, advenu
[ueed ordy in 3 père, and inf.]
to happen, occur, corne,
chance, come to pass; be-
faU
adversaire m. opponent; adj.
hostile
adverse opposite; hostile
aérien {or aë-) -ne in the air
aéro {or aë-) m. airplane
aéroplane {or aë-) m. airplane
affabilité/, affability
affahre /. affair, matter, thing,
case, business
affecter to affect, move, trouble;
touch; assign; assume; send;
take; appropriate
affirmer to assert
affolant -e maddening
affolement m. panic, dérange-
ment
affreusement frightfully
affreu-x -se frightful, terrible
agacer [ç hefore a or o] to irri-
tate, tonnent, amioy
agir to act, do, work, be in
action; s' — (de) to be a
question (of )
agitation/, stir
agité -e agitated; brisk; excit-
ing
agrandir to enlarge, make
larger
agréable pleasant, good
agrément m. consent, approval,
favor; pleasure
ahuri -e confused
aide/, help
aider to help
aie see avoir
aïeule/, grandmother
VOCABULARY
207
aigtt-ë sharp
f aiguille/, needle
aile /. wing
ailette /. wing, ailette; apron
tailleurs elsewhere; somewhere
else; another way; d' —
from somewhere else; be-
sides, also; nevertheless,
however, af ter ail
aimable génial, courteous;
à V — as suited them, etc,
aimablement cordially
aimer to love, like; — mieux
to prefer
ainsi thus; -^ que as, so as, as
well as; like
air m. air, wind; look, appear-
ance; manner, way; tune,
pièce; prendre V — to take
the air, go out for a stroll
aise /. ease
aisé -e easy
aisément easily
ajouter to add
alarmer to alarm, frighten;
s' — to take alarm, be fright-
ened
album [-bom] m. picture book
alcool [-col or -co-ol] m. aloohol
alentour around, about; d' —
surrounding, of the neigh-
borhood, of the vicinity
alentours m. pL neighborhood
alerte /. alarm, waming; dan-
ger signal
t aligner to fall in. Une up
allemand m. German (lan-
guage)
Allemand m. German
allemand -e German
aller, allant, allé {aux. être)
to go; s'en — to go (away);
clear out
allonger [ge hefore a or o] to
lengthen, stretch out, lie;
delay; — sur to slacken
allons (aee aller) come now!
oh well!
allumer to light
allure/, gait, pace, movement;
manner, way, behavior; à
— s de, like
alors then; — que while
alouette /. lark
alourdi -e heavy, burdened;
weighed down
alourdir to make heavy, grow
heavy; slow down
alternative /. altemation
alterner to altemate
aluminium [-om] m. aluminum
altuninum [-nom] m. almninum
amas m. heap
ftme /. soûl, mind
améliorer to improve
aménager [ge before a or o] to
make over, arrange, fit, fit
up; to prépare a position to
resist attack, etc,
amener [mè hefore mute syU.]
to lead, take, bnng up;
draw out
208
CARNET DE CAMPAGNE
Amérique /. the United States
ameublement m. f umiture
ami m. friend
ami -e f riendly
atnmAfiiaf^i -e of ammonîa
amorcer [ç h^ore a or o] to
open, lead
amour m. love
amuser to amuse; s' — to
amuse oneself , hâve a good
time; bave fim; s' — de to
enjoy
analogue similar
ancien -ne former; ex-, old
anéantir to annihilate; de-
stroy; ruin
'Anglais m, Englishman, p2.
English
angoisse/, anguish
animal -e animal; m. (p2. ani-
maux) animal •
animer to animate; s' — to be-
come animated; bestir one-
self ; take courage
année/, year
annoncer [ç h^ore a or o] to
tell, show, give, lead
annuler to coimtermand
anodin -e soothing
antique old, ancient
août [ou] m. August
apaiser to quiet, soothe; s' —
to subside
apercevoir to see; s' — to find
out; s'en — to become
aware (of that)
aperçus see apercevoir
aplanir to smooth out
aplatir to flatten
apôtre m, apostle
apparaître, apparaissant, ap-
paru to appear
t appareil m. apparatus; in-
strument
apparent -e visible
appartement m. flat, apartment
appartenir, appartenant, ap-
partenu to belong
appel m. roU call
appeler [11 l^ore mute syll.] to
call, name
applaudir to applaud
apporter to bring
apprécier to value, esteem
apprendre, apprenant, appris
(à) to leam; teach; infonn
approfondir to deepen
approuver to approve
approvisionnement m. supply
approximati-f -ve fairly accu-
rate
appuyé -e leaning
après after; d' — by
après-midi m. aftemoon
arbre m. tree
arbuste m. shrub
arc m. arch, arc, bow
arc-bouter to support; s' — to
stiffen oneself
architecture /. architecture
ardent -e buming; fervent,
sincère; eager
k
VOCABULARY
209
ardeur/, enthusiasm
aristocratie [-kra-si] /. arîstoc-
racy
arme /. gun, weapon, arm
année/, army
armer to arm, equip
arracher (à) to extort or wring
(from); bring back; rouse
arranger [ge hejare a or o] to
arrange; s' — to settle it
arrêt m. hait
arrêter to stop; s* — to stop,
come to a stop
arrière m. rear; back; à V —
de behind; en — back
arrière-front m. behind the
front
arrivée/, arrivai •
arriver {avx, être) to arrive,
come, be.coming; succeed
arroser to shower, sprinkle,
moisten; s* — to be a case of
"treat"
article m. article, story
artifice m. art; contrivance;
feu d' — firework
t artillerie /. artillery
t artilleur m. artilleryman, gmi-
ner
artistique artistic
ascension/, ascent, trip
aspect [as-pè, hejme a vowel
Sound as-pèk] m. appear-
ance
asphyxiant -e asphyxiating
asphyxié -e asphyxiating
asphyxier to sufFocate; s' — to
be suffocated
aspirant m. probationèr
aspiration/, aspiration
aspirer to snufF, inhale; — à to
hope for, long for
t assaillant m. assailant
assassin m. assassin
assassinat m. murder
assaut m. assault, attack
assez enough
assis -e sitting, seated
assister to be présent
assourdi -e dull, dead, muffled
assourdir to stun
assourdissant -e deaf ening
assourdissement m. deafening,
stimning, din, noise
assuré -e confident
assurer to assure, make sure
of
atmosphère/, air
atrocité /. atrocity
attaque/, attack
attaquer and s' — à to attack
attarder to delay; s' — to stay
late, be belated
atteindre to reach, touch, hit
attendre to wait (for); expect;
s' — à to be prepared for;
en attendant meanwhile
attendri -e tender
attente /. wait, delay
attenti-f -ve attentive
attention/, attention; faire —
to pay attention, listen
210
CARNET DE CAMPAGNE
atténuer w s' — to weaken,
diminish
attirer to attract, draw
aube/, dawn
aubépine/, hawthom
aucun -e any, either; any one,
anybody; no; none; (lised
wiXh a neg.) not one
au delà beyond
au-dessus and — de above
au-devant de before, in front
of
augmenter to increase; s' — to
grow
aujourd'hui tbday
auparavant beforehand, pre-
viously
auprès and — de to, near
aurais, aurait, aurions, etc., see
avoir
auréole /. halo, crown of glory
aurore/, dawn
aussi also, too; thus
aussitôt immediately; — que
as soon as
autant as much, as many, as
far, as long
autel m. altar
auto m. automobile
autobus m. or /. motor bus
automate m. automaton
automatique mechanical
automatiquement automatic-
ally
automobile m. or /. automobile
autorisation/. Ucense
autoriser to allow
autour and — de around
autre other
autruche /. ostrich; blockhead
avalanche /. avalanche
avance /. advance; par — and
d' — beforehand
avancé -e advanced, forward
avancer [ç hefore a or o] and
s* — to advance, come up,
go, go on
avant forward; before; en —
before, forward; de 1' — for-
ward; m. front
avant-coureu-r -se forewam-
ing, waming
avant-propos m. préface
avarie^/, economy
avec with
aventure/, adventure
s'aventurer to venture
averse /. downpour
avertir to inform
avidité/, eagemess
avion m, aéroplane; airplane;
plane
avions see avoir
avoir to hâve; en — assez to
hâve enough; — froid to be
cold; — lieu to take place;
— peur to be afraid; —
sommeil to be sleepy; —
tort to be wrong
avril m. April; poisson d' —
April f ool fish
ajrions see avoir
VOCABULARY
211
B
bague /. ring
bain m. bath
bidtonnette /. bayonet
baiser m. kiss
baissé -e lowered; hanging
baisser or se — to lower, drop,
fall, go down; be lowered
balle/, bail, bullet
ballon m. balloon
ban m. ban, order, notice
banc m. bench, seat
bande /. band
banlieue/, suburbs, outskirts
banni -e baBished
bannière /. banner
baptême m. baptism
baraque /. but
barbare odi. or m. savage
barbarement barbarously
barbarie /. barbarity, cruelty
barbe/, beard
barbelé -e barbed
barboter to wade, flounder
barrage m. barrage fire
bas m. lower part; en — below
t bataille/, battle
t bataillon m. battalion
bâtiment m. building
bâton m. club, staff, stick
battement m. beat(ing)
batterie /. battery
battre to beat; bombard; se —
to fight
battu -e beaten; terre — e clay,
adobe
battue /. hunt
Bavarois m. Bavarian
Bavière/. Bavaria
beau (bel), belle beautiful;
faire — to be fine weather
beaucoup much, many; a great
deal
belle 866 beau
bénédiction/, blessing
bénir to bless; conduct services
bercement m, rocking (in a
cradle), swinging
t besogne /. duty, task
besoin m. need, want; avoir —
de to need
bête/, beast; adj. stupid
bêtement stupidly
bibelot m. gewgaw, trinket
bickford [Eng,] m, explosive
charge; adj. Bickford
bidon m. canteen
bien well; comfortable; quite;
— que although; — de
many; much; — entendu
you may well believe, ete.
bientôt soon
bienvenu -e welcome
bienvenue /. welcome; sou-
haiter la — to welcome
bikford 866 bickford
t billet m. note
biscuit m. cracker
bivouac m. camp
bivouaquer to camp
blafard -e dim, dull, pale, pal-
Ud
212
CARNET DE CAMPAGNE
blague /. tobacco pouch; joke,
jest
blanc, blanche white
blêmir to tum pale; — encore
to make paler still
blessé m. wounded (man)
blesser to wound, hurt
blessure /. wound
bleu -e blue
bleuâtre blue, bluish
blindé -e armored; métal —
sheet métal
blottir or se — to squeeze
Boche [soîdier ^^slang'^] m. Ger-
man
boche [soldier "slang"] adj,
Gennan
bœuf m. ox; beef
boire, buvant, bu to drink
bois m. wood; forest, grove;
de — wooden
boisson m. dnnking; beverage,
drink
boîte /. box
bombardement m. bombard-
ment
bombarder to bombard
bombe/, bomb, shell
bon -ne good; cordial; amiable;
faire — to be good or pleas-
ant; de — ^ne heure early;
à quoi — of what use?
bonbon m. candy
bond m. leap
bondir to leap
bonheur [bo-neur] m. happiness
bonnet m. hat
bord m. edge
borné -e oonfined
bosquet m. grove, thicket
bouche/, mouth
bouché -e sealed, oorked
boucher to make openings in
bouchon m. cork, stopper
boue/, mud
boueu-x -se muddy
bouffée/, puff ; scrap, bit
bougie /. candie
t bouillir, bouillant, bouilli to
boil
t bouillon m. soup,
bouleversé -e broken down,
leveled
bouleverser to break down,
overwhelm
bourbeu-x -se muddy
bourdonnement m. sound, re-
sounding; roaring, hum
bourdonner to hum; sound
bourgeois [bour-joi] m. citizen,
burgher
bourrasque/, flurry
bourrer to stuff, put in a
charge
bousculer to jostle, bump
against
bout m. end; à — portant point
blank, at short range; à —
gone; exhausted; à — de
forces exhausted; au — de
after
t bouteille /. bottle
VOCABULARY
213
boutique /. shop
boutoir m. knife
bouton m, button
boyau m, communication
trench
brancard m. stretcher
brancardier m. stretcher bearer
branchage m. branches, brush
branle-bas m. confusion; — de
combat clearing for action
bras m. arm
brasero m. brazier, stove
brave {after the noun) brave;
(hefore the noun) worthy
braver to brave, defy
bravoure /. bravery, gallantry
brèche /. breach
bref, brève short
bretelle /. suspender, strap;
à la — carried by the strap
brigade /. brigade
t briller to glisten
briquet m. steel, flint and steel
briser to break
broderie /. embroidery
broncher to flinch
brosse/, brush
t brouillard m. fog, mist
bruit m. noise, sound; gossîp,
rumor
brûler to bum; be eager
brumeu-x -se foggy
Brun m. Brun, a siuname
brusquement suddenly
brutal -e brutal, senseless;
severe
brute/, brute •
bruyant -e loud
bu see boire
bureau m. {pi. bureaux) office
bus see boire
but m. aim, goal; end, purpose;
destination
but see boire
butin m. plunder, booty
butte /. ridge, hill
buvant see boire
çà hère; — et là hère and
there
ça contraction of cela that
cabane /. hut
cache-nez [-né] m. muffler,
scarf
cacher (à) to hide (from)
cadavre m. body, oorpse
cadeau m, présent
café m. coffee
fcagna/. dugout
cahot m. jolt
cahoter to jolt
cahute /. shed
caisse /. box; fund
calibre m. caliber
calme quiet, calm, peaceful;
m. quiet, calm
calvaire m. Calvary; agony
camarade m. conu*ade
camion m. truck
camoufler to imitate, **fake'';
countermine
214
CARNET DE CAMPAGNE
Camp m. camp; — d'instruc-
tion training camp
t campagne /. country, field;
campaign
canal m. canal, channel
candélabre m. candlestick
canon m. barrel; cannon, gmi
canon-révolver [-vèrr] m. rapid-
fire gun
canoter to canoë
cantine /. officer's chest
cantique /. hymn
cantonnement m. cantonment
(pronounce can'tonment,
cantone'ment, or [Eng.] can-
toon'ment)
cantonner to camp
caoutchouc [kou-tchou] m. rub-
ber
capitaine m. captain
capitale /. capital (city)
caporal {pL caporaux) m. cor-
poral
capote /. cloak (with hood),
overcoat
capti-f -ve captive
capturé -e taken
capucin m. Capuchin friar
car conj. for
caractère m. characteristic,
character
carboniser to bum to death
carnet m. notebook
carré m. square
carrefour m. crossroads
carte /. map; postcard
carton m. pasteboard
cartouche/, cartridge
cartouchière /. cartridge box
cas m. case
casque m. helmet
cassé -e broken
casser to break; — la croûte
to hâve a "bite" to eat
cathédrale /. cathedral
cauchemar m. nightmare
cause /. cause; à — de on
account of, etc.
causer to talk
causerie/, conversation
cavalerie/, cavaby
cave /. cave; excavation, cellar
caverne /. cave
cavité/, hollow, dépression
ce (cet), cette, pi. ces this,
that, it, he, she, they, those
ceci this
ceinturon m. belt
cela that, it
célérité /. speed
celles-ci see ceci
celui, celle, pi. ceux, celles
that, the one(s); he, she, it
cent hundred
centaine /. hundred or so
centimètre m. centimeter
centre m. center
cependant however; — que
while
cercle m. circle
t cercueil m. cofi&n
cérébral -e brain, of the brain
VOCABULARY
215
cérémonie/, ceremony
certain -e a, certain; pi, some
certainement surely
cesse /. ceasing, rest; sans
— inceBsantly, constantly;
avoir de — to stop
cesser to stop
c'est-à-dire that is
ceux see celui
ceux-ci the latter, they, thèse
ceux-là the former, those
chacun each (one), every (one)
chagrin m. grief, sorrow, anger
chaise /. chair; — longue
steamer chair
chaleur/, heat
Chàlons Chalons
chambre /. room
champ m. field, plain
t Champagne [chai)-] m. Cham-
pagne (wine)
t Champagne /. Champagne
champenois [chai)-] -e Cham-
pagne, of Champagne
chance/, lucls; good luck
chanceler. [11 hefore mute syîl.]
to totter, réel
chandelle/, candie, light
change m. change; donner de
or le — to mislead, deoeive;
en — altemating
changement m. change; dif-
férence; en — changing
changer [ge hefore a or o] or
changer de to change
chant m. song
chanter to sing
I chaotique chaotic, rough
chapitre m. chapter
chaque each, every
charbon m, carbon, charcoal;
— de bois, charcoal
charger [ge hefore a or o] to
charge, load; instruct; as-
sign; entrust; se — de to
hâve charge of, see to; se —
to take charge
charmant -e agreeable
charme m. charm
charnier m, morgue
charrette /. dray, cart
chasser to hunt, pursue; drive
away
château m. château, country
house, manor house; castle
chatoyant -e brilliant; shim-
mering
chaud -e warm; au — warm,
jBirarmly
chauffer to heat, warm
chaussure/, boots, shoes
cheddite /. cheddite (explo-
sive)
chef [chef] m, head, chief;
leader
chemin m. road; — de fer
railroad; faire du — to go
quite a distance; gain ground
cheminée/, fireplace
chemise /. shirt
cher, chère dear
chercher to hunt for
216
CARNET DE CAMPAGNE
cheval (pi. chevaux) m. horse;
— de frise cheval-de-frise
chevalet m. trestle, horse, rest,
support
chevet m. cot
cheveu (pL cheveux) m. hair
chez [ché] at — 's home, etc.;
with, among, at, by, iii(to)
— 's house or quarters; to; of
chiendent [chi-ii)-dai)] m.
couch grass
choc m. shock
chocolat m. chocolaté
I chœur m. chorus
choir to fall
choisi -e choice
choisir to choose
chose /. thing; grand' — much
of anything
chou-fleur {pi. choux-fleurs)/.
cauliflower
I chronologiquement in chrono-
logical order $
chuchoter to whisper
chut see choir
chute /. fall
ci hère; de — hère
ci-après following
ciel ipl. ciels or cieux) m. sky
cigarette /. cigarette
cimetière m. cemetery
cingler to lash, eut, whip
circonstance/, condition
circuler to be circulated, pass
cité -e named, cited
citoyen m. inhabitant
civil -e polite
civilisé -e civilized
clair -e clear; au — drawn, set,
fixed
clairon m. bugle, bugler
clairsemé -e sparse, scattered
clamer to exclaim; insist
clapet m. valve; trigger
claquement m. noise, shot
classe /. class
classique classic(al); m. classic
din m. twinkling
clocher m. tower
cm. ahbrev. for centimètre (s)
cocarde m. cockade
cœur m. heart; courage; de
grand — in high spirits
coffre m. trunk
coiffeur m. barber
coin m. corner
colère/, anger
colis m. parcel
collaboration/, coopération
collège m. school
collègue m. colleague, asso-
ciate
collme/. hill
colonel m. colonel
colonne /. column
combat m. fight, skirmish;
action, engagement
combattre to fight
combien how much, how many
combiné -e combined, imani-
mous; systematized, prear-
ranged
VOCABULARY
217
combler to heap, fill
comique fmmy, comic
commandant m. major, com-
manding offîcer
commandement m. command;
officers; order; de — ordered,
at command
commander to command
comme as, when, while; like;
for
commencement m. beginning
commencer [ç hefore a or o] to
begin
comment how
commode conmiodious, pleas-
ant; easy to deal with
commodément easily, com-
fortably
commotion /. commotion,
shock
communication /. commimica-
tion; boyau de — conmiimi-
cation trench
communiqué m. bulletin
communiquer to inform, in-
still, report, transmit
t compagne/, companion
t compagnie/, company
t compagnon m. companion,
comrade
comparaison (de) /. compari-
son
compartiment m. compart-
ment, room
compatriote m. fellow country-
man, own man
complaire, complaisant, com-
plu to please; se — dans to
take delight in
complet -été complète; full,
no room
compléter [d before final mute
syll.f but compléterai (s), etc.]
to complète
compliqué -e intricate, diffi-
cult, complicated
comporter to oonduet
composer to compose; se —
(de) to oonsist (of )
compréhensible compréhen-
sible
comprendre, comprenant,
compris to understand
compte [koi)-te] m. (ac)count;
— rendu report; se rendre
— de to look over, size up,
observe, notice
compter [koi)-té] (sur) to count.
(on) ; plan, expect
concernant -e conceming,
about
concert m. concert; de — si-
multaneously
concevoir, concevant, conçu
to imagine; se — to be un-
derstood or compréhensible
concours m. aid; contest, com-
pétition
condamnation [-da-na-si-oi)] /.
sentence; conviction
condamné [-da-né] m. culprit,
guilty
218
CARNET DE CAMPAGNE
condamner [-da-né] to oon-
demn
condensé -e condensed
conduire, conduisant, conduit
to lead, take, conduct
conduite /. conduct, behavior
confectionner to make
conférer [fè hefore mute sylL]
to conf er
confiance /. confidence
confident m. confidant
confier to confidci entrust
confondre to confuse; se — to
be confused; mingle
confort m. comfort
confortable comf ortable
confortablement comfortably
confusément conf usedly
congé m. leave
congestion/, congestion
connaissance/, knowledge, ac-,
quaintance; attainment;
consciousness; prendre — to
make oneself acquainted
connaître, connaissant, con-
nu to know, be acquainted
with
connu -e known
conquérir, conquérant, con-
quis to take
conquises see conquérir
consacré -e devoted
conscience /. consciousness;
prendre — to become aware
consciencieusement conscien-
tiously
conscient -e conscious; awake
t conseil m. oouncil
consentir to consent
conséquence /. conséquence,
resuit
conserve /. préserve; bœuf de
— canned beef
t consigne/, duty, orders
consister (à or en) to consist
(of)
consoler to console
consteller to spot, fieck
constitué -e established
construire to build
consulter to consult
contact m. contact, touch
contenance/, face; faire bonne
— to take it coolly or sto-
ically
contenir to contain, confine;
limit
content -e (de) pleased,
happy
contentement m. joy
contenter to content; se — de
to be satisfied with
conter to tell
continu -e continuons
continuer to continue
contorsionné -e twisted
contourné -e winding
contraire m, opposite; au — on
the contrary
contrairement contrary
contraste m. contrast
contrat m. contract
VOCABULARY
219
contre against; in retum; to
prevent; par — to make up
for that
contre-attaque /. counterat-
tack
contre^ttaquer to counter-
attack
contrée /. country
contre-mine /. countermine
contrôler to examine, inspect,
check
conversation/, talk
converser to talk
conviction/, belief
convoi m. procession, train,
convoy, wagon train
convoiter to covet
copier to imitate
copieusement liberally, abun-
dantly
copieu-x -se abundant
coq m. rooster
cordial -e cordial
cordon m. fuse
corps [kor] m. body; troop,
corps; faire — avec to be a
part of
corps-à-corps m. hand to hand
fight
correct -e correct
correctement properly
correspondance /. correspond-
ence
corvée /. squad, work-party;
gangwork
costume m. imiform
côte/, rib; hill, slope
côté m. side; direction; à — de
beside; d'un — in one direc-
tion; d'à — adjoining, adja-
cent, next; du — on the , . .
side
coteau m. slope
cou m. neck
couche/, bed, layer
couché -e lying, laid, placed
coucher to lay; put to bed;
se — to lie down
couchette /. bunk, cot
coude m. elbow
coudre, cousapt^ cousu to sew;
à — sewing
coulé -e past
couler to flow
couleur /. color
coup m, blow, stroke; shot;
blast; thrust; — d'œîl
glance; tout à ^- ail at
once
coupe/, eut, plan
couper to eut (off)
couple m. couple
cour/, court, yard
courage m. courage
courant m, current, course
courbature /. stiffness of the
joints
courbé -e bent; — en deux
bent double
courir, courant, couru to nm;
be current
cours [kour] m. course
220
CARNET DE CAMPAGNE
course /. sprint; flight, course
courtoisie /. politeness
courus see courir
couteau m. knife
coûter to cost
coûteu-x -se costly
coutume m. custom; de —
usual
couvert -e covered
couverture /. bedclothes, blan-
ket
couvrir to cover
cracher to spit
craie /. chalk
t craignîmes 8ee craindre
craindre to fear
fcrapouillaud or fcrapouillot
m. trench mortar
créneau (pL créneaux) m. loop-
hole
crépiter to crackle, patter
crépuscule m, dusk, twilight
creuser to dig
cri m. cry; complaint
crihlé -e riddled
crier to shout, cry out, shriek
critique critical
croire, croyant, cru to be-
lieve
croisement m. passing
croiser to meet, pass, cross
croisser to increase
croître to grow; increase
croix/, cross
crosse /. butt
crotte/, mud
crotter to spatter
croûte/, crust
cube m. block, lump
cuire, cuisant, cuit to cook,
beat; bum
cuisine /. kitchen; de — cook-
ing
cuisinier m. cook
cuisse /. thigh
cuivre m. copper
culbuté -e thrown down
cul-de-jatte m. tnmk (of a
body)
culot m. metallic end or tip
Cuperly Cuperly
cuvette /. basin
f d'ailleurs see ailleurs -
dame /. lady; pi. checkers
danger m. danger
dangereu-x -se dangerous
dans in(to)i to, through, with,
out of, from, between
danse /. dance
Dardanelles/, pi, Dardanelles
davantage more, still more,
f urther, any longer
de of, from, out of, in, with,
by, on, upon, for; than; in
conséquence of ; — ci hère;
— là there
t débarbouiller to shave
débarquement m. disembarca-
tion, vmloading
VOCABULARY
221
débarquer to detrain, unload
débarrasser to empty, rid,
clear
débouchoir m. pin
debout standing, up
t débrouillard m. extricator,
man in a pinch
début m. beginning
deçà this side
déceler [ce hefore mute sylL]
to reveal, betray
décès [désè] m. death
décharger [ge before a or o] to
fire
déchaussé -e unshod
déchiffrer to decipher
déchiqueté -e mangled, broken,
shattered
déchiqueter [tt hefore mule
8yU.\ to shatter
déchiré -e tom
décidément surely
décider to décide; make one
décide; persuade
dédancher tp release; set in
motion
déclarer to déclare
décliner to go down, set
décoller to disengage
décombres m. pi, rubbish
décoration/, décoration
décorer to decorate
découvert -e exposed, unpro-
tected
découvert m. discovery; à — in
the open
découvrir to discover; —
(mieux) la vue to bave a
(better) view
décrire, décrivant, décrit j;o
describe
défendre (à or de) to défend;
(à) forbid
défense /. défense; — de
sortir order not to go out
défenseur m. defender
défensi-f -ve défensive
défilé m. passage; — devant
march past
défiler to go
définition /. définition; par —
as a matter of course
défoncé -e eut up; destroyed
dégager [ge hefore a or o] to
free
dégringoler to tumble down;
throw down
dehors outside; du — from
outside; au — outside
déjà already
déjeuner m. breakfast
delà or au — , au — de beyond
délabré -e in ruins
se délecter à to take pleasure
in, enjoy
délicat -e dainty; considerate
délices m. pi. pleasure; rap-
ture(p)
délicieu-x -se delightful
délirer to be delirious
délivrance /. deliverance
demain tomorrow
222
CARNET DE CAMPAGNE
demander (de) to ask, ask for
déménager [ge be/ore a or o]
to move, bring
démenti -e belied, denied
demeurer to réside, live; re-
main
demi -e half ; à — half
demi-dieu (pZ.-dieux) m, demi-
god
demi-douzaine /. half dozen,
six
demi-heure /. half hour
demi-litre m, half litre
demi-obscurité /. dim light
demi-section /. half platoon
demi-sphère /. hémisphère;
dish
démoli -e demolished
démolir to tear down, kill
démoralisation /. panic
dénoter to mark
dénouer to undo
denrée /. ware, merchandise;
pi. goods; victuals, food,
foodstuff(s)
dense thick
dentelle /. lace
départ m. departure, leaving;
tranchée or parallèle de —
trench of departure (one
from which an assault is
made)
dépasser to pass, pass through
dépendre (de) to dépend (on
or upon)
dépité -e spiteful
déplacement m, disturbance,
movement
déplacer [ç brfore a. or o] to
shift
déplier to imf old
déployé -e extended; spread
out; âying
déployer [oi before mute sylL]
to move aside
déposer to unload, deposit,
store
dépôt m. warehouse, dump
dépourvu -e (de) devoid of,
deprived of , without
déprimer to depress
depuis since, for, from, in, af ter
déranger [ge before a or o] to
disarrange; se — to go out
of one's way, take the
trouble; be disturbed
demi-er -ère last
dérouler to imroll
derrière behind; par — (from)
behind
dès from, at, in; — lors from
that time; — que as soon as,
whenever
désagréable disagreeable
désagréablement disagreeably
se désagréger [grè before final
mvte sylL, but désagrége-
rai (s), etc. ; ge b^ore a or o]
to f ail down, break off
désaltérer [tè before final mute
syll.f bvi désaltérerai (s), etc.]
to quench thirst
VOCABUI^ARY
223
désanner to dîsarm
descendre to corne down, go
down; take off, remove
déséquiper to give up arms,
free from loads
désert m. désert
désert -e deserted
désespéré -e desperate
désespérer [pd hefore mvie syU.]
to despair; make one despair
désespoir m. despair
t déshabiller to undress
t désigner to assign, appoint
désillusion /. disappointment
désir m. désire
désirer to wish \
désireu-x -se wishing
désœuvré -e idle
désolation/, désolation
désolé -e desolate; inconsol-
able, desoi&ted
désordre m, disorder, confusion
désormais henceforth
desquelles see lequel
dessert m, dessert
dessin m. sketch
dessiner to sketch
dessous under, below
dessus above; de — from off
destin m. fate
destiner to be meant (for)
destructeur m. destroyer
destruction/, désolation
détacher to detach; se — to
stand out; to hâve broken
loose
t détail rk, détail, item
déterminer to fix; produce
déterrer to unearth, drive out
détester to hâte
détonation/, explosion, report
détour m. tum, bend
détourner to lead astray; di-
vert; tum aside
détrempé -e sopJced
détremper to soak; se — to
soften, crumble
détruire to destroy
t deuil m. mouming, grief
deux two; en — double
devant before, in the face of ;
at; en — de in front of
devenir, devenant, devenu to
become
dévêtir to undress
deviner to guess
devint see devenir
deviser to chat
devoir m. duty
devoir, devant, dû to owe,
ought, should; be compelled,
hâve to, be to
dévoué -e devoted
dévouement m. dévotion
diable m. devil
dieu m. God
différent -e différent
différer [fè before mute syU.] to
postpone
difficulté /. difficulty
t digue worthy
t dignement worthily
224
CARNET DE CAMPAGNE
9
dimanche m. Sunday
diner m. dinner
dire, disant, dit to say; en —
long sur to go into détails
about
directrice /. superintendant,
head
diriger [ge hefore a or o] to di-
rect, supervise
discontinuer to stop coming,
stop
discourir to talk
discuter to discuss
dislocation /. disorganization
disloquer to break up
disparaître, disparaissant, dis-
paru to disappear; — sous
to be covered with
dispersé -e scattered, broken
dispos -e active; cheerful, well;
mal — ill-natured, grouchy
disposé -e arranged
disposition/, disposai, arrange-
ment, plan
dissimulé -e (à) hidden (from)
dissimuler to conceal
dissiper to dissipate, scatter
distance /. distance
distant -e distant
distinctement distinctly
distinguer to make out
distraction/, distraction
distraire to distract
distribuer to give out
divagation /. raving, deliriimi
divers -e différent, various
diversement in différent ways,
differently, otherwise
divin -e divine
diviser or se — to divide
dix [diss; diz hefore a voweL or
sUent h ; di before a consonarU
or aspiraied h] ten
dizaine/, dozen
docteur m. doctor, physicien
document m. dociunent
doit see devoir
doivent aee devoir
domaine m. domain
domidle m. quarters
dominer to overlook
dommage m. harm
donc so, therefore, then; any-
how; that is
donné -e given; à un moment
— once; at the proper time,
etc,
donner to give; fire; look; play;
set
Don Quichotte m. Don Quixote
dont of which, whose
dormir to sleep
dort see dormir
dortoir m. donnitory
dos m. back
double double
doublé -e doubled
doublement m. doubling; de —
reênforcing
doubler to double
douce 8ee doux
doucement gently
VOCABULARY
225
douche/, shower (bath)
t douille /. casing of a shell
doulce médiéval for douce; see
doux
douleur/, pain
douloureu-z -se sad, sorry;
painful
douter to doubt, question; se
— de to suspect, hâve an
idea of ; not to know
dou-z -ce soft, gentle, sweet
drap m. cloth; bedclothes
drapeau m. flag
drastique onerous, hard, ardu-
ous
dresser to raise, exécute, fill
out; se — to stand
droit m. right
droit -e right; straight; à — e
to the right, at the right
drôle funny
dru -e brisk
dû see devoir
dû, due due
duquel see lequel
dur -e hard
durant during; (postposUivé)
without interruption
durement severely
durent see devoir
durer to last
dut see devoir
E
eau/, water
eau-de-vie/. brandy
éboulement m. cave-in, slump
échancrure/. notch
échanger [ge before a or o] to
exchange; s' — to be ex-
changed
échapper and s' — (à) to
escape; V — belle to hâve a
narrow escape
écharpe /. sling
échéant (see échoir) falling;
de or le cas — in that
case
échelle/, ladder
échelon m, rung, round, step
}écho m. écho
éclabousser to splash
éclair m. flash
éclairage m. lighting, iUum-*
ination
éclairci -e thinned
éclairer to light up
éclat m. fragment, splinter,
pièce; explosion, bursting;
report; crash; flash; fire,
flare
éclater to explode, burst; begin
édopé -e footsore; m. cripple
école /. school; faire P — to
conduct a school
écouler to flow (out); move
out; s' — to elapse; occur;
pass; move out
écouter to listen
écouteur m. listener
écrire, écrivant, écrit to write
écriteau m. sign, inscription
226
CARNET DE CAMPAGNE
écrivain m. writer
écroulé -e broken down, in
ruins
s'écrouler to fall down
effacer [ç hefore a or o] sup-
press, efface
effet m, effect; fact; en — in
fact, really, etc.
efficace effective
efficacement well
efficacité /. eflBciency; tir d' —
àrumfire
effondrer to blow in, break
down, level; s' — to give
way, fall in; sink, collapse
s'efforcer [ç hefore a or o] to
make an effort
effort m. exertion, attempt
effrayant -e fnghtfnl, threat-
ening
effréné -e frenzied
s'effriter to crumble
effroyable frightfnl
effroyablement frightf ully
égal -e equal
également likewise
égaré -e distracted, bewildered
égarer to mislead; s' — to get
lost
église /. church
égolsme m. selfishness
éjection/, éjection
élan m. thrust, attack; rush,
dash; enthusiasm
élancer [ç hefore a or o] to
throw, hurl; s' — to rush
élargir to extend, widen,
stretch; spread out; s' — to
enlarge, increase
électrique electric
élève-offider (p2. élôves-offi-
ciers) m. student-officer
élever [le heifore mute syU,\ to
raise; s* — to rise
élire to choose
t éloigner to remove; s' — to
go away
élus see élire
élysées m. pi. aàj, Elysian
embarquement m. getting in,
loading
embarquer to entrain, climb
aboard; put in
embarras m. imcertaînty; ob-
struction, hindrance
emblème m. emblem
embourbé -e muddy
embranchement m. branch Une
embrasser to kiss; embrace
émerger [ge hefore a or o] to
come out
emmagasinement m. storing
emmêlé -e mixed; confused;
caked
émotion/, excitement, feeling
émousser to blunt
émouvant -e exciting; touch-
ing
émouvoir to touch
s'emparer de to seize
empêcher (de) to prevent,
hinder (from)
VOCABULARY
227
empereur m. emperor
s'empêtrer to be stuck
empiler to pile up
empire m. empire
emplacement m. station, posi-
tion
emplâtre m. plaster
employé m. employée
employer [oi hefore mute syll.]
to hirç, employ
emporter to carry, take; carry
away
empressement m. eagemess,
promptness
s'empresser to crowd, flock,
gather; be eager
ému -e moved, affected, sin-
cère
en in(to), within, on, to, at,
of ; as; made of ; in the shape
of
en of it, of them, from it,
etc.
encadré -e snrrounded
encendié -e bnmt
encens m. incense
enchanter to delight
enchevêtré -e confused, inter-
twined
encore still, yet; again, also,
more
encourageant -e encom'aging
encouragement m. encourage-
ment
endormir, to put to sleep; s' —
to fall asleep
endroit m. place
endurer to endure
enfant m. /. child
enfer m. hell, infemo; train
d'— wild procession
enfermer to confine
s'enfiévrer [fié hefore mvJte syll.]
to become inflamed
enfilade/, séries, row; enfilade,
raking; prendre d* — to en-
filade, sweep
enfin finally, at last
enfler or s' — to expand, swell
enfoncer [ç hefore a or o] to
sink; s' — to mire; fall, sink;
slope, penetrate
enfouir to bury, cover, hide
s'enfuir to run away, désert;
go
engagé -e enlisted
engin m. engine, machine
engluer to ensnare; impede;
s' — to be caught in the
mud; stick fast
engouffrer to engulf; s' — to
rush; be swallowed up
engourdi -e deadening; stupe-
fied
engourdissement m. falling
asleep
enivrant [ai)-ni-] -e intoxicat-
ing; inspiring
enjamber to straddle; climb
over
enlever [le hefore mute syll.] to
remove, take away
228
CARNET DE CAMPAGNE
enlisement m. BÎnking (into
quicksand, etc.); suffocar
tion
ennemi [en-] m. enemy
ennemi [en-] -e hostile, enemy
ennui m. annoyance
ennuyer [ui before mute eyU.]
to annoy; s* — to be
bored
ennuyeu-z -se tiresome
énormément much
enregistrer ta record
enroulé -e wrapped
ensemble together
ensuite then
entamer to begin, open; break
into
entasser to pile up; s' — to
crowd
entendre to hear; understand
entendu -e heard; understood;
bien — of course, etc,
enterrer to bury
entêter to make giddy; s' — to
be obstinate
enthousiasmant -e inspiring
enthousiasme m. enthusiasm
enthousiaste enthusiastic
enti-er -ère entire
entier m. whole; en — in its
entirety
entièrement entirely
entonnoir m, funnel; shellhole;
crater
entourer to siirround; wrap,
bandage
entraîner to drag, pull, take;
lead
entre among, into, with, be-
tween; d* — of
entrée/, entrance, entry
entreprise /. enterprise, under-
taking
entrer (dans) to enter, corne
in
entre-temps meanwhile
envahi -e invaded
enveloppe /. envelope
envelopper to wrap, cover
envergure/, expanse
envie/, wish, désire
envier to envy
environ about
envisager [ge before a or o] to
face
envoyer [oi before mvJte ayll.] to
send
épais -se thick, close
t éparpiller to scatter
épars -e scattered
épaule /. shoulder
épée/. sword
époque /. epoch
épouvantable frightful
éprouver to show, manif est
épuiser to exhaust; s' — to
be (corne) exhausted
équipe/, gang, squad
équipement m. equipment
équiper to equip
érafler to graze, just touch
éreinté -e wom-out
VOCABULARY
229
errer to wander
erreur /. wandering from the
way, losing the way
escabeau m. stool
escalader to climb
escalier m. stairway
escogriffe m. tall fellow
escompter [-koihté] to dis-
count; anticipate
escouade /. squad
espace m. space, area
espèce /. sort
espérance/, hope
espérer [pè hefore mute ayU,] to
hope
espoir m. hope
esprit m. mind
s'esquiver to avoid one an-
other
essai m. essay
essayer (de) [ai before mute
eyll.] to try
essentiel [nsai^si-èl] -le essen-
tial; m, necessary thing
est m, East; adj, east
établir to establish, construct;
s' — to be stationed; stop
étage m. story, floor; tier
étagère /. shelf ; set of shelves
étais, était, étions, étaient see
être
étaler to spread; s' — to
stretch, spread out
étant see être
étape /. stop, hait, stage
état/, state; condition
état-major m. staff
étayer [ai hefore mute syU,] to
prop
été eee être
étendard m. banner
étendre or s* — to extend,
stretch
étendu -e stretched; extensive
étendue /. extent, expanse
étincelant -e gleaming; lively;
inspiring
étincelle/, spark
étiquette/, tag
étoffe/, cloth, fabric
étoile/, star .
étonnement m. astonishment
étouffant -e stifling, suff ocating
étourdir to numb, stun
étrange strange
être, étant, été {aux. être) to
be; — bien to be comfort-
able; m. person, being
étroit -e narrow, close; inti-
mate; à 1* — in cramped
quarters
étude/, study
étudier to study
étjrmologie /. etymology, défi-
nition, dérivation
européen -ne European
eût see avoir
eux they, them
évacuation /. removal to the
hospital; distribution
évacué -e weakened; started
back, "evacuated''; sent
230
CARNET^DE CAMPAGNE
s'évanouir to faînt
évasé -e wide; rambling, wan-
dering
t éveillé -e awakened, awake;
mal — grouchy, iU-humored
t éveiller to wake; s' — to wake
(up)
événement m. event
éventré -e disemboweled
éventualité /. outcome, re-
suit
évidemment evidently
évoquer to call up
exact -e exact
exactement exactly
examiner to inspect
exaspéré -e wom-out
excellent -e excellent
excitation/, excitement
exciter to stimulate
excuse/, excuse
excuser to excuse; s' — to be
forgiven
exécuter to play; exécute, do,
perform
exécuti-f -ve effective; faire —
todo
exécution /. punishment
exemple m. example
exercice m. drill
exiger [ge hefore a or o] to
demand, require, exact
existence/, existence
expédier to send
expédition/, trip, enterprise
expéditionnaire expeditionary
explication /. explanation, di-
rection
expliquer to explain; s' — to
be compréhensible
explorer to explore
exploser to set off, explode
explosion/, explosion
exposer to expose; teach, ex-
hibit
expr-ès [èks-prè] -esse spécial
exténué -e exhausted
extérieur -e outside; material
exterminer to destroy, kill
extra m. extras
extraordinairement unusually
extrême extrême
extrêmement extremely, much
extrémité/, extremity, end
fabriquant m. maker
fabriquer to make
face /. face; front; en — or
d'en — opposite, forward
fâcher to anger; se — to be
vexed
facile (à) easy
facilement easily
façon /. making; shape; way;
de — so as; de — que so
that; de — à so as
faiblement f eebly
f faillir to fail; hâve a narrow
escape
faim/, hunger
VOCABULARY
231
faire, faisant, fait to make, do,
cause; perform; give; play;
hâve; say; hâve (a thing
done); — attention to pay
attention; — beau to be
beautiful weather; — bon to
be good or pleasant; — sa
classe to bave iraining; —
corps avec to be a part of ;
— feu to fire, shoot; — froid
to be cold; — halte to hait;
— mal à to hurt; — rage to
rage; — part à to share; se —
to make up one's mind; be
managed; — du chemin to
gain ground, go quite a
distance; — l'école to con-
duct a school; se — Poreille
to listen; — visite to caU;
— sombre to grow dark, be
dark
faisceau m. stack; former des
— ^x to stack arma
fait m. deed
falloir, , fallu to need, re-
quire; bave to; be necessary
fameu-z -se famous; very good
familièrement naturally, un-
constrainedly; at ease
t famille/, family
fanfare/, flourish (of trumpets)
fange/, mud
fangeu-z -se muddy
fanion m. banner, pennant
fantaisie/, whim
fantaisiste fancifui; absurd
fantaisistement fancif ully
fantassin m. infantryman
fantôme m. ghost, shadow;
remains
fardeau m. burden
far niente [Ital,\ to do noth-*
ing; m. idleness
farouche fierce
fasciné -e fascinated
fastueu-z -se sumptuous, mag-
nificent
fatiguant -e tiresome, wearjông
fatigue /. fatigue; pain, hard-
ship
fatigué -e tired, weary
faucher to mow (down)
faut see falloir
fauve m. wild beast or beasts
fau-z -sse incorrect, false
féliciter to congratulate
femme [f a-me] /. woman
fenêtre/, window, opening
fer m. iron; chemin de — rail-
road; — de cheval horseshoe
ferme firm; hard, solid; sturd-
ily
fermer to close
t ferraille/, junk; tinware
ferré -e equipped with iron;
shod; voie — e railroad
fêter to celebrate
feu (p2. feuz) m. fire
t feuillage m, leaves, foliage
février m. February
fiancée/, fiancée
ficelle/, string
232
C2AIINET DE CAMPAGNE
fiche/, tag
ficher to drive (a nail, etc.)
fidèle true, faithful
fi-er [firèrr] -ère proud
fièrement proudly
fierté /. pride
fièvre/, fever
figé -e set
figure /. face
fil m. wire
file/, file, Une
filet m. net; thread; stream
fin /. end; à la — finally;
à — que to the end that,
that
fin -e fine, thin
finalement finally
finir to finish
finis [Lot.] /. end; good-by to
fis see faire
fisse see faire
fissent see faire
fixe fixed, set
fixé -e agreed on, set; directed,
tumed
fixer to fasten; détermine, set
flacon m. bottle
flamber to blaze
flamme /. flame
flanc m. flank, side
La Flandre /. (also pL) Flan-
ders
flâner to loiter, saunter
flèche /. arrow
fleur/, flower, blossom; en — s
in bloom
flocon m. flake, tuf t
flotter to float
flûte /. flûte
foi /. f aith
fois/, time; tant de — so often
folle see fou
fond m. bottom
fonder to found, build
fondre to melt; pounce, burst;
unité; melt away
forage m. boring, drilling
forçat m. convict
force /. force; à bout de — s
exhausted
forcé -e f orced
forer to bore
forêt /. f orest
formalité /. form; formality
formation /. formation
forme /. form
former to form, make; be; —
des faisceaux to stack arms;
se — to form
formidable formidable; exten-
sive
formidablement threateningly
fort -e strong; loud
forteresse /. f ortress
fortune /. fortune; moyens
de — whatever was at hand
fosse /. trench
fou (fol), folle, pL foux (fols),
folles adj. mad, insane; m.
fool
t fouiller to search, fumble;
probe, swèep
VOCABULARY
233
fourche /. f ork
fourchette/, fork
fourmilière /. ant hill
fournir to supply (with)
fourbu -e exhausted
fourrier m. quartermaster
foyer m. hearth, fireplace
fracas m. noise
fracasser to shatter
fragment m. pièce
fraîcheur/, freshness, coolness
frais [frè], fraîche fresh; cool;
au — cool
franc, franche open
Français m. fVenchmany pi.
French
français -e French
France /. France
franchir to traverse, go over
the top of
frange /. fringe
frapper to strike
frayé -e open; plain; made
frein m. brake
frénétique frantic
frénétiquement f ranticaUy
frère m. brother
friable crisp, crumbling
frise/, frieze; La Frise Fnsia;
cheval de — cheval-de-frise,
obstruction
friture /. frying
froid m. cold; faire — {inp-
pers,) to be cold
froisser to rub
front m. front; forehead
frotter to rub
fruste wom, defaced
fugue/, fugue
fuir to flee, run away
fuite /. flight
fumée /. smoke
fumer to smoke
fûmes see être
furieusement furiously
furieu-z -se wild; beside one-
self
fus, fut, fûmes, furent see être
fusant m. shell
fusée /. rocket, fuse; — éclai-
rante flare
fusil [fu-si] m. gun
fusilier m. rifleman
t fusillade /. fire, rifle fire,
shootîng
t fusiller to shoot
fussent see être
futur -e future
tgagner to win, gain; win
over, captivate
gai -e gay
gaieté/, joy, gaiety; fun
t gaillard m. fellow
gaiment cheerfully
gaine /. case, covering
galerie/, gallery
galerie-abri {pi, galeries-abris)
m. tunnel, gallery dugout
galop m. gallop
234
CARNET DE CAMPAGNE
gamelle /. dish, mess-tin
gamin m. young vagabond;
mère boy
garage m, sidetrack
garantir to guarantee
garde /. guard; care; prendre
— à to pay attention to;
de — on guard; prendre —
de to take care not to
garder to keep; guard
gare /. station
garnir to pack; supply
gâter to foui
gâterie /. spoiling; trinkets;
dainty
gauche left; à — to or at the
left
gaz m. gas
gazon m. sod
géant -e giant, enormous
gémissement m, groan
gênant -e annoying
gendarme (pi. gendarmes) m.
police, policeman
gêné -e embarrassed
gêner to annoy, hinder;
clog
général (j>L généraux) m. gên-
erai
général -e gênerai
généralement generally
généreu-z -se libéral
génie m. genius; engineers, en-
gineering corps
genou ipl. genoux) m. knee
gens m. pi, people, men
gentiment nicely; roundly
geste m. movement, gesticu-
lation
gesticulant -e gesticulating
gigot m. leg of lamb
glacé -e icy, frozen
glacer [ç hefore a or o] to freeze,
chill; paralyze
glacial -e cold
glissant -e slippery, slipping
glisser to slip; se — to pene-
trate, make its way
gloire/, glory
glorieusement gloriously
glorieu-z -se glorious
glu /. birdlime
gluant -e sticky
gonflé -e swollen
gorge /. throat; à pleine —
with ail their might
gorgée/, draught, mouthful
gothique Gothic; m, Gothic
goût m, taste; relish
goûter to taste; — à to take a
taste of
grâce /. favor; thanks
gracieusement graoefully
grade m. rank
graisse/, tallow
grand -e great, good
grand'chose m. great matter
grandeur/, grandeur
grandiose grand, magnificent
grandir to grow
grand'peine /. great pains
grange /. bam
VOCABULARY
235
gratifier to f avor
gré m. will; whim; mercy
grenade/, grenade
grenadier m, grenadier
t grésillement m. sputtering
griffonner to scrawl
gris -e gray, grimy, dust-cov-
ered
grisâtre gray, cloudy
griser to intoxicate
griserie/, intoxication
t grognant -e snarling, growl-
ing
t grognard m. vétéran
t grogner to snarl, growl; grum-
ble, complain
groin m. snout
grondement m. rumbling
gronder to growl; scold, re-
prove
gros -se big, stout
grossir to enlarge; grow
louder
groupe /. group
guère: ne • . • — not much,
hardly ; ne . . . — que hardly
anything but
guérir to cure, minister
guerre /. war
guerri-er -ère war, martial
guet [ghè] m. lookout, watch
guetteur [ghè-teur] m. watcher,
lookout
guide m. guide
guider to lead, guide, direct,
steer
guise /. manner; en — de by
way of , for
guitoune /. dugout, shelter,
tent
H
In words marked (') the
initial h is to be aspirated.
t habillé -e dressed; concealed
t habillement m. clothes
t habiller to dress
habit m. clothes
habitable inhabitable
habitant m. inhabitant
habitation /. home, abode,
house, but, dwelling
habiter to live, occupy
habitude/, habit; getting used
to it
habituer to accustom; s' — to
grow accustomed
'hâchement m. chopping
'haie/, hedge
'haine/, hâte
haleine /. breath
'haletant -e panting, out of
breath
'halte/, stop
'hamac m. hammock
'hangar m. shed
'happer to snap up, catch
'harassé -e wom out
'harassement m. fatigue
harmonie/, harmony
harmonitun [-om] m. organ
236
CARNET DE CAMPAGNE •
'hasard m. chance; bargain;
luck
se 'hasarder to venture, run
risks
*hâte /. haste; à la — hastily
'hâter or se — to hasten
*hfttivement hastily
'haut -e high, loud; m. upper
end; en — at the top
'hauteur /. height; distance;
bluff; à ma — even with me
'hâve wan, emaciated
hébété -e dulled, stupid
hémisphère/, hémisphère
(*) Henri m, Henry
herbe /. grass, plant
hermétiquement tightly
héroïne /. heroine
héroïsme m. heroism
'héros m. hero
hésiter to hesitate, waver
heure /. hour; o'clock; de
bonne — early
heureu-z -se (de) happy;
avoir la main — to be tact-
ful, choose well, be skillful
'heurter or se — to collide,
bump
hier yesterday
'hiérarchique clérical, red tape,
of red tape
hirsute hairy
'hisser to lift, hoist
histoire/, story, history; occu-
pation; amatter (of), justto
historique historical; faithful
hiver m. winter
honune m. man
honneur/, honor, crédit
'honte/, disgrâce
hôpital (pi, hôpitaux) m. hos-
pital
horreur/, horror
horrible horrible
horriblement very much
'hors de beyond, out of
hospitalité /. hospitality
hôte m. host
hôtel m. hôtel
hôtesse /. hostess
'hottentot [ho-tai)-to] -e Hot-
tentot
hourrah m. shout
huile/, oil
humain -e human
humanité/, considération
htunble humble
htuneur/. humor
hiunidité/. dampness
'hure/, boar's head
'hurler to howl, shriek
'hutte /. shed, shack, cabin
hydro-pneumatique hydre-
pneumatic
hymne m, orf, hynm
hypnotisé -e hypnotized
ici hère; par — this way, hère
idée /. idea
identité/, identification
t ignoblement disreputably
VOCABULARY
237
t ignorer to be ignorant of, not
to know
il it, he; there
tle /. island
illusion /. illusion; se faire
des — s to deceive oneeelf,
be optimistic
illustré -e illustrated
image/, picture
imagination /. imagination
imiter to imitate
immédiat -e immédiate, close
immédiatement inmiediately
immense big; great
immobile motionless; without
change of position; idle
immobilité/, motionlessness
immodéré -e excessive, prod-
igal
immortalisé -e made famous
immuablement immovably
in^énêtrable uncommimica-
tive
imperméable waterproof; m.
raincoat
implacable relentless
impossible impossible
t imprégner to fill
impression /. impression; ideâ
impressionner to impress
imprévu -e unexpected; m.
the unexpected
improvisé -e delivered sud-
denly
imprudent -e imprudent; m.
rash (soldier)
impuissance/, powerlessness
inact-if -ve inactive, idle
incamé -e incarnate
incendié -e bumed
incendie/, buming; fire
incident m. incident
inconnu -e unknown; imseen
inconsciemment unconsciously
inconscient -e regardless
inculte uncultivated
indication/, location, direction
indifférent -e heedless
t indigne unworthy
t s'indigner to be exasperated
indiquer to point out, indi-
cate
indiscutablement beyond dis-
pute
individuel -le individual
inerte powerless, motionless
inexistant -e non-existent
infanterie/, infantry
infernal -e infernal; unpleas-
ant
infini -e boundless
infiniment infinitely, much
infirmerie /. hospital
infirmier m. man nurse
infirmière /. nurse
infirmier-prêtre m. hospital
priest
infortune/, misfortune
ingénieu-x -se ingénions
ingéniosité /. ingenuity
ininterrompu -e imbroken
initial -e original
238
CARNET DE CAMPAGNE
initiative /. initiative; manage-
ment
innombrable countless
inoff ensi-f -ve harmless
inonder to flood
inqui-et -ète uneasy
inquiéter [quiô hefore mute
syU.] to disturb; s' — to be
imeasy
inscription/, inscription
insensiblement imperceptibly
insoudeu-z -se mindless, heed-
less
inspecter to examine
inspiré -e inspired
installation /. establishment;
organisation
installer to install, quarter;
station; set up; s' — to es-
tablish oneself; be placed
instant m. moment; à 1' — just
now, just then
instinct m. instinct
instituer to form, establish;
station; start
institutrice /. lady principal,
head mistress
instruction /. instruction; di-
rection; camp d' — training
camp
instruire to instruct; s' — to
be trained
instruit -e educated, in-
structed; congenial
intact -e imharmed; in good
condition
intégralement entirely
intellectuel -le intellectual
intelligence/, understanding
intendance/, management, ad-
ministration; conmiissary,
quartermaster corps
intense intense
intensément intensely
intensité /. intensity
interdire to f orbid
intéressant -e interesting
intéresser to interest
intérêt m. interest; use; pur-
pose
intérieur m. interior
interminable endless
interprète m. interpréter
interroger [ge before a or o] to
question «
interrompre to intemipt; burst
intervalle m. interval
intime intimate, close
intimement întimately
introduction/, insertion
introduire to introduce, put in
inutile useless
inutilisable useless
inverse opposite
invisible unseen
invitation /. invitation
inviter to invite
iode m. iodine
irai see aller
ironie/, irony, sarcasm
irons see aller
irrésistible irrésistible
VOCABULARY
239
isolé -e individual
issue/, exit, door; end
itinéraire m. route
ivresse/, intoxication
jadis f ormerly
t jaillir to fly up; shoot
jalou-z -se jealous
jamais ever; ne . • • — never
jambe /. leg
jaunâtre yellowish
jaune yellow; emptily
Jean m. Jolm
Jeanne /. Joan
jeter [tt hefore mvJte syU.\ to
throw (away)
jeu m. game; play; en — in
action
jeudi m. Thursday
jeune young
joie/, joy
t joignant see joindre
joindre, fjoignant, joint to
join
joli -e pretty
joliment p r e 1 1 i 1 y ; — bien
pretty well
joue/, jaw, cheekbone
jouer (à) to play; toy with
jouet m. toy
jour m. day; petit — dawn;
tous les — s every day
journal m. diary; newspaper,
periodical
journée /. day
joyeusement joyously, mernly
joyeu-x -se merry
juger [ge hefore a or o] to judge
jumelle/, field glass
jus m. juice; (soldier "slang**)
cofifee
jusque to, as far as, up to; till
juste just; only; conmie de —
as is right; au — exactly
kamerad [German] m, comrade
képi m. forage cap
kiL abbrev, for kilomètre (s)
kilomètre m. kilometer, about
three-fifths mile
là there; de — there
là-bas over there
labeur m. toil
labouré -e plowed, furrowed
labyrintiie m. maze
là-haut over there
laisser to leave; allow; hâve
(something done or made)
lait m. milk
lamentable pathetîc
lamentablement pitiably
lampe/, lamp
lancer [ç before a or o] to
throw, fire, deliver, launch
langage m. language
langue/, tongue
lapin m. hare
laquelle see lequel
240
CARNET DE CAMPAGNE
large broad, wîde
largement abundantly
larme /. tear
las -se tired •
lassitude/, weariness
laver or se — to wash
lecteur m. reader
lég-er -ère light, slight
légèrement lightly
légume m. vegetable(s)
lendemain m. next day; next
lent -e slow, gentle
lentement slowly
lenteur /. slowness, slackness;
indécision
Léon m. Léo
lequel, laquelle, pi. lesquels,
lesquelles who, which, that
lester to ballast
lettre /. letter
leur their; for them; le —
theirs; their comrade
lever [le before mtUe syll.] to
raise; get up; se — to rise,
rouse; break
lever m, rise; up; — du soleil
siinrise
lèvre/, lip
liaison m, joining; teamwork;
communication; homme de
— liaison man, (visiting) pa-
trol
liberté /. liberty
libre f ree
lieu (pL lieux) m, place; avoir
— to take place
t ligne/. Une
limite/, end
linge m. linen; pi. bandages
liqueur/, liquor
liquide thin; /. liquid
lire, lisant, lu to read
lit m, bed
litière/, litter; floor
littéralement literally
liturgique liturgical
livre m. book
loger [ge before a or o] to quar«-
ter, settle
loin (de) far (from); au — in
the distance; de — from afar
lointain -e distant
loisir m. leisure; pL leisure
moments
l'on same as on
long m. length; le — de
throughout, the length of
long -ue long; le —7 de along
longer [ge before a or o] to
parallel
longtemps long, a long time
longuement a long time; at
length, slowly
loque /. rag
lors then; dès — from that
time, thenceforth; — de at
the time of
lorsque when
lourd -e heavy; dull
lourdement heavily
lu see lire
Lucrèce m. Lucretius
VOCABULARY
241
lueur /. light; ray
lugubre moumf ul
lui to him, to her, etc,
lumière/, light
lune /. moon
lunette /. spectacles, goggles
lus see lire
lutte /. struggle
luxe m. luxury
luxueu-z -se luxurious
lyre /. lyre; gamut
M
M. abbrev, for Monsieur Mr.
m. abbrev. for mètre (s)
macchabée m. Macchabée;
corpse
madrier m. beam
magasin m. storehouse
magnésium m. magnesiimi
t magnificence/, grandeur
t magnifique beautiful
mai m. May
main /. hand; 2a — heureuse
skill, knack, good taste
maint -e many (a)
maintenant now
mais but
maison/, house
maître m. master
mal (pZ. maux) m. harm,
trouble; adv, badly; pas —
a f ew
malade sick
malaise m. discomfort; ill-
humor; uneasineas
Inalgré in spite of
malheureusement unfortu-
nately
malmener [mè before mute
ayU.] to abuse, use ill, eut
up, treat badly
malvenu -e unwelcome
maman/, mamma, mother
manche /. sleeve
manger [ge h^ore a or o] to eat
manier to handle, manage
manifester to manifest; se —
to reveal itself
v|nanœuvre /. maneuver, évo-
lution; work
manœuvrer to manipulate,
move
manquer to be wanting, be
missing, f ail, miss
marchand m. merchant
marchandise/, (alao pi.) goods
marche /. march ; ira vel ; prog*
ress; rung, step
marcher to march, walk
marin m. marine
marmitage m. shelling
marmite /. pot; shell
marmiter to shell, bombard
marquer to mark, show; record,
register
marraine/, godmother
marron -ne chestnut colored,
reddish brown
marronnier m. chestnut tree
t Marseillaise /. Marseillaise,
French national song, hymn
242
CARNET DE CAMPAGNE
marteau m. hammer, pîck
martyre m. martyrdom
masque/, mask
masquer to hide
masse/, mass; en — in a body,
crowded together
masser to mass; se — to form
mat -te dull, dead
match [EngJ\ m. contest
matériel -le material; of equip-
ment; m, supplies; lumber
mathématique mathematical
mathématiquement mathe-
matically
matière /. material
matin m. moming; dit — a.m.;
adv, in the moming
matinée/, moming
maudit -e accimsed; wretched
maussade disagreeable
mauvais -e bad
maximum [mak-si-mom; Lot.]
m. maximiun
mécanisme m. mechanism
méchant -e bad, vicious; ill-
disposed; naughty
mèche/, wick, fuse
t médaille /. medal
t médaillé -e decorated with
medals, having many déco-
rations
tmeilleur -e compar, cf bon
better, best
mêler to mingle, mix; se —
to get mixed with one
another
membre m. limb, arm or leg
même even; likewise; de —
que as; de — likewise; à —
que as
menacer [ç hefore a or o] to
threaten
ménager [ge before a or o] to be
economical with
mener [mè hrfare mute syïl,] to
lead
menthe/, mint
mentir to lie
menu m. bill of fare; food
menuet m. minuet
méprisant -e (pour) contemp-
tuous (of), filled with oon-
tempt «
mère/, mother
mérite/, merit
mériter to deserve
tmerveUleu-x -se wonderful
t merveilleusement wonder-
fuUy
mes see mon
messe /. mass
messieurs pi, of monsieur
mesure /. measure; bar; à —
que as
mesurer to measure
met see mettre
métal m. métal; — blindé
sheet métal
métallique metallic
métallurgique metallic
méthode /. method
méthodique methodical
VOCABULARY
243
méthodiquement systematical-
ly, regularly
mètre m. meter, yard
mettre to put, strike, set, lie;
. put on; se — en marche to
start; se — en route to start;
se — à to begin; se — to
start; — ordre à to find a
remedy for; — le feu to
bum, set fire (to)
meublé -e fumished
meure see mourir
meurtre m. murder
meurtri -e bruised
meurtri-er -ère murderous,
deadly
miauler to whine
mi-coips [-kor] m.: à — from
the waist up
microphone m. microphone
midi m. noon
Midi m. South
mien -ne mine; les — s my
f riends and relatives
mieux better, best; valoir — to
be better
mijoter to simmer
milieu (pL milieux) m. mîddle;
environment; au — de
amongy in; between; au — in
the midst
militaire military
mille [mil in dates in the
Christian era except 1000]
num, adj, or f, thousand;
mile
mince thin, séant; small, Uttle
mine /. mine
miner to mine
mineur m. miner
minime Uttle
ministériel -le like a cabinet
member
minuit/, midnight
minuscule diminutive, small
miracle m. miracle
mise see mettre
misérable wretched; m. poor
fellow
misère /. hardship, trouble
mission/, task
t mitraille /. bullets, gunfire
tmitraill-eur -euse machine
gun; m. machine gunner
t mitrailleuse/, machine gun
moderne modem
moi disjunc. form o/ je I; ego
moi-même myself
moindre less, least; slight
moins less; au — or du — at
least
mois m. month
moitié /. half ; à — half ; some
molle see mou
mollement softly; idly, indo-
lently
moment m. moment; à un —
donné once; at the proper
time, etc.
momentanément for the time
being
mon, ma, pi, mes my
244
CARNET DE CAMPAGNE
monceau (pL monceaux) m.
mass
monde m. world; circle of
friends and relatives; tout
le — everybody
monocle m. monocle
monotone monotonouâ
monotonie/, monotony
monsieur {pi. messieurs) m.
gentleman; M., Mr.
t montagne /. mountain; hill
monter to go up; set up
montre/, watch
montrer to show
monument m. monument ;
building
moquer to mock; se — de to
make f un of , scom
moral m. morale, state of
mind
moral -e mental
morceau m. pièce; à — piece-
meal; in détail
mordant -e gnawing, biting '"
morne gloomy, dreary
mort/, death
mort -e dead; m. dead (man)
mot m. Word
motif m. motive
mou (mol), molle soft
mourir, mourant, mort to die
mouton m. sheep; mutton
mouvement m. movement; di-
rection; pace
mouvoir, mouvant, mû or se —
to move
moyen m. means; — s de for-
tune whatever was at hand
moyen ftge m. Middle Ages
mû, mue (see mouvoir) moved,
impelled
multicolore variegated, bright
multiple nimierous
multitude /. multitude
mimi -e supplied, equipped
munition/, munition
mur m. wall
musette /. knapsack
musicien m. musician, com-
poser
musique/, band, music
mutilé -e mutilated
mystère m. myst^ry
N
naissaient see naître
naissant -e growing
naître, naissant, né to be bom,
corne înto existence
naïvement ingenuously , naively
naturel -le natural
naturellement naturally
ne not; — ... guère hardly;
— ... jamais never; — ...
pas not; — ... plus no
longer; — ... personne no-
body: — ... point not at
ail; — ... que only; — ...
rien nothing
né -e bom
nécessaire necessary
nécessité /. necessity
VOCABUIARY
245
négliger [ge hefore a or o] to
neglect
neige /. snow
neiger [ge before a or o] to
snow
nerf m. nerve
nerveu-z -se excited
net -te clean, clear
nettoyage m, cleaning
nettoyer [oi before rmUe ayU,] to
clean
nettoyeur m. cleaner
nez m. nose; face
ni neither; — ... — neither
. . . nor
Nice/. Nice
niche /. niche
niveler [11 hefore mtUe syU,] to
level
nocturne dark
noir -e black
noirâtre blackish
noirci -e blackened
nom m. name
nombre m. number
nombreu-x -se numerous
nomination /. appointment,
promotion
nommer to appoint
non no
nord m. North
normal -e normal
nos pL of notre
note/, note
noter to observci remark, note
down
notion /. idea
notre pi, nos our
nôtre ours
nouveau (nouvel), nouvelle
new; à — anew, again
Nouveau-Monde m. New
World, America
nouvelle /. {aUo pi.) news
nouvellement recently
noyé -e drowned
noyer [oi before mvJte ayU.] to
drown, smother
nuage m. cloud
nuance/, shade, cast
nuit/, night
nul -le no; — ... ne nobody
ô vnij, oh!
oasis [o-a-siss; Greek, Lot.]
(pL oasis) /. oasis
obéir (à) to obey
oberleutnant [German] m. first
Ueutenant
objectif m. objective; target
objectivement objectively, im-
personally
objet m. object, thing
obligé -e compelled
obscur -e dim
obscurité /. darkness
observateur m. observer
observation/, observation; ob-
servers, guards
observer to watch, observe;
examine
246
CARNET DE CAMPAGNE
obstacle m. obstacle
obstruer to obstruct
obtenir to obtain; be allowed
or permitted.
obus [obuss] m. shell
obttsier m. howitzer
occasion /. occasion; oppor>
tunity; à V — on occasion
occupé -e (de) busy (with)
occuper to occupy; employ;
s' — to be busy, busy one-
self
odieu-z -se contemptible
odorant -e fragrant
tœîl [eu] (pZ. yeux [i-eû]) m.
eye; coup d' — glance
«euf Ipronounce pi. eu] m. egg
oeuvre/, work
offensi-f -ve hostile
offensive/, offensive, attack
office m. service
officier m. officer
offrir to offer
oh intj. oh!
oiseau {pi. oiseaux) m, bird
oisi-f -ve idle
ombre/, shadow
ombreu-x -se shady
omnibus [-buss] m. bus
on one, we, they, "you"
ont see avoir
opéra m. opéra
opérer [pè hefore mvie syll.] to
operate (on) ; s* — to be per-
formed
opposer (à) to oppose, resist
opulent -e prosperous
{orchestre m. orchestra
ordinaire m. mess; d'-^ mess;
usual
ordonnance /. orderly; order;
law; à V — as required
ordonner to order
ordre m, order; mettre — à to
find a remedy for
orée/, edge
foreiUe /. ear; se faire V — to
listen
t oreiller m. pillow
organiser to organize, establish
orgue m. organ
t orgueilleusement proudly
forgueilleu-x -se proud
orné -e omamented
ornière/, rut
oser to dare
ou or; — ... — either ... or
où where, when
oublier to forget
ouest m. West
outil m. tool
outre besides
ouvert -e open
ouvrage m. work
ouvrager [ge hefore a or o] to
work
ouvrir, ouvrant, ouvert to open;
s* — to be open; be
pacha m. pasha
pacifique peaceful
VOCABULARY
247
t paille/, straw
pain m. bread
paix/, peaoe
palais m, palace
pftle pale
pan m, skirt, flap
panache m. tuft, plume; puff
panse /. bulge
pansement m, dressing, band-
aging
panser to bandage, take care
of a wound
pape m. pope
paquet m. package, bundle
par by, through; with; per; as;
— ici this way, in this di-
rection; hère
parade/, thmst; parade
paraître, paraissant, paru to
appear; come
parallèle parallel; /. parallel
trench
parapet m. parapet
parcelle /. pièce
parce que because
par-ci hère
parcourir to traverse, go
through; ride through
par-dessus or — de above, over
pardon m. forgiveness
pare-éclat m. shrapnel guard,
splinter guard
t pareil -le like, similar
parer to ward off, prevent
parfait -e perfect, complète
parfaitement perf ectly
parfois sometimes
parfum [-fuQ] m. perfimie
parfumé -e perfumed
parisien -ne Parisian
par-U there
parmi among
paroi/, side, wall
parole/, word
part /. share, part; faire — à
to inform, tell; share; autre
.* — elsewhere; de — en —
through
partagé -e divided
partager [ge hefore a or o] to
divide, share; distribute; se
— to divide between them
parti m. side; party; match
particulièrement specially
partie/, part
partiel [-si-èl] -le local
partir, partant, parti to leave;
go off ; be discharged; à — de
from
partout everywhere, anywhere
parue see paraître
parvenir to arrive: bring
parvinssent see parvenir
parvis [par-vi] m. open area,
court
pas m. step; ne . . . — not;
au — in step
passage m. passage, going
through, passing
passé -e past, over
t passe-montagne m. (knit)
helmet
248
CARNET DE CAMPAGNE
passer to pass; go; spend; go
past; corne; happen; se — to
be done, take place, corne;
be spent, happen
passi-f -ve passive
passionné -e impassioned
patauger [ge hefore a or o] to
paddle, flonnder
pâte/, paste; dough
paternel -le fatherly
patience /. patience; prendre
— to be patient
pfttir to suffer; toil
patrie/, native land
tpatrouille/. patrol
pftturage m. pasture
pause /. pause
pays m. country, région
paysage m. landscape; local-
ity
paysan -ne peasant
peau /. skin
peine /. sorrow; difficulty;
penalty; à — scarcely,
hardly
peinture/, painting
pelle /. shovel
peloton m. platoon
penaud -e crestfallen
pencher and se — to incline,
bend; droop
pendant during, for
pendre to hang
pendule/, clock
pénétrer [ne hefore mute syU,\
to penetrate, enter, go
pénible painful; hard
pensée /. thought
penser (à) to think (of )
pente /. slope
percer [ç hefore a or o] to
pierce
perdre to lose
perdu -e lost; spent
perfectionné -e made; elabo-
rate
périscope m. périscope
permettre, permettant, permis
to allow
permirent see permettre
peipendiculaire perpendicular
perpendiculairement perpen-
dicularly, at right angles
perpétuel -le constant
perpétuellement constantly
persister to remain; last
personne /. person; anybody;
ne . . . — nobody
personnel -le personal; m. per-
sonnel
personnellement personally
perspective /. prospect
persuader to persuade
perte/, loss; à -^ de vue as far
as one can see
peser [pè hefore mvJle syU.] to
weîgh
t pétillant -e snapping, crack-
ling
petit -e small; m. man (o^Kcers'
term for soldier)
pétrifier to petrify
VOCABULARY
249
peu little, ixot very; a little
while; un — a little; à —
près almost, nearly
peuplade/, people
peuplé -e populated
peupler to people
peur /. fear; avoir — to be
afraid
peut-être perhaps
phénomène m. phenomenou
philosophiquement stoically
photo /. picture
photographie/, photograph
phrase /. sentence, phrase
physique physical
physiquement in body
pièce /. pièce; room; cannon,
gun
pied [pi-é] m. foot; à — on foot,
afoot, walking
piédestal m. pedestal
piège/, trap
pierre /. stone
piété/, dévotion, love; avec —
carefully
pieusement carefully, tenderly
pieu-z -se pious, loving; re-
ligious
pinard [soldier *^8lang"] m.
wine
pioche/, pick
piocher to work with a pick
pipe /. pipe
piqûre/, injection, inoculation
piteu-x -se wretched
pittoresque picturesque
placer [ç h^ore a or o] to place,
put; fasten
plaie/, wound
t plaignaient see plaindre
plaindre, fplaignant, plaint to
complain
plaine/, plain
plaire (à) to please
plaisant -e pleasant; comical;
amusing; m. wag, wit, hu-
morist
plaisanter to joke, jest with
plaisanterie/, joke
plaisir m. pleasure; faire — à
to please
plan m. plan, map
planche/, board
plaque /. sheet, tag, pièce
plat m. plate
plat -e flat; à — ventre flat on
the face
plate-forme/, platform
plâtre m. plaster of Paris; cast
plein -e full; open; en — in the
midst, directly; en — boyau
squarely in the trench
pleurs m, pi, tears
pleuvoir to rain
plier to f old
pluie/, rain
plupart/, majority
plus more, most, -er, -est;
ne . . . — no longer; de —
en — more and more; non
— either; de — besides; m,
greatest quaniity
250
CARNET DE CAMPAGNE
plusieurs several
plutôt rather
poêle m. stove
poil m. hair; fur
poilu m, French sokiier; — -e
of a French soldier
poing m. fist; hand
point m. point; ne • . . — net
at ail
pointage m. aiming
pointe/, tip; salient
pointer to aim
t pointillé -e dotted
poisson m. fish; — d'avril
April f ool fish
poitrine/, chest
poker [Eng,] m. (game of)
poker
police/, guard, police; policing
polir to polish, tum
polka/, polka
{polytechnicien m, engineer
popote [^*childi8h toord'*]/. mess,
spécial kitchen
populaire popular
population /. populace, people
porc m. pig, hog
porte/, gâte, door
portée /. range, reach; à la —
in reach
tporte-feuillè m, portfoUo
porte-manteau m. clothespress;
hatrack
porte-monnaie/, purse
porter to carry, wear; hit
portion/, part
poser to put; set, set up
position/, position
posséder [sd b^ore rmUe syU.]
to possess, hold
possession/, possession
possibilité /. possibility
possible possible
poste m. post; — de com-
mandement commanding
officer's post; — d'écoute
listening post or station; —
de secours dressing station;
— de police beat
poster to station
posture/, situation
pou (pZ. poux) m. louse, "coo-
tie"
poudre /. gunpowder
poulet m. chicken
pour for, as, about, as for; at;
— que in order that
pourquoi why
pourrai(s) aee pouvoir
pourtant (and) yet, none the
less, though
pourvu -e supplied
poussée /. thrust
pousser to push, force
poussière/, dust
pouvoir, pouvant, pu can
pratiquer to make
préalable adj. or m. prelimin-
ary; au — previously
précaution/, précaution
précédemment before
précédent -e preceding
VOCABUIARY
251
précéder [ce hefore mute syU.]
to précède
prêcher to preach
précieu-z -se costly, rare
précipité -e rapidly moving
précipiter to hurl, throw
préci-8 -e exact
précision/, accuracy
prédécesseur m, predecessor,
previous occupant
prédiction/, prédiction
préférer [fè before mute 9yU.] to
prefer
premi-er -ère first
prendre, prenant, pris to take;
stand; make; — connais-
sance to get acquainted; —
l'air to take tlie air, go out
for a walk or drive; — garde
à to pay attention to; à tout
— taking it ail in ail; —
patience to be patient; —
conscience to become aware
préoccuper to attract the at-
tention of
préparatif m. préparation
préparer to prépare; se — to
be prepared; prépare one-
self
près (de) close, near; à peu —
almost
présence /. présence
présent -e présent, in hand
présenter to présent; introduoe
presque almost, almost so
présumer to infer
prêt -e ready
prêter to lend; give
prêtre m. priest
prêtre-soldat m. soldier priest
preuve/, proof
prévenir, prévenant, prévenu
to wam, inform; anticipate
ïrévu -e f oreseen
prier to ask
primiti-f -ve primitive, rudi-
mentary
prince m. prince
principe m. principle
printemps m. spring
pris aee prendre
prise /. hold, capture; mark,
target; donner de — to be
exposed
prises see prendre
prisonnier m. and adj, prisoner
privé -e private, separate
prix m. price; cost; prise
probable probable
prochain -e near, next, neigh-
boring; imminent
proche near
proclamation/, proclamation
procurer to secure, get
prodigieu-z -se great
produire, produisant, produit
to make, produce; se — to
arise, occur, happen
profit m. advantage; tirer — to
take advantage, act
profiter to take advantage
profond -e deep
252
CARNET DE CAMPAGNE
I
profondément deepCly), sound-
ly, f uUy
profondeur/, depth
programme m. program
progresser to advance
projecteur m. searchlight
projectile m. projectile, shell
projeté -e tom, blown
projeter [tt hefore mute syU.] to
throw
prolongé -e prolonged, pro-
tracted
promenade /. trip; ride
promener [mè b^ore mute syll,]
to take; se — to stroll
promesse/, promise
promettre, promettant, promis
to promise, be promising
promis -e promised
propice favorable, good
proposer to propose; se — to
plan
propre in good order; own;
neat
proprement properly; — dit(e)
proper
propriétaire m. occupant
prostré -e lying
protect-eur -rice protecting
protéger [tè before mute syU,]
to shelter
protestation/, protest
prouver to prove
provenir to come from
providentiellement providen-
tiaUy
provision /. stock, supply
prudent -e prudent, care-
fui
{psychologique psychological
pu see pouvoir
puant -e ill-smeUing
publication /. printing, publi-
cation
publier to publish
puis then
puisque since, as, because
puissamment strongly
puissance/, power
puissant -e powerf ul
puisse see pouvoir
puits [pu-i] m. well
pûmes 9ee pouvoir
pupitre m. desk
pur -e pure; sheer
purement merely
purent see pouvoir
put see pouvoir
quand when; — même none
the less; à — when?
quant à as for
quantité /. quantity
quarantaine /. three or four
dozen
quart m. quart
quartier m. place
que which, whom, that; than;
— de how many
quel -le what (a)
VOCABULARY
253
quelque a few, few; some;
whatever; no matter how
much
quelquefois sometimes
qttelques-un(e)8 see quelqu'un
quelqu'un -e, pL quelques-uns,
quelques-unes some one,
somebody, some
question/, question
quête /. search
queue /. tail; Une; faire — to
Une up, f orm a Une
qui who, which, that
quitter to leave (off ) ; take off
quoi which; what; à — bon
what use?
quotidien -ne daily
race/, race
raconter to tell, relate
radieu-x -se radiant; jubilant
rafale /. gust, flurry; volley
rafraîchir to refresh, revive
rafraîchissement m. refresh-
ment, treat
t ragaillardi -e revived, cheered
up; with renewed strength
rage /. rage; faire — to rage
rageant -e raging
raidi -e rigid, erect
frail [Eng.] m. rail
raison /. reason; right; à plus
forte — stiU more so; {after
a neg,) still less so
raisonner to reason, argue
ralentir to slacken
rfller to murmur; bave tbe
deatb rattle in tbe tbroat
ramasser to pick up
ramper to crawl, creep
rang m. rank; row
ranimer to reanimate
rapide quick
rapidement rapidly
rapidité /. speed
rapport m. report; roU call
rapproché -e close
ras -e open
raser to sbave
rassemblement m. assembly
rassembler to gather, collect;
corne together
rassuré -e reassured
ravi -e deUghted
ravin m. ravine, hoUow
t ravitaillement m, commis-
sary; rationing, refilling;
supply
rayer to streak
rayon m. ray, beam
rayonner to beam
récent -e récent
recevoir, recevant, reçu to re-
çoive
réchaud m. warming appara-
tus, bot-plate
réchauffer to warm
recherche/, search
récit m. story, account
réciter to repeat
254
CARNET DE CAMPAGNE
rédamer to beg for
recommander to recommend,
Buggest, advise; order
recommencer [ç hefore a or o]
to begin again, résume
récompense/, reward
récompenser to reward
réconfort m. comfort
réconfortant -e comforting
réconforter to cheer, comfort,
refresh
reconnaissable distinguishable
reconnaissance /. gratitude;
scouting expédition
reconnaissant -e grateful
reconnaître to recognize
reconquérir to reconquer
reconquis -e reconquered
recours m. recourse
recouvert -e covered
recouvrir to cover
rectification /. correction
reçu «66 recevoir
recul m. recoil
reculer to recoil, retreat
reculons: à — backward
reçus 8ee recevoir
redevenir to become
redoublé -e redoubled
redoubler to be doubled
redouter to fear
réel -le actual
réellement reaUy
se rééquiper to résume one's
equipment
réfléchir to think
reflet m. rèflection, mirroring
réflexe instinctive; reflex m.
reflex; par — instinctively
réflexion/, thought
réformer to réform; condemn,
retire; se — to be reorgan-
ized
réfugié m. refugee
se réfugier to take refuge
refuser to refuse
t regagner to retum to
régal m. feast .
régaler to regale
regard m. look; jH. sight
regarder (à) to look (at)
régiment m. régiment
régimentaire regimental
région/, district
réglementaire usual; periodic,
uniform
réglementer to regulate, con-
trol
régler [rè hefore mute syîl,] to
regulate
regret m. regret
régularité /. regularity
réguli-er -ère regular
régulièrement regularly, con-
stantly
Reims [ni)ss] m. Rheims
frejaillir to be reflected
rejoindre to rejoin
réjouissance /. célébration
relater to narrate, give
relati-f -ve relative
relation/, connection
VOCABULARY
255
relativement comparatively
relève/, relief
relever [le h^ore mute aylî.] to
lift up; draw out; relieve;
se — to get up
relier to connect
religieu-z -se religious
relire to read again
remarquable imusual
remarque /. note, observation
remarquer to notice, observe
remercier to thank
remettre to replace, put back;
send; se — en route to ré-
sume one's joumey, start
again; se — to begin again
remis -e sent
remonter to climb again; — en
to take again
rempart m. rampart
remplacer [ç before a or o] to
replace; repair; relieve
remplir to fiU; perform, fulfill
remué -e tom up
remuer to stir
renaissant -e renewed
renaître to be bom again
rencontre /. meeting
rencontrer or se — to meet
rendre to give back, retum;
let go; make; take; repay;
se — ^"to go; surrender; se —
compte de to notice
renfermer to shût up; contain,
shelter
renflé -e swollen
renfoncer [ç hefore a or o] to
take back; se — • to phmge
again
renfort m. reënforcement; pi,
reserves
rengaine /. old story, favorite
thème; tiresome répétition,
hence ''latest hit"
renouveau (oba,) m. spring
t renseignement m. informa-
tion, fact
rentrer to retum; retire; draw
renversé -e knocked or thrown
down
renvoyer [oi before mute ayU,] to
send back
reparcourir to go through
again
réparer to repair
repartir to leave again
repas m. meal
repérer [pè before muie ayU,]
to make a note of, note;
locate
répertoire m, repertory
répéter [pè before mute syll,] to
rehearse, repeat
répit m, respite
replier to fold back; foid up
again; se — to fall* «
replonger [ge before a or o] to
plunge again
repointer to aim again
répondre to answer
réponse/, answer
repos m, rest; au — off duty
256
CARNET DE CAMPAGNE
reposer to put back; retum;
se — to rest
reprendre to résume, take
again; take up
freprésaille/. reprisai
représenter to represent
repris 9ee reprendre
repris -e resiuned; refreshed
reprise /. taking back; tîme;
à plusieurs — s several times
reproduire to reproduce
rep«^-e fed, full; satiated
république /. republic
frépugnance /. reluctance
requête /. request, demand
réquisitionner to get; demand
réseau m. network, entangle-
ment
réserve /. reserve; de — sur-
plus
réservé -e reserved
t résigné -e resigned
résister (à) to resist
résolu -e determined
respect [rès-pè] m. respect
respecter to respect, show con-
sidération for
respecti-f -ve respective
respiration/, breathing
respirer to breathe
responsabilité /. responsibility
responsable (de) responsible
reste m, rest; du — besides;
au — otherwise
rester to remain
résultat m. resuit
résurrection /. retum to lif e
rétablir to reëstablish
retardataire m. straggler
retenir, retenant, retenu to
hold back
retentir to sound
retirer to take; withdraw
retomber to faÙ back
retour m. retum, tum
retourner and se — to retum,
tum
retrouver to find
réunir and se — to combine,
bring together; assemble,
meet
réussir to succeed
t réveiller to wake
revenir, revenant, revenu to
retum
rêver to dream
rêverie /. dream, musing
revêtement m. covering
revêtir to put on again; cover
revoir to see again
revolver [-vèrr] m. revolver
revue /. inspection; memory
riant -e laughing, smiling; pros-
perous
riche rich; fertile
ricochet m. glance; glancing
rideau m. curtain
rien m, an3rthing; nothing;
ne . . . — nothing
Rimalho m. Rimalho gun
rire to laugh
risquer to risk
VOCABULARY
257
riz [ri] m, rice
robe /. gown
rocher m, cliff
rôle m. part
rompre to break
rond -e round
ronde /. round
rondelle/, disk
ronflant -e snoring; roaring
ronflement m. roaring, roar
rose pink
rôti -e roastCed)
rouge red
t rouiller to rust, grow rusty
roulant -e rolling; on wheels
roulement m. roll, rumbling
rouler to roll; travel
route /. road
royaume m. kingdom
ruche/, hive
rude rough, hard
rue /. Street
ruine/, ruin
ruisseler [11 hefore mtUe aylî.] to
trickle
rumeur /. rumor; murmur,
hum, noise
Russe m. Russian
rustique coimtry, rural
sable m. sand
sabre m. sabre
sac m. knapsack
saccadé -e jerky
sacrer to consecrate; initiate
sacrifice m. sacrifice
t saignant -e bleeding, bloody
t saillant m. salient
saint -e holy, Saint; saint
saisir to seize
sait see savoir
saledirty
saleté /. filth
salle/, room, hall
saluer to salute
salut m. welfare, safety; serv-
ice; salutation; salute ^
salve /. volley; feu de — vol-
ley
sang m. blood
sang-froid m, côolness
sanglant -e bloody
sanitaire sanitary, hospital
sans without
Saône [sô-ne] /. Saône River
sapeur m. sapper
sapin m. fir
sarabande/, saraband
sardine /. sardine
satisfaction/, satisfaction
satisfaire, satisfaisant, satis-
fait to satisfy
satisfaisant ^-e satisf actory
satisfait -e satisfied
saucisse /. sausage (balloon)
sauf except
saura(ient) see savoir
sauter to leap; be blown up
sautoir m. scarf; en — cross-
wise; over one shoulder and
imder the other arm
258
CARNET DE CAMPAGNE
sauver to save; se — to run
away, escape
savant -e leamed
savoir, sachant, su to know,
know how; je ne sala quel
some ... or other
savoir-vivre m. (good) man-
ners
savourer to relish, enjoy
savoureu-z -se delicious
sculpté -e carved
se hûnself , herself , itself , them-
selvea, each other, etc,
Sébastien m. Sébastian
sec, sèche dry; sharp; clear
sécher [se h^ore mute syîl,] to
dry
seconde [-ghoi)-de] /. second
secouer to shake
secours m. help; poste de —
dressing station
secret m. secret
secr-et -ète secret
secteur m. sector
section/, section; platoon
sécurité /. security
séjour m. sojoum
sélection/, sélection
selon according to; — que as
semaine/, week
semblable (à) like; such
sembler to seem
semelle/, sole
sens m, direction
sensation /. f eeling
sensibilité/, sensibility
sensiblement perceptibly; no-
ticeably; quite
sentiment m. feeling
sentinelle /. sentinel
sentir to feel; indicate; per-
ceive
séparé -e separated
séparément separately
séparer to separate
sérénité /. calm; composure,
sergent m. sergeant
sexgent-major m. company
quartermaster, sergeant
major
sérieusement seriously
sérieu-z -se serions
serpentement m« winding,
tum
serpenter to wind.through
serré -e crowded, close
serrer to press; shake
sertir to set; se — to put on
service m. service, duty
servir to serve, be employed;
be used; — de to serve as;
se — de to use
t seuil m. threshold
seul -e alone, only
seulement only
sévèrement rigorously
shrapnell m. shrapnel
si if; what if; so
sifflement m. whistle, whist-
ling
siffler to whistle
sifflet m. whistle
VOCABULAHY
259
t signal (pi, signaisz) m. signal;
faire signaisz to serve as
guides
t signaler to sight
t signe m. sign; indication;
greeting; gesture
f signiflcati-f -ve significant
silence m, silence
silencieu-z -se silent, quiet
silhouette/, silhouette
t sillonné -e furrowed; eut;
streaked
simplement simply
simplicité /. simphcity
simuler to imitate; conceal
simultané -e simultaneous
singe m. monkey; (soldier
''slanif^) canned beef
singulièrement very much, pe-
culiarly
sitôt no sooner, as soon, so soon
situation/, situation
situé -e located
soi oneself
soie/, silk
soient see être
soif/, thirst
t soigné -e polished
fsoigner to take care of
t soigneusement carefully
soi-même itself , oneself
soin m. care, désire
soir m. evening
soirée/, evening
soit {see être) that is; — ... —
whether ... or
sol m. soil, groimd, floor
soldat m. soldier
solde/, pay
t soleil m. sim
soli [Ital.] pi, of solo m. solo
solitude/. soUtude
solution /. solution; compound
sombre dark, dusk; faire — to
get dark
somme /. sum; en — on the
whole, af ter ail
t sommeil m. sleep; avoir — to
be sleepy
f sommeiller to sleep
sommet m, top
sommier m. mattress
son m. Sound
sonate /. sonata
sonder to probe; inspect, ex-
amine
songer [ge hefore a or o] (à) to
thinky dream
sonner to soimd; play
sonnerie/, flourish
sonorité /. sound
sont see être .
sort m. fate; tirer au — to draw
lots
sorte/, kind
sortir to leave, départ, step
outside; get out; project;
s'en — to end it; m. de-
parture
souci m. anxiety
soucier to disturb; se — to pay
attention
260
CARNET DE CAMPAGNE
soudain Buddenly, soon after
soudainement suddenly, in a
short time
souffle m. breath; wind; blast,
tone
souffler to blow; direct
souffrance/, suffering
souffrir, souffrant, souffert to
suffer
souhaitable désirable
souhaiter to wish; — la bien-
venue to welcome
soûl m. fill
soulager [ge before a or o] to
relieve
soulever [le before mule syU,]
to raise; se — to rise
soulier m. shoe
soumettre, soumettant, soumis
to subject
soupe /. soup
souper m. supper
sourd -e deaf ; dull, hoUow, deep
sourdement deep(ly), dully,
duU
sourieu-x -se smiling, glad,
cheerful
sourire m. smile
sourire, souriant, souri to
smile; please
sous under
sous-lieutenant m. second lieu-
tenant
soutenir, soutenant, soutenu
to support; go through, en-
dure
souterrain -e subterranean
souvenir m. recollection, mem-
ory
se souvenir de to remember
souvent often
souventefois ofttimes, many a
time and of t, of t
spécial -e spécial
spécialement speciaUy
spectade.m. view, sigfat
sphérique roimd
splendeur /. brilliance, splen-
dor; glory
splendide glorious
spontané -e unf orced
spontanément spontaneoualy
stack [Eng.] m. pile
stagner to stand (water), stag-
nate
statue /. statue
strict -e strict
stupéfaction/, amazement
stupide stupid, beastly
style m. style
su eee savoir
suant -e perspiring
subir to imdergo
subit -e sudden
sublime sublime
succéder [ce b^ore mute syll,]
to follow
succès m. [suknsè] success
successi-f -ve successive
successivement in succession
sucre m. sugar
sud m. South
VOCABULARY
261
suffire, suffisant, suffi to be
sufficient
suffisant -e sufficient, adéquate
suggesti-f -ve suggestive
suisse Swiss
suit 8ee suivre
suite/, following; tout de — ail
at once; de — one after the
other; à la — in order, suc-
cessively
suivre, suivant, suivi to follow
sûmes see savoir
superbe magnificent
superbement magnificently
superflu -e imnecessary; addi-
tional
supérieur -e upper; superior,
better; m. superior officer
supériorité /. superiority
superposé -e laid across
supplémentaire additional
supportable endurable
supporter to hold, endure
suprême suprême
sûr -e sure, certain; secure
sur on, upon, about, at, for,
(out) of , to, over, along
surcharger [ge hefore a or o] to
overload
surélévation/, élévation
sûrement surely
sûreté/, security
surgir to rise
surnommé -e nicknamed
surprendre to surprise
surprise /. siu'prise
sursauter to tium somersaults;
start
surtout above ail, specially
t surveillance /. vigilance
survoler to fly over
sus à upon
suspect [sus-pè or sus-pèkt, but
sus-pè in m, pL] -e suspicions
suspendre to hang
suspendu -e suspended, himg;
stopped; easy-riding
symbole m. symbol, sign
système m. system
tabac m, tobacco
tabouret m. stool
tache /. spot
tâche /. task
tâcher to try
tactique /. tactics
taire, taisant, tu and se — to
keep silence, be still
talus [ta-lu] m. slope; protec-
tion
tambour m. drum
tampon m. plug; buffer; serv-
ant, orderly
tandis que while
tant so (great); — de fois so
often; — de so much, so
many
tantôt now
taper to hit
tapis m. carpet
262
CARNET DE CAMPAGNE
tapisser to Une, ceil
tard late
tarder to delay; to wish; il me
tarde I wish, am anxious
tas m. heap; group, crowd
tasse/, cup
tftter to feel, pinch
taupe/, mole
teinture /. tincture
tel -le such, so great
téléphone m. téléphone
téléphoner to téléphone
téléphonique téléphone
téléphoniquement by téléphone
tellement so, so much
t témoignage/, évidence, proof
tempête/, storm
temps m. time, weather
t tenailler to torture
tendre to offer; direct; bend
tendu -e stretched; devoted;
fitted
tenir, tenant, tenu to hold,
keep; live; sit; stand; be
accommodated; — à to be
due to (the fact); be par-
ticular about; be careful
tentative/, attempt
tente /. tent
tenter (de) to try
terminer and se — to end
terrain m. soil, dirt; ground,
place; terrain
terre /. earth, land; — battue
clay, adobe; à — on the
ground, in the ground
terrible frightf ul
terriblement t^ribly
tétanos [-uoss; Greek] m. lock-
jaw
tête/, head; en — at the head
(of a procession)
Teutonie/. Germany
thé m. tea
théfttre m. théâtre
théorie /. theory; mihtary
science
tintamarre m. uproar
tir m, drawing; fire, firing,
shooting; record; — d'effi-
cacité drumfire
t tirailler to shoot
tire-bouchonné -e like a cork-
screw
tirer to puU, draw; take; get;
fire; be fired; shoot; s'en —
to get out, extricate one-
self ; — à to fire on
tireur m. marksman
titre m. degree
toile /. cloth; — métallurgique
woven wire
toiture /. roof
tolérable endurable
tombe/, tomb(stone)
tombeau (pi. tombeaux) m.
tomb, monument
tombée /. fall; close, end
tomber to fall
tonneau m. barrel
tonner to sound
tonnerre /. thonder
VOCABULARY
263
tort <idv. wrong; avoir — to be
wrong
tortue /. turtle
tôt SOOD
total -e Complète
totalement entirely
touchant -e impressive, moving
toucher (à) to touch, hit,
ôtrike
touffu -e thick, leafy
toujours always
tour m. tum
t tourbillon m. rush
t tourbillonner to whirl, eddy
tourner and se — to tûra; —
pied to tum and run
tout, toute, Tpl. tous [ton, bvi
postpositive touss], toutes ail,
abundant; every, any;aqiiite;
ail; right; — à coup ail at
once; — le monde every-
body; du — at ail; — à fait
altogether
tracteur m, tractor
traditionnel -le usual
traduction/, translation
traduire to translate; arraign
trisfic m. traffic
tragique tragic
trahir to betray
train m. train, procession;
grand — at a great rate;
— d'enfer wild procession;
en — de busy; in the act of
traînant -e dragging; pro-
longed, long drawn out
traîner to drag, draw; lie
about; se — to drag
trait m. trait, feature
traite /. stage, march
traiter to treat
traîtresse /. traitor
trajet m. passage^ trip
tranchée /. trench; — de
départ trench of departure
(trench from which an as-
sault is made)
tranquille quiet
tranquillement calmly
tranquillité /. rest, peace
transe /. (generally pi.) fright
transformer and se — to
change, couvert
transmettre, transmettant,
transmis to give
transparaître, transparaissant,
transparu to be disclosed
transporter to take, carry, con-
vey
t travail {pi. travaux) m. work
t travailler to work
t travailleur m. worker
travaux pi. of travail
travers m. breadth; au — (de)
through; à — across, through
traverser to traverse; pierce;
undergo
trébucher to stumble
trembler to tremble
tremper to dip, soak
très very (much), very well
t tressaillir to start
264
CARNET DE CAMPAGNE
trère /. tnice; cessation
tricolore three-colored
tricoté -e knit
triomphal -e triumphal
triomphalement triumphantly
triomphant -e triumphant
triomphe m. triumph; — de
notre départ our triumphal
departure
triompher '(de) to triumph,
exult
triste sad
tristesse /. sadness
troisième third
trombe /. waterspout; burst
trommelfeuer [German trom'-
mei-foi'er] m. drumfire
trop toc (much), toc far; toc
thickly, etc.
trophée/, mémento
trotter to run
troo m. hole
troublé -e disturbed
troubler to disturb
troué -e perforated; punctu-
ated; marked, punctured
troupe/, squady troop
trouver to find; se — to be;
appear
tuer to kill
tu -e aee taire
tumulte m. noise, roar
tunnel [tu-nèl; Eng,] m. timnel
turco m. Turco
tuyau m. pipe
tzing whizzi
un -e a, an, one
uni -e united
uniforme monotonous
union/, union
unison m. unison
unité/, unit
universitaire adj, university
université /. university
usage m, custom
user de to make use of
usine /. f actory
ustensile m. utensil
utiliser to use
utilité /. use
vacance /. vacancy; pi. vaca-
tion
vacarme m. noise
va-et-vient m. movement, com-
ing and going
vague/, wave
vague indefinite; purposeless
vaguement indefinitely
vaguemestre m. non-commis-
sioned officer in charge of
baggage and mail
t vaillamment valiantly
t vaillant -e brave
vain -e vain; en — in vain
vaincre, vainquant, vaincu to
conquer
vaincu(s) see vaincre
vainqueur m, conqueror
VOCABULARY
265
▼aleiir/. value
valide well, uninjured
vallée/. Valley
valoir, valant, valu to be worth;
— mieux to be better
se vanter to boast
vareuse/, jacket, blouse
varié -e varied
varier to vary
vaste large
vaudrait 8ee valoir
vaut 8ee valoir
vautré -e wallowing^ sprawling,
lying
vécu -e lived; which bas been
lived
véhicule/, vehicle
t veille/, day before, eve
t veillée /. evening
t veiller to watch
t veilleuse/, night-lamp
vendre to sell
venger [ge before a or o] to
avenge
venir, venant, venu to corne;
— de to hâve just
vent m. wind
vente/, sale
ventre m. stomach; à plat —
flat on the face
venu 8ee venir
verdure /. green, greenness
vérification /. proof
vérifier to inspect
véritable real, genuine
véritablement really
vérité /. truth
verre/, glass
vers toward; about
verser to pour; empty, take
out (of an auto, etc,), set
down
vert -e green
veste/, vest
vêtement m. clothes, garb
vêtir, vêtant, vêtu to dothe,
dress
veux see vouloir
vexant -e vexatious
viande/, méat
vibrer to pulsate, vibrate; be
in harmony
vicissitude /. chance, varying
success
victoire /. victory
vide m. gap; empty
vide-poche /. catch-ail
. vie /. lif e
viendra see venir
vienne {see venir) let . . . come
vierge/, virgin
vieux (tvieil), 'hdeille old; ex-
perienced
vif, vive lively; keen
vigilance/, care
vigoureusement violently
vilain -e bad
village m. village
vîUe/. city
vin m. wine
vingtaine/, score
violemment violently
266
CARNET DE CAMPAGNE
violent -e violent
violin m, violin
Virgile m. Virgil
virole/, femile, ring; collar
vis aee voir
visage m. face
vis-à-vis m. opposite
viser to aim (at), be aimed at
vision /. sight
visite /. call; faire — à to call
on
vite quickly
vitesse /. rapidity
vivace vigorous
vive (sec vivre) long livel
vivre m. food; pi. provisions
vivre, vivant, vécu to Jive .
vœu m. wish
voici hère is, hère are
voie /. road; — ferrée railroad
voient see voir
voilà there is, there are
voilé -e (à) covered; deadened;
stifled
voir, voyant, vu to see
voisin -e near-by, neighboring,
adjoining
voisinage m. * neighborhood;
proximity
voiture /. vehicle; carnage
voix/, voice
vol m, flight
volant -e flying
volatiliser to dissolve, evapo-
rate
volcan m. volcano
volée/, volley
voler to fly; steal
voleter [le hefore mule syU,] to
. fly, Ait
volonté/, will, détermination
volontiers willingly
voltige /. acrobatie feat, air-
spring
voltigeur m. rifleman
volupté /. pleasure
vouer to vow
vouloir, voulant, voulu to wish,
. will, détermine, want; try
voulu -e desired
voûte /. vault, arch, roof
voyage m. trip, travel
voyager [ge hefore a or o] to
travel
vrai -e true, real
vraiment truly
vue /. sight, view
vulgaire ordinary
w
wagon m. car
y there, hère; to them; in it;
in them, eto.; il y a there is,
there are; ago; it was . . . ago
yeux [i-eû] pi, of œil
zone/, zone
zouave m. Zouave
?,î
» V
g .
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